TEXTES



2014 par l’équipe


Le meilleur de 2014, tout au moins d’après l’équipe de Subjective, se trouve quelque part entre Philadelphie, Yogjakarta et Buenos Aires. En 2014, les « grosses guitares » font encore sens, la soul a toujours bon goût, les influences hétéroclites de la dernière demi-douzaine de décennies sont passées à la moulinette d’artistes encore et toujours innovants.

Ought – « The Weather Song »

Cette année j’ai décrassé mon ampli, changé le diamant de ma platine et beaucoup écouté le premier LP de Ought. Je m’y suis retrouvé en terrain familier, pas très loin de Sonic Youth, tout près de The Fall. Peut-être pas le comble de l’originalité, donc, mais ce disque me permet de répondre à mon ami Thomas Darras : bien sûr que si, la musique à guitares peut encore être excitante en 2014 !

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SHADOW MOTEL


Discogs.com propose à ce jour les notices de 5 423 714 disques différents (dont Ausfahrt Nach de Shadow motel – 11 euros à l’argus). Si vous vous limitez à une chanson pour chacun des 3 627 944 artistes recensés, un peu moins de 200 titres par jour pendant 50 ans vous suffiront pour écouter à peu près toute la musique sortie avant 2015. Facile. Voilà en gros l’étendue du brouhaha que nous propose la pop. Mais ce serait dommage de n’écouter qu’une seule chanson de Shadow Motel en 50 ans. Pour ceux qui commenceraient déjà leur playlist d’un demi siècle, placez y tout de même « Jim », « Applause », ou « Ivory Eyes ». Du brouhaha de quelques millions de titres il est tout de même permis d’espérer que certains pourront se démarquer, émerger un peu de la masse.

Ausfahrt Nach, disponible via Discogs

Quand j’étais ado, un groupe légendaire de rock expérimental new-yorkais avait une place de choix parmi les photos d’artistes que je punaisais alors sur le mur de ma chambre. Ils avaient leur « son », comme disent les amateurs de bon « son » : harmonies uniques, fureur et atonalité, étrangeté, audace… Tout ça empaqueté dans du rock’n’roll. Pas mal. Cette année j’ai eu l’occasion de voir le projet solo du « poète » du groupe légendaire de rock expérimental new-yorkais. Au milieu du concert, il nous a expliqué que la prochaine chanson avait été inspirée par ses vacances à Lecce. Au stand merchandising, ou l’on trouvait des rééditions des disques des années 1980 du groupe légendaire, je me rendis compte que le « poète » et son batteur étaient bien sympathiques mais avaient tout de même l’âge de mes parents. Mais en première partie du groupe légendaire, il y avait Shadow Motel qui proposait sa formule, son intuition à renouveler un genre que le groupe légendaire de rock expérimental new-yorkais avait largement popularisé. Ouvrant pour des pages vivantes d’histoire du rock, le groupe pouvait compter sur les quelques grammes de magie qu’ils parviennent toujours à insuffler dans chacun de leurs morceaux. Le trio tient une formule, qu’ils appliquent avec plaisir. Une tactique née de tâtonnements occultes qu’ils semblent bien aise d’avoir découverte.

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Robbing Millions : « Lonely Carnivore » (2014)


Les extended plays, que l’on appelle communément EP – à mi-chemin entre single et album – sont des objets bien singuliers. Et ils ont le vent en poupe : quel amateur de musiques indés n’a pas pas sa collection d’EP ? Ils sont souvent anecdotiques et n’intéressent alors qu’une maigre poignée d’ultra-fans prêts à tout pour acquérir la totalité des œuvres de leur groupe chéri, sous tous les formats existants. Mais ils sont parfois aussi géniaux que les albums qui suivront. On pourrait faire un parallèle avec les courts métrages : il y a pléthore de courts métrages oubliables et il y a The Big Shave de Scorcese, Bottle Rocket de Wes Anderson ou Cash Back de Sean Ellis. Pour revenir à nos moutons et conclure sur ce bref exposé, il y a des EP qui en soi, ont valeurs d’œuvre, et pour ne pas tourner autour du pot, c’est le cas de Lonely Carnivore des Robbing Millions, qui nous avaient déjà livré un EP d’une rare qualité avec Ages ans Sun.

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KIDSAREDEAD POUR CHRIS WEISMAN


Kidsaredead est fondu des expériences prolifiques de Chris Weisman. Il nous l’avait confié dans une chronique dédiée à son œuvre et à la scène de Brattelboro. Chris Weisman est un drôle de bonhomme pourvu d’une intuition mélodique sans pareil, que son amour des enregistrements lo-fi n’altère en rien. C’est vrai, c’est un peu sec à la première écoute et on a l’impression que Weisman enregistre sur un quatre pistes, en fin de soirée, sans trop se soucier de l’aspect brut de sa production.

