La Féline


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La Féline


Agnès, tu me disais récemment que certaines personnes ne savaient pas placer La Féline dans une catégorie — musique indé ou variété. Pour toi, le fait qu’il puisse y avoir hésitation sur la nature de votre musique, c’est plutôt insultant, ou au contraire plutôt flatteur ?

Agnès Gayraud : C’est un faux diagnostic. C’est comme si ce genre de découpage était encore pertinent aujourd’hui, alors qu’on voit bien qu’il y a plein de groupes influencés par une esthétique indé qui sont devenus « mainstream ». Comme dans le folk en ce moment ou dans le rock des années 80. Quand on nous dit ça, je trouve que ce sont des gens qui ne voient pas que l’époque se prête aussi à ça, c’est-à-dire qu’on peut faire quelque chose qui soit à la fois grand public et exigeant. De plus en plus exigeant, d’ailleurs, parce que le public connaît plus de musique, notamment grâce aux téléchargements sur Internet : on peut écouter à volonté des morceaux vieux de quarante ans ! C’est cet affinement des goûts « populaires » qui fait qu’on peut prétendre faire de la musique grand public sans que ce soit insultant. Quand on fait de la pop, on recherche bien sûr quelque chose d’immédiat. Mais en effet, on est aussi un groupe intransigeant. Il y a en nous ces deux côtés, qui entrent parfois en contradiction, mais je pense que ça appartient à l’époque. On est fier de la représenter.

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La Féline


J’ai toujours été mauvais pour classer les musiques dans les genres. Il y a pourtant des spécialistes de l’exercice, des gens qui identifieront dès la cinquième mesure un anarcho-punk racé aux accents new wave ou sauront démasquer même dans le noir un subtil garage rock psychédélique. Sans doute parce que je suis mauvais à ça, je me méfie de ces connaisseurs ; ils me rappellent trop ces gens impossibles qui viennent vous déranger au bar pendant un changement de set et glissent à votre oreille avec un petit haussement de sourcil érudit : « étonnante cette indie pop new age à tendance post punk ». Ils aiment tellement emprisonner les sons dans des mots.

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Devant la Féline, les pros de la mise en cage sont désemparés. « Folk ambivalente » disent-il, le regard sombre, quand on les pousse à bout sur leur terrain favori. Qu’il est vexant pour un expert d’être tenu en échec à domicile… Car les panthères n’aiment pas les zoos ; et la Féline c’est d’abord des images, plein d’images. Des images subjectives, suggestives, des bizarres projectiles de lumière lancés comme des balises dans la grisaille du quotidien, qui dévoilent sur son sol dur et las des fêlures ouvertes comme d’inquiétants sourires, d’inquiétants soupirs, d’inquiétants souvenirs. Ils s’amusent à nous faire peur et leurs rêveries résonnent au petit matin comme des prémonitions.

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YO LA TENGO / Painful (1993)


Yo La Tengo Painful

« Cher M. Falkowicz, Je tiens par la présente à vous adresser mes plus sincères et mes plus profonds remerciements ainsi que ma reconnaissance éternelle. Cordialement, Thomas Pirot »

Cette lettre, je ne l’ai jamais écrite mais j’aurais sûrement dû. Ce mystérieux M. Falkowicz, dont je tairai le prénom pour lui éviter de crouler sous des dizaines de milliers de lettres de fans tous les jours, n’est ni le cousin dyslexique de John Malkovich, ni un personnage terrifiant d’un film de David Lynch dont la surimpression sur le visage d’une belle blonde vous glace le sang.

Cet homme fût mon professeur d’acoustique il y a quelques années, pendant mes études de techniques du son. Et cet homme est un peu mon héros. Pas parce que ses cours ont révolutionné ma vie, pas parce que la physique est ma passion. Au contraire, j’étais plutôt largué dans cette matière dont j’ai compris l’utilité mais jamais les fonctionnements.

Ce professeur a cela d’héroïque qu’il m’a un jour offert un CD gravé (un CD de données comme on disait à l’époque !) contenant une petite dizaine d’albums en mp3. Parce qu’on avait discuté musique, parce que mon meilleur ami portait un T-shirt des Smiths… Sur cette compile se trouvaient un album des Verlaines, un autre des Only Ones… et puis Painful.

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D’ANGELO / Voodoo (2000)


D'Angelo Voodoo

Encore un album (et un artiste) que j’ai mis énormément de temps à aimer, et à comprendre. Il n’y a pas plus monotone en apparence que Voodoo. Pourtant, cette monotonie, cette grisaille sonore cotonneuse abrite une vraie folie. Une manie. Comme il l’indique dans le texte qui ouvre le livret de l’album, D’Angelo s’est longtemps interrogé sur une façon de faire de la soul en l’an 2000 (l’année de sortir de Voodoo), une soul qui s’inscrirait dans la lignée des aînés (« Jimi, Sly, Marvin and Stevie », comme il dit) tout en créant la rupture et en prenant des dernières avancées sonores (les productions et les calages rythmiques du hip hop en général et de Jay Dee en particulier sont passés par là). Ce manifeste a globalement donné naissance au micro-mouvement appelé la new soul au début des années 2000, mouvement qui n’aura pas vraiment marqué l’histoire de la musique, mais là n’est vraiment pas la question.

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(PLEASE) DON’T BLAME MEXICO. Live


Image : Hedwige Dhénain
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(PLEASE) DON’T BLAME MEXICO : « The Protocol »


Images : Hedwige Dhénain + Romain Al

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