ANNE SYLVESTRE / 40 Ans De Chansons (compilation, 1999)


Anne Sylvestre 40 Ans de Chansons

Quand on compose en France et qu’on a bon goût, on cite l’influence de Serge Gainsbourg dont le nom commence à s’user à force de passer dans toute les bouches. De la même génération, on cite Christophe, un peu plus ces derniers temps. On a raison. Un peu Brigitte Fontaine, le premier Polnareff, du bout des lèvres (et pourtant que de superbes chansons, de « Sous Quelle Étoile Suis-Je Né ? » à « Michael » !). Beaucoup plus rarement en revanche – peut-être parce que les ponts avec la pop anglo-saxonnes sont clairement plus ténus chez elle – entend-on citer la remarquable Anne Sylvestre.

Auteure-compositrice prolifique depuis les années soixante, elle a écrit mille chanson et j’en connais vingt. Mais parmi elles, j’ai retrouvé en les écoutant une sincérité que la pop gainsbourgienne a parfois un peu perdue, à force d’élégance et de second degré, de clichés d’Amérique à la française. J’ai retrouvé un art de la composition et de l’écriture qui ne mise pas sur autre chose qu’elle-même, la force nue de phrases qu’on peut chanter à vingt ans comme à soixante, devant des gens branchés ou débranchés, des phrases qui scotchent tout le monde parce que ce que est dit bouleverse toutes les poses, parce que sans prétention, c’est profond. Il y par exemple la chanson « Aveu » de 1969 (disponible aujourd’hui dans l’album Mousse) , ou encore « Les Gens Qui Doutent » ou « Comme Un Personnage De Sempé ». Anne Sylvestre, ce n’est pas, c’est vrai, ce qu’on appelle du rock. Mais ce n’est pas de la variété non plus, si la variété est une affaire de (grande) surface : c’est de la chanson, plus rebelle dans le propos que beaucoup de « fuck you ! » assénés sans conviction. Anne passe son temps à dire « fuck you ! » en fait : aux machistes, aux réactionnaires, aux convaincus, sans pour autant en faire une pose engagée. Ce qu’elle aime Anne, ce sont « les gens qui doutent » et qui « par trop écoutent leur cœur se balancer ». Et là, de tout cœur, je la suis.

par Agnès Gayraud


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