Kidsaredead a été sollicité par le label OSR Tapes pour participer à l’enregistrement d’une compilation entièrement dédiée à Weisman qui rassemble 67 titres et presque autant de contributeurs. Kidsaredead a invité quelques amis pour l’occasion : Jesse de This Is The Kit, Ricky Hollywood ou encore Alex d’Orval Carlos Sibelius. C’est une belle histoire dans laquelle tout le monde est content, surtout nos oreilles.

Kidsaredead a complétement abandonné le coté lo-fi propre à Chris Weisman pour y mettre sa patte, pour faire des trois compositions qu’il reprend de véritables covers ; il ne se borne pas à reprendre les titres à l’identique, il les réarrange, remplace une guitare par un clavier, ajoute des chœurs, une flûte traversière.

Le titre « I Draw You Near » ne peut laisser froid et se démarque franchement du titre original. On se surprend rapidement à faire partie des chœurs, à fredonner ces textes abscons qui nous font pourtant craquer à la première écoute :

« Mama, I think that you’re Obama

I think that you’re the president here

I know that’s weird »



 

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Bad Bats : Cavern (2014)


Cavern est un disque qui fût enregistré entre Paris et Tokyo par Edouard Rose, membre de notre obsession Feu Machin. L’album est sorti le 17 novembre chez Humanist Records. Tout a commencé pour moi avec « Mothern Cavern », titre phare de l’album capable de recycler impeccablement l’ambiant en y fourrant de petites doses de tropicalisme et de surf. On s’imagine bien étalés sur un transat, les pieds enfoncés dans le sable, à regarder les baigneurs patauger. Pas banal. D’autant plus qu’à l’écoute de l’album dans son entièreté, ce titre fait figure de spécimen, intelligemment logé parmi des titres plus électroniques, moins organiques, et surtout moins apaisants. Les voix sous-mixées, branchées en écho et les harmonies hypnotisantes marquent l’album du sceau de l’intuition la plus reptilienne. A l’instar de ce que l’on trouve dans les meilleures productions de Kraut ou d’electronica, les nappes de claviers, les sons lancinants étirés et les rythmes mécaniques vous fixent dans une léthargie contemplative

 

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La Féline : « Adieu l’Enfance » (2014)


« Si tu associes des images à la musique, ça donne une nécessité à tes notes, ça projette une atmosphère », nous confiait Agnès Gayraud – chanteuse du groupe La Féline – dans une interview.

À l’origine du titre « Adieu l’Enfance », une photographie d’Agnès lorsqu’elle était enfant. Souriante, cheveux courts, elle porte en elle les secrets de l’enfance et sur elle un manteau bleu pastel. Dans ce tableau en contre plongée, l’enfant « debout sur [son] rocher » surplombe sans le savoir un public déjà conquis, le regard timide et rieur tourné vers un hors champ qui l’anime. Et c’est comme si Agnès Gayraud avait durant toutes ces années emmené avec elle ce mystérieux hors champ, comme un monde rien qu’à elle, devenu depuis espace musical qu’elle explore sans cesse sans trop en dévoiler le secret. Faute de pouvoir le voir, on peut l’écouter, le deviner. Depuis le premier morceau du premier EP. Il est sensible cet endroit, il est sensuel et suave, sombre parfois, lumineux souvent. Et puis depuis peu, il y a cette phrase taguée sur les murs. « Adieu l’enfance ». A-t-on affaire à un règlement de compte ? Une revendication ? Ça ne peut pas être ça, personne n’aime les adieux.

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Gulcher : Cocktails


Le 30 juin dernier sortait le nouvel album de Gulcher, soit le premier de la nouvelle formation, et le second de l’ancienne. Vous me suivez ? En tout cas, ce jour-là, à la fin juin, au début de l’été, dans l’insouciance – ou plutôt l’inconscience – la plus totale, alors qu’on préparait bien gentiment notre valise pour partir en vacances chez mémé à Granville, les nouvelles recrues du label Without My Hat Records sortaient Cocktails, un album de 10 titres enregistrés…en Normandie, tiens !

Alors oui, nous avons quelques mois de retard, mais comme je confonds toujours la fête du débarquement avec l’armistice, finalement je trouve qu’on est plutôt dans les temps ! D’ailleurs, je n’envie pas ceux qui l’auraient déjà écouté 100 fois, je préfère en être à ma toute première, en ce jour d’octobre où j’ai goûté aux Cocktails de Gulcher…

Dés les premières gorgées, la machine est lancée. L’effet d’une toupie que l’on impulse, une onde vibrante non identifiée se dirige vers moi, tournant très vite et m’emportant dans un tournis qui me grise déjà. « Bird Nine » me fait l’effet d’un perroquet. La fraîcheur d’une nouvelle voix (Johan D en lead), la surprise d’un mélange des genres (d)étonnant. Une inventivité qui ne s’épuise pas depuis qu’Alexander, Alexandre et Ronan – membres du groupe depuis sa formation – jouent ensemble.

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