Marc Desse

 

 

 

 

Membres: Marc Desse (chant, guitare)

Ville : Paris

Depuis : 2011


Discographie

(Marc Desse Petite Anne Single

Moonlight / Petite Anne (Split- single | Bleeding Gold, 2011)

A. The pipers – Moonlight / B. Marc Desse – Petite Anne

 

 

 

(Romance) (Ep | Bleeding Gold, 2011)

1. Mona Et Moi / 2. Autour de toi / 3. Acte Manque/ 4. De Gens Honnêtes (Romance)

 

 

(Marc Desse Video Club Single

Video Club (Single | Bleeding Gold, 2012)

1. Video Club / 2. Tu Sais

 

 

(Marc Desse Nuit Noire Album

Nuit Noire (Album | Balades Sonores, Bordeaux Rock, 2014)

1. Ma fiancée / 2. Un instant heureux / 3. Henri et Elsa / 4. Oh Babe (C’était si bien) / 5.Chanson pour Olive / 6. Nuit noire / 7. Faits d’hiver / 8. Giverny / 9. Plus louche que toi / 10. Tes larmes

 

 


Subjective présente Marc Desse

« Tout recommencer à zéro, tout recommencer à zéro… » J’ai entendu cette chanson de Granville un jour dans ma cuisine. Elle passait sur France Inter, la radio qui permet aux fonctionnaires de rester dans le coup et de deviser à la cantine sur Florence and the Machine et Anna Calvi. Grâce cette programmation, prompte à défendre le service public, je commençais bien ma journée, assez content d’entendre de la pop plaisante et chantée en français, passée aux heures de grande écoute, car quand toute votre vie, c’est avec les radios belges que vous avez fui le désespoir des ondes françaises, il est toujours étonnant d’y entendre ce qui se rapproche d’une bonne chanson.

Les mentalités évoluent et le bon goût est entré dans les chaumières un peu en même temps que l’ADSL. Les Mustangs, La Femme et Aline remplissent les salles et les festivals, les Fauves et les Feu! Chatterton font déjà de même… Demain bien d’autres suivront et c’est plutôt réjouissant au fond. Oui, ça chante en français, de plus en plus et dans tous les genres de la pop. « Tout recommencer à zéro », quel beau programme tout de même… Ces jeunes gens vont certainement tout mettre tout à plat et c’est bien, c’est prometteur. Fini le passéisme, la musique à papa et les disques à papa jamais dépassés. Sauf que les paroles, c’est « tout recommencer à Jersey » et j’ai été un peu déçu en l’apprenant. Se promener aux îles anglo-normandes, faire de la planche à Biarritz, penser aux  »copains » ou regarder le ciel, ça ne révolutionne quand même pas le monde. En tout cas c’est toujours rafraîchissant. Ça tombe bien l’été commence.

Marc Desse, notre nouvelle obsession, sort au mois de juin un disque hivernal, aux chansons solitaires. Il a organisé récemment un festival rassemblant de l’autre côté du périph’ ce qui pourrait ressembler à la dream team de la nouvelle pop française. Lui, on le décrit comme un peu à part, détonnant parmi ces nouveaux jeunes gens modernes. C’est aussi notre avis. C’est d’ailleurs en cherchant des chansons de Jean Néplin – Rita Mitsouko maudit et jeune homme plutôt détonnant (les algorithmes font décidément bien les choses) – que je suis tombé sur la chaîne youtube de Marc Desse. Que des hits: « Petite Anne », « Des gens honnêtes », « Mona et moi » ou « Vidéoclub »: pour moi l’affaire était entendue. Desse, c’était un esthète, un type qui connaissait ses classiques par cœur et qui avait exploré à fond le moindre recoin du meilleur de l’électro-pop des années 1980. J’avais tout de suite aimé ses chansons limpides équilibrant guitares aigrelettes et synthés rétros. Une voix douce et profonde, qu’il avait le bon goût de marier parfois à un chant féminin, évoquant les délicieuses chansons d’Elli et Jacno, lui donnait juste ce qu’il faut de charme et de mystère pour emballer, peser et expédier le tout. En tant que fan de pop en français j’avais ma dose, et je trouvais qu’il remplissait largement le le cahier des charges du bon artiste émergent.

Je m’attendais donc à écrire facilement cet édito pour le sympathique Marc Desse. « Ma fiancée » dénotait un peu avec les autres chansons, mais pas de quoi faire évoluer mes impressions. Puis Nuit noire est arrivé et une fois l’album écouté, je n’avais justement, comme n’a pas chanté Granville, plus qu’à tout recommencer à zéro. Car Marc Desse sort un vrai album, pas une paresseuse compilation de premiers essais accompagnés de quelques titres pour remplir. Un vrai album, avec une véritable identité. Bon, il a durci un peu le ton, mis l’accent sur les guitares… Pas vraiment de changement. Mais à la première écoute, en auditeur pressé, le tout m’avait moins plu. Pas une chanson vraiment pop (au sens RTL2 du terme). Pas un titre à faire danser dans les bars. Surtout des ballades voir des slows. Le disque est lent, doucereux, les chansons prennent le temps de vivre, de se déployer. Mais l’apaisement est trompeur, la voix de velours prononce des textes courts et les mots nous arrivent comme des formes que l’on distinguerait ici et là dans un épais brouillard, dans un fracas ouaté, de beaux nuages menaçants.

