TEXTES



Kidsaredead : sur la colline


Par Agnès Gayraud aka La Féline

J’ai vu Kidsaredead aux Trois Baudets le 4 mars dernier. Nous étions une quarantaine de personnes, tous sagement assis sur les confortables banquettes rouges en contrebas de la scène où Vincent à la guitare et au chant, Cristián à la batterie et Mabit à la basse nous dominaient, en jouant plus fort et plus intense qu’on ne s’y sent habituellement autorisé dans l’écrin cosy de ce lieu. Et nous étions quarante – quelques sièges vides devant moi – à ne pouvoir s’empêcher de bouger la tête, les pieds, les genoux. Ça faisait vibrer toute la rangée des sièges. Il fallait faire gaffe, à tout moment l’ondulation pouvait prendre de l’amplitude. C’était presque un peu gênant pour ceux du bout qui jetaient des regards réprobateurs en direction des plus agités du centre. Et comme les rythmes de Kidsaredead ne sont pas des rythmes simples, et qu’ils changent souvent, chacun avait un peu son petit groove à lui : ça faisait des tensions contraires sur l’armature des fauteuils, d’avant en arrière, de droite et de gauche, et ça grinçait un peu. Il fallait se contrôler du coup, entre gens civilisés, écouter surtout avec les oreilles, et opter pour un pogo essentiellement intérieur.

À la vérité, nous aurions pu être quatre cents, quatre mille même, sans exagération, parce que ça jouait vraiment du tonnerre. D’explosions en explosions, de ravissement en ravissement, le show tenait ses promesses et amenait de nouvelles surprises. Je me suis laissée prendre dans ses montagnes russes, ses accélérations exaltées, et à chaque pic d’adrénaline, il y avait la voix mélodieuse de Vincent pour me recueillir ; cette voix puissante et juvénile qu’il sait voiler parfois avec une aisance déconcertante, et qui semble remonter de tout son corps depuis ses jambes mobiles et jusqu’à la pointe de ses cheveux, comme pré-amplifiée dans l’électricité de ses doigts arrimés à sa guitare – qui n’est déjà plus qu’une extension naturelle de sa silhouette ondulante.

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Mocke / Sandwich Mostla Jojo Tape (2013)


Mocke

Sandwich Mostla Jojo Tape, c’est bel et bien le nom du premier album de Mocke, orfèvre-guitariste de notre obsession Midget !, mais aussi d’Arlt et Holden. Un nom d’album qui n’a peur de rien, vous me direz. Et je vous répondrai que vous n’avez encore rien vu, rien entendu. Cet album fait partie de ceux qui racontent une histoire. La pochette le suggère : Jojo est un individu, qui quelque part – je me plais à imaginer la frontière nord du Mexique –, concocte des sandwichs et trimballe sa carriole sous les palmiers.

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MERCREDI 26 MARS // THE YOLKS + KIDSAREDEAD


Voilà bien trop longtemps que nous ne nous sommes pas réunis pour écouter ensemble de la chouette musique. Nous y remédions le 26 mars, avec The Yolks et Kidsaredead à l’affiche, rendez-vous à l’International dès 20h30, concert gratuit !

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OK / SHARDS (2014)


OK shards 150

OK is back ! Notre obsession pop revient avec Shards, album long format sorti chez Carton Records, après deux EP sortis respectivement en 2011 et en 2012. De retour donc, avec du neuf. OK change, évolue et propose aujourd’hui une nouvelle mouture : plus rock, franchement plus brut de décoffrage. Et surtout, surtout !, le banjo. On pourrait croire qu’en dehors de la séquence culte du film de John Boorman, Delivrance,  le banjo est et restera un instrument difficile à digérer. OK nous démontre l’inverse. Il suffit d’écouter « A Night To Switch On » ou « Turning On A Dime » – dont le clip fut d’ailleurs réalisé par nos services ! – pour s’en convaincre. Shards met un peu de piment dans sa recette, mais aussi dans dans vos molles journées. Si vous craquez sous la morosité, quoi de mieux que d’allumer sa chaîne hi-fi pour y glisser Shards, quoi de mieux que cette série de titres qui prennent aux tripes, invitent à l’égosillement. Vous vous surprendrez, poitrine gonflée, à chanter les refrains les uns après les autres.

