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Robbing Millions : « Lonely Carnivore » (2014)


Les extended plays, que l’on appelle communément EP – à mi-chemin entre single et album – sont des objets bien singuliers. Et ils ont le vent en poupe : quel amateur de musiques indés n’a pas pas sa collection d’EP ? Ils sont souvent anecdotiques et n’intéressent alors qu’une maigre poignée d’ultra-fans prêts à tout pour acquérir la totalité des œuvres de leur groupe chéri, sous tous les formats existants. Mais ils sont parfois aussi géniaux que les albums qui suivront. On pourrait faire un parallèle avec les courts métrages : il y a pléthore de courts métrages oubliables et il y a The Big Shave de Scorcese, Bottle Rocket de Wes Anderson ou Cash Back de Sean Ellis. Pour revenir à nos moutons et conclure sur ce bref exposé, il y a des EP qui en soi, ont valeurs d’œuvre, et pour ne pas tourner autour du pot, c’est le cas de Lonely Carnivore des Robbing Millions, qui nous avaient déjà livré un EP d’une rare qualité avec Ages ans Sun.

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Bad Bats : Cavern (2014)


Cavern est un disque qui fût enregistré entre Paris et Tokyo par Edouard Rose, membre de notre obsession Feu Machin. L’album est sorti le 17 novembre chez Humanist Records. Tout a commencé pour moi avec « Mothern Cavern », titre phare de l’album capable de recycler impeccablement l’ambiant en y fourrant de petites doses de tropicalisme et de surf. On s’imagine bien étalés sur un transat, les pieds enfoncés dans le sable, à regarder les baigneurs patauger. Pas banal. D’autant plus qu’à l’écoute de l’album dans son entièreté, ce titre fait figure de spécimen, intelligemment logé parmi des titres plus électroniques, moins organiques, et surtout moins apaisants. Les voix sous-mixées, branchées en écho et les harmonies hypnotisantes marquent l’album du sceau de l’intuition la plus reptilienne. A l’instar de ce que l’on trouve dans les meilleures productions de Kraut ou d’electronica, les nappes de claviers, les sons lancinants étirés et les rythmes mécaniques vous fixent dans une léthargie contemplative

 

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Midget!


Midget

Ah Belgique, terre plate et verte, tu recèles d’une scène, de lieux, de groupes, d’initiatives, toutes aussi riches les uns les autres, que nous serons bien tentés d’envier. Tu es terre d’accueil aussi, pour Midget!, groupe parisien, désormais installé à Bruxelles-Capitale.Pas d’offense mon ami, car de là-bas, sans oublier de venir de visiter, ils t’attaquent, ils s’immiscent dans ton esprit et le parsèment de flèches fraiches et sincères.

Tu les reconnaitras, vite, tu verras, ne les crains pas, ne t’attache pas au mat. Ecoute. Ils te lancent leur appel. Un de ces appels que tu n’oublieras pas. Parce que tu auras le bonheur de redécouvrir la fonction repeat de ton lecteur. Parce que tu sentiras tes poils s’hérisser, parce que tu auras envie de faire l’amour, parce que tu partiras, loin, loin de chez toi. Ça ne se discute pas, c’est évident. Plonge-toi dans « Low water » et tu vas comprendre. Midget!, c’est riche, c’est dense, c’est troublant. Laisse toi emmener, laisse toi avoir, laisse toi aller. Midget!, c’est une alchimie physique, une belle rencontre que tu souhaiterais multiplier, à l’infini. Car, sans t’en rendre compte, tu n’as plus d’horizon.
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Ne sois pas inquiet, Midget! contrôle et te sortira à sa guise de ta douce torpeur. Une voix s’élancera, douce mais sure, puis une autre, grave et chaude et elles te guideront dans ton errance. Tu vois, tu es loin maintenant et tu n’as même pas pris le temps de te retourner. Ils ont gagné, ils t’ont bien eu. Une fois, que tu auras mis ta fierté maladroite de côté, tu seras auprès d’eux, tu seras avec nous. Désormais, tu es savant, mon ami. N’oublie pas, Midget! t’attend, ne résiste pas, ne sois pas stupide et fonce, tout droit.

