The White Loose Woman


La musique ?

Sushi : C’est de l’air.

Yo : C’est une passion. On se laisse aller, on ne pense à rien, on vit sur le moment. Le plus intéressant dans tout ça, c’est le live. Sur scène, Tu oublies tout. Tu fonces. Tu partages tout avec les gens autour de toi, et ils réagissent. D’habitude, je suis dans l’analyse par rapport à la musique, mais il n’empêche que quand tu joues, c’est l’émotion qui ressort… Ca affecte aussi ton rapport au temps. Il y a un truc bizarre qui se passe en live, comme si le temps s’arrêtait, et que tu te trouvais dans un moment qui ne se finit jamais.

Math : Souvent, tu as tendance à vouloir te perfectionner en live, mais c’est l’émotion qui domine. C’est la différence entre l’instant présent, devant des gens, et le moment où tu es chez toi en train d’écouter de la musique. En ce qui me concerne, la musique est la seule chose qui vaille le coup pendant mon existence. Je n’ai pas encore vu le mauvais côté de la musique.

Sushi : C’est devenu un mode de vie. On en bouffe tous les jours, on a tous plein de projets musicaux. On a un peu délaissé le côté du travail et de la vie. On a la chance de vivre en France, dans un pays où on est quand même assisté et où on n’a pas à s’emmerder avec tout ça. Aujourd’hui, je profite de cette assistance et je passe mes journées à faire de la musique. C’est pareil pour Nico, Yo et Math. On respire de la musique tout le temps. C’est encore plus fort qu’une relation amoureuse. D’ailleurs, ça a souvent foiré avec des filles, parce que c’est d’abord musique, et on voit ensuite à côté. Ca nous procure quelque chose qui est assez dur à expliquer. Quand tu fais de la zik, tu le comprends. Tu vibres tellement…

Yo : Et ça ne foire pas avec la zik – pas comme avec les filles…

Sushi : … ça peut foirer aussi…

Yo : … mais la musique est toujours là, les filles s’en vont.

Vous êtes tous potes ?

Sushi : A la base, Nico, Yo et moi, on a monté un projet à trois. On se connaissait du lycée. C’est un peu con l’histoire du White Loose. On vivait en coloc à Roubaix. C’est une période où on a été assez productif sur plein de supports différents. Le soir du Nouvel an, on était invité à une soirée. On s’est déguisé en rock stars ; on a bien tripé et on s’est dit « tiens, si on montait un groupe de poseurs ». On ne parlait pas trop de musique au départ. Il y avait tellement de groupes qui cultivaient le côté rock’n’roll beaux gosses ; et on en rigolait pas mal… d’où ce projet où tout était basé sur l’apparence et pas sur la musique. Puis, finalement, on s’est dit qu’on était tous zikos et qu’on pourrait se taper un petit bœuf à la Malterie (un studio à Lille) et essayer de faire quelque chose. Nico avait les clés de la Malterie, parce qu’il y répétait avec un de ses groupes. On partait de Roubaix vers 11h30-minuit ; on passait au night shop pour acheter plein d’alcool et on se posait dans ce local. On a fait “Dirty Smell”, qu’on a dû mettre trois semaines à jouer tellement on était bourré à chaque fois. D’ailleurs, le clip de “Dirty Smell” raconte ça. Je me suis réveillé une fois dans mon lit sans me souvenir comment on était revenu du studio. On y allait fort sur l’alcool. Du coup, c’était assez extrême. C’était basse-batterie-chant. Après, c’est devenu notre petit rituel. On se faisait ça une fois par semaine, la nuit parce qu’on n’avait pas le droit d’y aller, et on faisait notre musique de tarés. Un jour, on a enregistré “Dirty Smell”, on a foutu ça sur MySpace, et on a eu un retour auquel on ne s’attendait pas. Pour nous, c’était juste un grand délire. Ensuite, on a un peu stoppé le White Loose. On a repris à l’occasion du Hootenanny à la Malterie.

WLW03_LD« Si on montait un groupe de poseurs ? »

Nico : Tous les ans, à la Malterie, il y a une espèce d’hommage à un groupe phare, et nous, on l’a fait pour The Clash.

Sushi : On a pris un pote qui était guitariste pour venir jouer. On a fait 15 minutes de reprises des Clash.

Nico : On s’est bien impliqué, on voulait faire quelque chose de bien.

Sushi : Tu peux faire juste une chanson, ou faire 15 minutes. Nous, on a joué les 15 minutes, ça nous a bien plu. Je pense que les gens ont bien accroché.

Nico : Du coup, les programmateurs de la Malterie nous ont proposé une vraie date, en pensant qu’on était un vrai groupe…

Sushi :… alors qu’à la Malterie, ce n’est pas évident d’y jouer. C’est assez fermé.

Donc vous avez commencé à jouer sans guitare ?

Sushi : Oui, c’était basse-batterie-chant, et il y avait du clavier aussi. Je me souviens en répèt, je devais jouer “Dirty Smell”, mais j’étais tellement pété que je n’arrivais pas à jouer le moindre truc. Après, on a pris ça un peu plus un sérieux, donc on a fait venir un guitariste, Anto, qui a apporté une grosse patte, parce qu’il a un jeu bien à lui. Ensuite, on a appelé un claviériste, Guillaume.