Mais Shards, c’est aussi des pointes de douceurs. « Roads », reprise de l’énigmatique Nick Drake, bien plus énergique que l’originale, conserve pourtant la mélancolie qui caractérisait la musique du Britannique. De quoi équilibrer ce bel album qui mériterait de faire… un carton !

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RADIO ELVIS


Il est arrivé, avec sa marinière, sa guitare, ses lunettes, il a pris possession de la scène devant un public encore clairsemé, s’est présenté : «Bonjour, je suis Radio Elvis, bienvenue, j’espère que ce sera bien». Cette entrée en matière augurait une mise à mort par l’audience tant l’homme semble humble et hésitant. Il n’en fut rien.

Radio Elvis, c’est avant tout rêche, sec, énervé.  Il n’avait pas besoin de se défendre, pourtant il semblait avoir un «putain de truc à nous dire», parce sous ses (faux) airs du gars s’excusant presque d’être là, Radio Elvis est venu calmement pour en découdre.

Peut-être est-ce certaines de ses sources d’inspirations, la mer, la rudesse de ses paysages, les marins qui la labourent, qui le poussent à remuer son public. On se laisse un peu aller mais on imaginerait celui qui dans le brouhaha d’un bar à marins de la rade, aurait sa place à gagner, ses chansons à faire valoir, devant un public plus préoccupé de noyer la dureté et le romantisme du travail de la mer dans la dernière expérience alcoolisée de la place.

Attention, restons focus, ne partez pas chercher le dernier gueulard de banalités sur la rigueur des flots et la bonne grosse camaraderie du bord. Radio Elvis est inspiré, proche d’une réalité faite de questions nettement plus contemplatives et hautes que la complainte facile et sale. Il pourrait être le héraut de ces gens simples et embarqués, prisonniers d’une image d’Épinal qui leur colle cradement à la peau.

Les images sont belles, le voyage présent. Radio Elvis ne vous quitte pas des yeux lorsqu’il nous fait part de l’arrivée d’un peuple entier et hanté sur le continent, et vous emmène avec les variations et reprises de ses compositions dans sa traversée. On sent l’homme habité, celui qui est venu là pour proposer une expérience.

S’il y en a qui n’assument pas, qui se cachent derrière une production vocale éthérée et numérique, Radio Elvis a une voix qu’il met au premier plan, lui. La voix franche et rugueuse vous cherche et nous fait part de son message, de ses impressions marines, de sa quête d’une terre inconnue, de manière haute et claire. Sans emphase ni envolée, elle s’immisce et larde la première impression et l’attente primaire suscitée par son patronyme. 

Radio Elvis à l’instar de ses glorieux ainés porte haut les couleurs d’un rock en français, anguleux et inspiré.

Par Fabien Hellier

Crédit photo : Marguerite de Vdn




SUBJECTIVE présente ses obsessions / saison printemps-été


Préparez-vous pour le quadruple face à face de cette nouvelle saison Subjective, avec cette fois, et comme toujours, du bon et que du bon. Mais vous donner les noms de nos nouvelles obsessions serait bien trop simple. A la place, nous avons décidé de faire dans le ludique et la parodie, en vous proposant ce quiz qui vous tiendra en haleine pour les mois à venir, à n’en pas douter. Attention, questions :

Numéro 1 :

Indice pour nos téléspectateurs : le King à l’antenne.

Top ! Je suis issu des scènes Slam de Nantes et de Poitiers, où j’évoluais sous le pseudo de Pierre Plume. Ma voix caverneuse, mes morceaux rocks en français, mes textes de haute qualité, m’ont valu d’être rapidement comparé à Dominique A, Bashung, Bertrand Cantat ou encore Thiéfaine. Dans mes chansons je mêle poésie et ambiance vaporeuse, où la mer et le voyage sont des thématiques récurrentes.  Longtemps solo, je joue maintenant sur scène accompagné d’un batteur et d’un bassiste…

Je suis ?! Je suis ?!