Les synthés des premières chansons ont été mis en retrait, et c’est un son plombé et déconcertant que produisent les guitares. Beaucoup de groupes de pop évoluent dans un registre rétro charmant, décomplexé, et remis au goût du jour. Peut-être pourra-t-on trouver ce trait de l’époque chez Desse. Mais celui-ci n’a pas oublié le rideau de fer et de barbelés bâti dans l’urgence par Sonic Youth, Jesus and Mary Chain ou My Bloody Valentine. La frontière qui nous a longtemps protégés des hordes libérales de la facilité et de la dance music a cédé un peu en même temps que mourrait le compact disc. Et aujourd’hui, l’obligation d’être plaisant ou d’apprécier le dernier tube consensuel et funky rend cette position difficile. « Get happy », ça vaut mieux. Desse propose un bon vieux mur du son avec guitares et effets éclatants. Le son de « Vidéoclub » m’impressionnait déjà, d’autant plus qu’il avait été enregistré à la maison. Mais les fulgurances, sont ici tordues et rendent l’ensemble un peu étrange et dissonant. Au fil des écoutes je trouvais Marc Desse de moins en moins sympathique (puisque « sympathique » s’applique désormais à presque tout) et de plus en plus difficile à saisir, voire un peu bizarre « marginal convivial, socialement instable ». C’est en effet un univers particulier et intime que le chanteur a choisi de nous dévoiler avec pudeur.

On devinait Desse noctambule et oiseau de nuit. Et ce n’est pas un trait de caractère qui est bien rare, me direz-vous. Cependant, la nuit qu’il invoque n’est pas le faux jour des fêtard mais la nuit noire. Et la nuit vraiment noire est rare. Quand on la rencontre, on s’en étonne. On ne la trouve que loin de toute pollution lumineuse, ou loin de ses semblables parfois. Les lumières de la ville font tout pour vaincre cette nuit, pour nous faire croire que nous ne sommes jamais seuls. C’est par les détours d’une ville déserte et méconnaissable que Desse nous entraîne : voyage au bout des bars de glace et des jouisseurs à demi morts d’une capitale hostile dans « Henri et Elsa » ; pour  »Faits d’hiver », c’est au cinquième étage désert au milieu de la nuit que Desse s’arrête pour un des seuls titres vraiment rapides de l’album.

L’hiver, la nuit, la solitude… il faut savoir les saisir. Oser le désert, prendre de la distance, partir tout en restant sur place. C’est le dilemme impossible de l’homme moderne : vivre ici et ailleurs et évoluer au milieu de ses semblables tout en les gardant à une saine distance. La distance c’est la posture que Desse choisit sagement d’imposer. « Oh babe », commence comme un slow standard avant de s’enfoncer dans les profondeurs et les regrets sans pour autant avoir l’assurance de retrouver un bonheur passé : « C’était si bien, portant mais je ne m’en souviens plus très bien ». « Les bons moments passent vite », chantait Ferré dans « La vie d’artiste ». Les visions nocturnes de Desse semblent lui donner raison.

« Trop tard pour te dire au revoir » : du voile mortuaire de la chanson pour olive, cousu dans une mélodie limpide, à l’érotisme macabre de « Ma fiancée », une ombre plus inquiétante que celle de la nuit flotte au dessus des chansons. Des « Instants heureux » peuvent naître, mais peut-être pas sans douleur… Il y a les bons souvenirs, mais les délices évoqués dans « Giverny » sont de l’ordre de la fantasmagorie… Nuit noire, nuit noire dans tes cheveux… Pour s’échapper tout en restant les « Amants malheureux » peuvent se réfugier dans une chevelure et y trouver une obscurité apaisante, un répit, le temps que dure la nuit… Ces demi cauchemars, ces rêves réveillés, sont pourtant évoqués avec une voix chaleureuse et douce. Marc Desse charme, et les mots que sa belle voix prononce ne se révèlent que petit à petit. Il a eu en effet le bon goût de ne pas mettre son chant trop en avant de ne pas s’inspirer de ce mixage à la française si particulier qui nous permet ne pas manquer, quelles que puissent être les conditions d’écoute, la moindre des syllabes des textes si profonds de Zazie, d’Obispo ou de Stromae.

« Tout recommencer à zéro… » Si on possède un peu de jugement, on se rend vite compte que cela reste une chimère. « Nuit noire », on tient tout de même un disque au charme bizarre dans lequel on a envie de plonger et de se perdre. Il ne reste plus qu’à convaincre les programmateurs de France Inter.

Par Atlas Ibiza

LIRE SES Interviews. VOIR SES Photos. VOIR SES Videos.



ses chroniques




</