L’Amusie


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Où en étions-nous ? Ah oui, Le chanteur Irlandais Van Morrison réalise en 68 ce qui est considéré aujourd’hui comme son chef d’œuvre, Astral Weeks. Pourquoi ce disque est une perle ? parce que l’Irlandais se met volontairement en difficulté, poussant la musique vers des sommets de feeling encore rarement atteints. Cela, grâce à un nouveau groupe qui n’en est pas un puisque « ils ne se parlent pas », et sont embauchés au titre de « requins de studio », mais qui font tout de même partie du gratin des jazzmen de l’époque , rien que ça ! Alors, pourquoi notre ami « qui n’en est pas un », Van Morrison, ne réitère pas cette expérience sonore exceptionnelle ? et bien, chers lecteurs, je n’en sais rien ! et oui rien ! Je vais seulement me contenter d’émettre des hypothèses.

Primo/ Big bang ! Parce qu’il n’aime pas ce disque . Bien sûr, ce disque reçut à l’époque tous les éloges qu’il mérite, ce qui dût flatter le grand Van, mais ne pensait-il pas déjà comme tout bon compositeur qui se respecte, qu’il allait faire mieux au prochain ? ( ce qui finalement serait logique dans un monde mieux fait). Nous irions de disque en disque pour finir de chef d’œuvre en chef d’œuvre mais je m’égare. Par ailleurs, ce disque est considéré comme son chef d’œuvre parce que nous avons maintenant la vision de son œuvre a posteriori, lui ne l’avait bien évidemment pas… et puis il y a Moondance, le suivant, qui est tout de même très bon… Bref, Van ne se rend pas compte qu’il tient là son meilleur disque et encore moins que c’est en grande partie grâce à la qualité des musiciens mercenaires qu’il a embauchés. Mais pourquoi le temps passant, ne renouvelle-t-il pas l’expérience ?

Parenthèse analogique : je suis grand fan du groupe The La’s pour leur son, leur batteur, leurs guitares sèches, leur blues « qui n’en est pas un », la voix de Lee Mavers, leur simplicité, voire leur paysannerie… Et bien, ce dernier, Lee Mavers, compositeur talentueux (capable d’aligner dix bonnes chansons avec trois accords ) n’a toujours pas avalé le son de l’unique disque des La’s, pourtant, comme on dit, « pas dégueulasse », lui préférant des maquettes beaucoup plus rudes et sales… imparfaites. On voudrait le comprendre mais diantre – et je mâche ce mot- quel gâchis !

Secundo/ Revenons à Morrison !! Il sort cassé de ce disque, c’est une expérience douloureuse et il n’en veut plus des comme cela. Il semblerait à la lecture de témoignages relatant cet enregistrement mythique que l’ambiance en studio était quelque peu délétère, Van n’adressant pas la parole aux musiciens fraîchement embauchés par sa maison de disque. Du coup, ceux-ci ne font pas cas de cet irlandais farouche, ils discutent et blaguent dans leur coin : à qui la faute ? On ne sait et seul Van « le belliqueux » pourrait nous éclairer . Alors voilà, j’ai une petite expérience dans ce domaine. Pour avoir côtoyé des musiciens des deux bords (pop-rock et jazz), je peux vous dire que chacun d’entre eux est persuadé que seule sa musique est digne d’estime et donc de propos. Bref, évoquer Django Reinhardt avec les Popeux conduit au silence et, de même, Talk Talk avec les Jazzeux… et je ne parle pas du discrédit perpétré qui vous classe illico dans les « outlaw », les « fauteurs de troubles », les « intrigants » qui dérangent. Il faut remercier pour cela sans retenue le pianiste de jazz Brad Melhdau d’avoir fait découvrir Nick Drake à tous les jazzmen de la planète et…. Van Morrison, les bienfaits des musiciens de jazz dans la chanson à textes.

« la musique doit plus aux mélomanes qu’aux musiciens, ces derniers sont prisonniers de leurs chapelles mais aussi de leurs instruments »

Par ailleurs, et plus terrible encore, je crois que la musique doit plus aux mélomanes qu’aux musiciens, ces derniers sont prisonniers de leurs chapelles mais aussi de leurs instruments. Ainsi, souffrant d’amusie volontaire, ils se privent de tout un pan de son histoire. Ce sont là des considérations personnelles qui demanderaient quelques lignes supplémentaires, patience… En conclusion, on peut tout à fait imaginer que le « bourru » Van Morrisson soit sorti dépité de cet enregistrement en territoire « ennemi », puis prit la décision de classer sans suite sa collaboration avec les jazzmen, oui mais n’est-ce-pas cette tension qui fait de ce disque un brûlot ?

Tertio/ Très chers lecteurs, d’autres hypothèses ? la vérité ?

Par Nicolas Paugam

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