CHRIS WEISMAN et BRATTLEBORO


chris weisman

A la fin du mois de janvier 2014 à St-Ouen au festival MOFO, j’ai eu la chance d’assister au très chouette concert de Happy Jawbone Family Band, dignes héritiers de Camper van Beethoven, qui excellent dans un rock foufou et lettré. Plus tard, j’ai pu bavarder un peu avec Bobby et Francis, deux sympathiques membres du groupe, originaire de Brattleboro une bourgade de 12000 habitants dans le Vermont au Nord-Est des Etats-Unis, où habite également Chris Weisman. Je leur ai demandé si ils le connaissaient. « Bien sûr ! j’ai passé la soirée avec lui la semaine dernière ! ». J’ai découvert Chris Weisman en septembre dernier, avec le multi-disque Maya Properties qu’il a posté en intégralité sur Youtube. onze parties d’environ vingt minutes chacune, 88 morceaux au total. Les chansons excèdent rarement 3 minutes et s’enchaînent sans pause comme un long morceau de rock progressif. Les moyens cependant sont plus humbles que ceux employés par nos chers dinosaures des années septante : un magnétophone 4 pistes, sa voix fragile doublée, parfois accélérée ou ralentie, une ou deux guitares et un synthé cheap type casio 80ies dans un delay un peu baveux. Parfois un peu de batterie avec la bouche. Une écoute un peu distraite pourrait faire penser à un épigone d’Elliott Smith à la sauce early chillwave (les premiers albums d’Ariel Pink).

Mais Chris Weisman mérite bien mieux qu’une écoute distraite. L’évidence mélodique, l’austérité de l’instrumentation et le souffle de la bande dissimulent une écriture complexe. Son jeu de guitare n’a rien à envier à celui de Nick Drake. Il a longtemps étudié l’improvisation (il cite entre autres Steve Lacy, Kurt Rosenwinkel, Lyle Mays dans ses interview…) et a même publié un ouvrage intitulé Nonmusical Patterns and their Musical Uses dans lequel il présente de nouvelles gammes construites sur des motifs visuels. Pourtant, loin de s’égarer dans des compositions labyrinthiques, son songwriting trouve un compromis génial entre l’art de la ritournelle pop (la forme classique strophique ou couplet-refrain) et une recherche harmonique très personnelle, intuitive et savante à la fois, toujours sur le fil, qui chasse ses trouvailles sur la terre des ugly beauty chères à Thelonious Monk.

C’est dans son vœu de pauvreté analogique que réside aussi toute sa force : sa musique pourtant très sophistiquée a le courage de se passer des artifices du tout puissant ordinateur, lui qui corrige si facilement toutes les erreurs, lisse, uniformise. A nos oreilles habituées à consommer une musique réchauffée au micro-onde, Chris Weisman offre le rare plaisir d’une musique que l’on déguste crue. Des démos des Beatles, réharmonisées par Charles Ives, interprétées par Blind Willie McTell, sur des textes rappelant les chansons fictives des romans de Thomas Pynchon : MIT, don’t blame music theory, angleterre anywhere, xerox park, my brilliant euphonium,…

Depuis 2008, il a déjà publié une dizaine d’albums, dont plusieurs doubles et je suis toujours épaté par la constance de la qualité de ses chansons. En contrepartie de cette production pléthorique, il reste soucieux de son bilan carbone : il refuse de partir en tournée. Il gagne sa vie en donnant des cours de guitare à Brattleboro et quand il n’est pas inspiré pour composer, part se promener dans les montagnes.

Chris Weisman a un alter ego dans cette ville en la personne de son ami Ryan Power. Ils ont usé ensemble les bancs de la fac de musicologie… La musique de ce dernier est tout aussi sophistiquée mais opte pour la technologie haute-fidélité et un songwriting plus tarabiscoté. Étiqueté à tort de « sous-Ariel Pink » par Pitchfork, sa démarche se rapproche plutôt de notre Ricky Hollywood national : lyrisme cru et néo-sincère, mélodies acrobatiques se déployant dans un palace de synthétiseurs et de cocottes funky humblement élaboré à l’aide d’un clavier midi dans sa chambre. La production léchée et le souci du détail évoquent Steely Dan au crépuscule des années 70 ou encore le travail de Thomas Dolby pour Prefab Sprout. Ricky en parlerait mieux que moi.