Par Fabien Hellier

Crédit Photo : Julien Bourgeois



WOLVES & MOONS


Le folk lunaire ça tente quelqu’un ?
Avec ses mélodies ciselées, Wolves & Moons nous embarque pour un voyage poétique et enivrant. Je ne sais pas pour vous, mais quand je me balade en forêt, j’aimerais bien que des mecs me suivent avec leur guitare et me chantent des mélodies planantes. ça m’éviterait de devoir me les chanter moi-même et je pourrais me concentrer sur le reste. Bien sûr, en bon urbain que je suis, les virées en pleine nature ça n’arrive pas souvent. En revanche, pour ce qui est de me chanter des trucs, ça n’arrête pas. En ce moment, y a en qui me trottent, de ces mélodies qu’on chantonne quatre heure après les avoir entendues sans trop savoir d’où elles viennent.
Avoir l’impression de passer la nuit dans le forêt, accompagné des loups sous la lumière réfléchie de la nuit, comme ça c’est sûr, ça n’a pas l’air très rassurant, pourtant on se sent étonnement réconforté à l’écoute de Wolves & Moons. D’abord, la voix nous emporte, c’est elle qui impose en toute simplicité et légèreté ces superbes chansons. Les arrangements sont subtils, des arpèges aériens accompagnent la guitare acoustique rythmique, la batterie est légère et les harmonies vocales envoûtantes. « In The Bleak Midwinter » m’a réchauffé, j’ai eu l’impression d’être sous ma couette à regarder la pluie qui tombe dehors. Avec « Wilder Lands » ou « Nothing Ever Shone In The Sun », je me suis senti enfant. Cette musique est très rassurante : c’est ma mère qui me borde, mon père qui me joue « The Letter » des Box Tops, mon grand frère qui me fout des coups de latte pour pas que je vienne le gonfler la nuit quand j’ai fait un cauchemar… « Time Is All » fait partie de ces chansons que j’aurais voulu écrire, trop tard… Et « At That Time », extrait du prochain EP, ne laisse augurer que du bon.

Que reste-il lorsque la musique est dépouillée de la plupart de ses apparats parfois envahissants ? La pure mélodie ! L’essentiel en gros. Ce qui nous fait quitter le fond de notre canapé comme ça. C’est que Wolves & Moons est branché directement sur les tripes, une machine à sensation !

Par Antonin Ollivier



Lolito : premier album


On m’a dit « t’es pas obligé de la rédiger cette chronique », mais pour moi, être obligé c’est de finir mes choux de Bruxelles pour ne pas fâcher ma mère, de laver des voitures au salon de l’automobile car il y a de l’argent de poche à la clé ou de bien penser à fermer le gaz pour éviter de faire péter l’immeuble. Non, écrire sur un truc qui me plaît, je ne me sens pas obligé… C’est même gratifiant de penser qu’on compte sur moi pour louer les qualités (nombreuses) de ce disque de Lolito.

D’abord, j’ai pris « Bastrd » en pleine poire ! Ces voix haut perchées, cette basse solide, ces riffs de guitare chaloupés, cette batterie qui tricote le tout. « Hold Me Kiss Me » ou « Annette’s Skirt » prolongent ce plaisir instantané.

Lolito Premier album

Il y a une vraie énergie punk rock mêlée à des mélodies pop. Deux chansons un peu plus heavy se glissent dans le lot et le français trouve sa place sur un titre qui ne doit rien à Patrick Coutin. Les chansons sont pour la plupart courtes, directes et sans détour. Ça fourmille d’idées : des chœurs d’enfants énervés (à qui on aurait refusé une glace par exemple), des mises en place originales (je pense à la chanson « Les Filles Et Les Gars »), des breaks inattendus (sur le titre « Lolito » notamment).

Les arrangements sont peu nombreux, on reste sur le combo classique basse / batterie / guitare, ce qui donne une sonorité sèche et nerveuse qui sied à merveille. L’ajout de clavier sur certains morceaux apporte de la légèreté mais c’est souvent pour mieux relancer la sauce ! La musique de Lolito est empreinte de nostalgie, elle nous renvoie parfois quelques années en arrière, au temps où on avait encore les cheveux longs…

Un coup de pied au cul peut-il être salutaire pour avancer ? Peut-être… En tout cas la musique de Lolito fout une petite claque et donne envie de se bouger : à voir absolument en concert !

par Antonin Ollivier

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Shiko Shiko


Ces histoires-là se répètent et pourtant. 