Nico : On aimait bien l’idée de jouer du rock à guitare, mais sans guitare. Même après l’arrivée d’Anto… On l’a toujours un peu managé pour qu’il ne joue jamais comme un guitariste rock le ferait, dans l’idée qu’il intervienne avec des sons étranges plutôt que de jouer du gros riff. L’idée est plutôt de faire quelque chose d’assez linéaire, composée un peu de manière techno avec des grosses montées. Notre concept était de faire du rock’n’roll en sortant un peu des sentiers battus.

Mathieu, tu es arrivé comment ?

Math : En fait, je les ai vus en concert un peu après mon arrivée à Lille. Je connaissais peu de groupes à l’époque. C’était à l’Amul Solo, pendant la Fête de la musique. Je jouais avec les Hank’s Lawyers et les White Loose jouaient sur les deux jours. J’étais allé les voir et j’ai pris une putain de claque dans ma gueule. Je me souviens avoir dit à Alina en regardant Nico : « un jour, ce sera mon batteur ». C’était assez bordélique, ça ne ressemblait à rien et donc je suis allé les voir et on a commencé à sympathiser. J’ai rediscuté avec Nico sur MSN à l’époque et il m’a demandé si j’étais disponible en remplacement pour une date. J’avais très envie de jouer avec eux, donc j’ai appris le set en trois jours chez moi. Finalement, il y a un an, je suis allé fêter le Nouvel an à Paris avec des amis et j’ai reçu un coup de fil de Nico qui me dit « Mec, t’es dans le White Loose ! » (rires)

Ce nom… ?

Sushi : On était dans un délire Beautiful Losers. J’étais tombé dans le dico un peu par hasard sur « loose woman », qui veut dire une fille facile. Ca se rapproche un peu du mot « lose »… et après on s’est dit « white loose woman », c’est marrant, c’est un peu une pute blanche. Ca peut être aussi bien des politiciens que des gens du rock’n’roll qui peuvent être des prostitués. D’où Bonita, notre poupée gonflable, qui représentait bien cette « white loose woman ».

Math : Bonita, elle est gavée de rustines, elle est en train de pourrir au fond d’un garage !

D’où vient Bonita ?

Sushi : J’avais envie d’acheter une poupée gonflable pour faire une photo… entre autres… J’étais célibataire à l’époque (rires). Elle est assez jolie ; elle a un côté un peu pop, elle est dessinée d’une manière qui rappelle un peu le pop art. Je l’ai ramenée sur scène et ça nous faisait bien marrer d’avoir une pompée gonflable sur scène. Et tu voyais les gens qui bloquaient. On fait des trucs pour se marrer et on se rend compte que ça fait marrer les gens ; c’est bien, c’est un partage.

“Dirty Smell” a été le premier morceau ?

Sushi : Oui. Deux phrases, musicalement, une autoroute.

Nico : On avait envie de faire quelque chose d’extrêmement brut.

Sushi : On a mis beaucoup de temps à la jouer tellement on était pété à chaque fois à la Malterie.

WLW30_TD« Extrêmement brut »

Et la Malterie est devenue votre repère ?

Yo : Officiellement, oui.

Math : C’est vraiment une chance d’avoir cet endroit.

Sushi : Il n’y a pas beaucoup d’endroit comme ça. On ne trouve pas facilement de studios. Ca coûte du fric. En plus, il y a une putain de bonne salle de concerts à la Malterie, au dessus des studios. Il y a une atmosphère… On préfère tous les petites salles avec une atmosphère glauque à ces grandes salles… L’Aéronef ou le Zénith, je n’y mets pas les pieds, tu ne peux pas toucher les gens, c’est hyper froid.

Nico : Déjà, le concert à la Malterie, c’était quand même quelque chose d’assez énorme pour nous, alors qu’on n’était vraiment pas prêt. On a beaucoup travaillé ce concert, mais on était tous quand même un peu anxieux à l’idée de jouer.

Sushi : On jouait avec les Experimental Dental School qui est un groupe américain. On ne méritait pas de faire leur première partie ! Ils nous ont trouvé grâce à MySpace. On ne savait pas du tout ce qu’on allait faire. Mais les gens ont quand même bien aimé. Je pense que même si on joue mal, les gens prennent l’énergie et font abstraction de la manière de jouer. Ils se focalisent plus sur la sincérité qu’on essaie de faire ressortir. Les grandes scènes, on n’apprécie pas trop, c’est très froid, le public est loin.

Yo : C’est vrai, mais on n’en a pas fait beaucoup… C’est quelque chose qu’on a du mal à s’approprier, parce qu’on n’a pas l’habitude. C’est difficile de se mettre en confiance dans ces grands espaces. Quand tu vois des gros concerts à 5000 personnes et que tu es dans le public, tu te dis que c’est génial. Je me dis qu’un jour on arrivera à être super à l’aise sur des grandes scènes, mais ce n’est pas pour tout de suite. Écumons les petites salles !

WLW02_LD« Écumons les petites salles ! »

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