Enfin un hit pour aller sereinement à la maison de retraite.

Quelques bonnes interviews de Chris Weisman :

sur Tinymixtapes pour l’album Transparency / sur le site de son label OSR Tapes

Où trouver ses disques :

Fresh sip sur Feedingtuberecords / Transparency, Message from work, Tape Walk, Northern Songs avec Greg Davis, Over the split shadow avec son frère Kurt etc… sur autumnrecords / Bentonia sur Spookytown record

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VERSION ANGLAISE // ENGLISH VERSION

« Chris Weisman and the Brattleboro scene »

An English translation with a little help from Kate Stable, thank you Kate !

 In late January 2014 , I had the opportunity to see the real cool band Happy Jawbone Family Band, heir of the great Camper Van Beethoven, playing their Beat up and battered rock’n’roll live at the MOFO Festival in St-Ouen. After the show, I even managed to chat with members of the band, Bobby and Francis, members of the band, who come from the town of Brattleboro, Vermont, 12000 inhabitants. I was very excited because it is also the town Chris Weisman comes from. “I just spent the evening with him the other night !” said Francis.

I discovered Chris Weisman last year with Maya Properties , an album that he released on YouTube in eleven parts, each lasting around twenty minutes.There are a total of eighty-eight tracks each song lasts 3 minutes and play seamlessly giving you the impression to be listening to a long prog rock track. But he doesn’t record them using the 70ies prog rock paraphernalia : just a 4-track tape recorder (« sounds fine to me »), his frail voice doubled, sometimes sped sup, sometimes slowed down, one or two guitars and a cheap casio synth through a dirty delay. A quick listen would make you think of an Elliott Smith disciple with a chillwave twist (Ariel Pink early records).

But Chris Weisman deserves much better than just a quick listen : the catchy melodies, the austere instrumentation and the tape hiss conceal a complex songwriting. He studied improvisation (he mentions Steve Lacyn Kurt Rosenwinkel, Lyle Mays in interviews…) and has also published a book called Nonmusical Patterns and their Musical Uses in which he introduces new scales inspired by visual patterns on the guitar neck. Nonetheless, his songwriting never gets lost in ever-noodling compositions : it is a stunning compromise between the classic pop ritornello (the verse-chorus format) and a very personal harmonic quest, both intuitive and scientific. The songs are always on the edge, hunting the ugly beauty once captured by Thelonious Monk.

The strength of his music also lies in his vow of analogic poverty : his sophisticated songs dare to reject the help of the almighty computer. The listener feels like rediscovering the joy of a raw exotic fruit, after a diet of microwaved meals.Beatles demos, harmonized by Charles Ives played by Blind Willie McTell with lyrics reminiscent of the Thomas Pynchon fictitious songs: MIT,don’t blame music theory, angleterre anywhere, xerox park, my brilliant euphonium, …

Since 2008, he has released over ten albums, including several double albums and I’m always amazed at the consistent quality of his work. A very prolific songwriter, Chris Weisman is also concerned about his carbon footprint and refuses to tour outside the US. He lives in Brattleboro, Vermont (population 12000) and makes a living as a guitar teacher. When he is not inspired for a new song, he goes for a walk in the mountains nearby.

Chris Weisman has an alter-ego in this town, a friend he met at University called Ryan Power. Their musics are just as sophisticated except the latter has opted for a more Hi-Fi output. Wrongly categorized as just another Ariel Pink by Pitchfork, I would dare to relate him to a French rising underground hero, Ricky Hollywood. Same crude lyricism and acrobatic melodies delivered by an elastic voice inside synthetic palaces that he crafted with the help of a midi keyboard in his bedroom. Painstakingly produced, his songs are also reminiscent Steely Dan records made in the dusk of the seventies or the Thomas Dolby era Prefab Sprout masterpieces. Ricky would know better.

At last, a hit song for retirement home.

A few good interviews of Chris Weisman :

on Tinymixtapes for the album Transparency / on OSR Tapes

Where to buy his records :

Fresh sip on Feedingtuberecords / Transparency, Message from work, Tape Walk, Northern Songs with Greg Davis, Over the split shadow with his brother Kurt on autumnrecords / Bentonia on Spookytown record

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