Vous ne vous doutez de rien, vous y êtes allé sans aucune (arrière) pensée, insouciant. Vous regardez, la scène est posée, la configuration est classique, vous patientez. Vous êtes calme, reposé, vous avez vu un nom qui change, un nom qui sent l’exotisme, vous ne situez pas mais vous vous en contentez.

Vous êtes dans le doute mais à l’affût. 

Se pointent des mecs (certains casqués) et là, badaboum, c’est parti. Ca attaque sec, ça attaque fort. C’est dense, c’est entêtant et puis c’est sincère, tiens.

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Shiko Shiko ne vous laisse par indifférent, c’est un fait. Vous n’avez rien vu venir mais vous en êtes, ces quatre gars vous ont eu et à regarder autour de vous, vous n’êtes pas le seul. Si, nonchalamment, on s’est un peu perdu à parler des quelques dernières choses que l’on a pu écouter d’une (voire des deux) oreilles(s), ces gars-là vous rappellent à l’ordre et vous rappellent que la musique, c’est également (et surtout) une histoire physique, une affaire de tripes et d’abandon.

Shiko Shiko ça s’écoute, mais ça se vit surtout. Parler d’énergie contagieuse serait faible. On sue, on à l’œil qui vibre, on est fatigué. Plus tard, on y retourne, on en reprend et l’on cherche à savoir d’où peut bien venir toutes ces shikoseries. On imagine (mais de loin) la manière dont ces quatre mecs ont compilé, condensé, trituré, agencé afin de dégager le plus pur et plus racé des sons, avant de venir nous secouer et nous frapper les tempes.

Tentez là dans le métro (pas en voiture, vous risquerez l’accident), profitez du plaisir onanique d’être seul à prendre votre oreille au milieu des gens. Ils auront le temps de profiter du plaisir qui est le vôtre et à ressortir comme vous, halluciné. Halluciné mais diablement heureux.

par Fabien Hellier



Feu Machin


Je ne devrais pas m’engluer dans une métaphore trop subjective. Je devrais essayer de ne pas trop me focaliser sur le dernier EP de Feu Machin, Rhino, mais plutôt essayer de parler de ce groupe en général, synoptiquement. C’est trop tard, l’image de cet animal multiple-tonnes que Dalí fait avancer sur de longues et fines pattes à travers un paysage fantasmagorique s’est collée à mon esprit. Les kinésistes associent des couleurs aux sons, j’associe cette scène à Feu Machin.

Salvador Dali Celestial Ride

Debout sur un rhinocéros je mange des tranches d’ananas. Debout sur un rhinocéros je m’aventure vers des contrées inexplorées. Je sifflote des mélodies improbables, des mélopées acides qui chatouillent les neurones des chalands avides de sensations nouvelles. Ces mélodies ne sont pas les miennes, j’ai les yeux fermés, mon corps est probablement installé confortablement sur un fauteuil bien moelleux, et ces mélodies que je sifflote au cours de ma petite ballade onirique, un petit cable relié à la chaine Hi-Fi me les transmet. Dans ce monde où je me balade, le sens commun n’est pas évident, on cherche avant tout à pousser un peu plus loin. Quoi exactement ? Rien de clair, et c’est ce qui m’excite. On cherche à distendre le chemin qui relie un stimulus à une réaction. Un phénomène à une perception. En sortant des chemins battus sur le dos de cet aimable rhinocéros, on trouve de nouveaux paysages, rien de commun, ou en tout cas très peu. Cette nouvelle route est stimulante, cette nouvelle route est exaltante.

Elle me rappelle ce jour où pour la première fois je voyais rouge. Elle me rappelle la première fois où je sentais un orage approcher. Elle me rappelle ce jour où pour la première fois je ne touchais plus terre. Elle me rappelle la première fois où je goûtais à la folie. Elle me rappelle ce jour où pour la première fois j’entendais les mouches voler. Ces routes sensationnelles que l’on ne connaît pas encore sont la fibre même de la richesse des expériences. Voir plus loin, toucher au vif, ne plus se sentir, goûter la volupté, entendre raison. Écouter Feu Machin. Écoutez Feu Machin.


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