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Thomas Subiranin


Presque 6 millions d’années ont été consacrées à World of Warcraft entre 2004 et 2011. Et je vous avoue que je n’ai pas cherché à me renseigner sur le temps que l’humanité a pu perdre grâce à Angry Birds ou cette merveille de Candy Crush. La saillie de Patrick Le Lay sur le temps de cerveau disponible est presque innocente aujourd’hui. Nous et notre cerveau sommes disponibles tout le temps et sommes toujours joignables, pliant comme les herbes folles au grès du vent, frissonnant des rumeurs et des signaux divers qui s’empilent sur nos murs. Petits poissons dont les goûts et l’intimité, les envies et les loisirs ne font que s’ajuster avec les plans des annonceurs et de notre réseau.

Il paraît que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer au repos, dans une chambre. Est-ce que Brian Wilson avait cette pensée en tête en écrivant « In My Room » ? Il a sûrement dû passer plus de temps seul dans sa chambre qu’à faire la fête sur la plage. Je préfère la musique lorsqu’elle ne sort pas des chambres, quand elle semble avoir été conçue pour directement passer de celle de celui qui l’a écrite à celle de celui qui l’écoute. Pour le reste il existe de la musique fonctionnelle : pour le fitness, l’aquagym et pour s’amuser aussi, pour profiter de la vie… En soirée, musique de soirée. Dans les stades, la musique de stade. En festival, de la musique de médiathèque. Et les jours où on a envie d’écouter de la musique sans avoir à se coltiner tous ceux qui en sont fan, on file dans sa chambre. Souvent pour réécouter les mêmes vieilles choses. Et pour être tranquille avec ce que l’on aime réellement.

Thomas Subiranin écrit des chansons qui s’écoutent très bien dans une chambre. Ce que l’on peut trouver chez elles en plus c’est l’envie d’y revenir, de prendre le temps de se les approprier. Parce que lui aussi a pris le temps. Il tente des choses audacieuses en soignant ses chansons, en soignant l’auditeur, en restant pop. Oser la concision et la clarté tout en proposant une musique aventureuse n’est pas une chose aisée.  Il est vain de jouer au jeu des ressemblances c’est pourtant à quelques moments de grâce fondateurs que sa musique nous renvoie. A la fin des années soixante, la musique nous proposait de traîner pour toujours dans les champs de fraises, l’overdrive était interstellaire et les villes d’Arménie flottaient dans le ciel. Un âge d’or auquel il est difficile de ne pas penser quand on écoute Thomas Subiranin. Celui-ci fait toute sa musique tout seul, semble voir la pop à travers un kaléidoscope, remplace les fenêtres de sa chambre par des verres de couleur, des vitres de paradis. Trouver des vitres qui font voir la vie en beau, dérouler sa musique selon des méandres fantaisistes, y aménager des coins secrets, la pimenter de reflets acidulés et irréels, ce fut l’ambition de beaucoup de musiciens sur lesquels on a parfois mis hâtivement l’étiquette de “psychédélique”. Il serait peut être plus juste ici de parler d’émerveillements, de petits instants magiques. L’univers que nous propose Thomas Subiranin n’a pas grand chose à voir avec le pavot mais plutôt avec les petits plaisirs que l’on a envie de garder pour soi.

Pourtant nous ne serons plus jamais seul. Il n’y a plus de chambre où se réfugier, loin des réseaux, loin du monde… Le monde est dans notre chambre. Un monde infini… mais en moins bien. Autrefois tous les récits et toutes les prières n’auraient pas suffi à épuiser les merveilles de la création. Aujourd’hui quelques gifs animés sont suffisants. Nous aurons toute la musique, tous les amis, tout ce que nous voudrons mais en fade, en rétréci.

En 1984, la liberté sous les traits d’une lanceuse de marteau venait libérer “les masses populaires” grâce à l’Apple II. Trente ans plus tard la figure de big brother a été remplacée par celle d’un gentil nerd de la Silicon Valley évoluant dans un décor écolo et acidulé. Grâce à lui, nous sommes toujours disponibles et nous n’avons plus de temps, nous restons dans nos chambres sans ne plus jamais être seuls, en repos. Nous sommes les utilisateurs et les contributeurs actifs d’une réalité que nous aurons je pense, de plus en plus besoin de voir à travers un kaléidoscope. Le 5 janvier 2014 Thomas Subiranin a chargé quelques chansons sur son soundcloud. Quelqu’un a-t-il le temps de les écouter?

Atlas Ibiza

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