Luminocolor


Benoît, la première fois que l’on s’est vu, j’ai senti chez toi une sorte de réticence quand je t’ai parlé de musique pop…

Benoît Farine : Moi, je suis hyper difficile ! Quand j’allume la radio, j’ai l’impression d’entendre toujours le même morceau. À part quelques émissions spécialisées et quelques morceaux qui sortent du lot, j’ai globalement le sentiment d’une uniformisation de la musique. 95% des gens vont allumer la radio et entendre ce qui y passe sans faire d’effort particulier. Ce n’est pas un jugement que je porte, c’est juste que pour 95% des gens, la musique n’est pas une passion. Maintenant, je trouve extrêmement décevant que l’offre proposée à ces gens soit limitée à ce qu’on entend à la radio. Quand il n’y a que trois ou quatre accords dans une chanson et que je sais exactement ce qui va arriver et à tel ou tel moment, ça ne me convient pas. J’aime être surpris. Je peux reconnaître quand il y a du cœur, quand il y a de la technique — mais je suis hyper difficile.

Et toi Olivier ?

Olivier Minne : Ah, je suis un peu plus fleur bleue que Ben là-dessus. J’ai eu ma période Belle And Sebastian. Moi j’aime bien les trucs un peu monomaniaques, un seul accord, genre Palace. Les trucs un peu répétitifs, lancinants…

Benoît : Je dois préciser que je viens aussi de la pop. Au collège et au lycée j’écoutais les Breeders, Nirvana, Oasis, Blur, etc….

Olivier : À l’époque, chaque groupe avait vraiment son propre son, sa patte. Elastica sonnait comme du Elastica ; les Breeders avaient leur son pourrave, mais bien à eux. Je dirais qu’aujourd’hui, ce qui nous fait chier, c’est que le formatage radio uniformise tout : tu entends le même kick, le même snare, la même sonorité de guitare…

Benoît : …parce que c’est ça qui est efficace, c’est ça qui est à la mode. Le son est compressé, il est puissant…

Olivier : Il faut que ça pète !

Benoît : Il faut que ça pète !

Olivier : Et la chaise qui grince quand le chanteur s’énerve un peu, on ne l’entend plus. En même temps, j’ai relu l’édito de Subjective du mois de mars, et ça dit exactement l’inverse !(rires) « Il faut arrêter de dire que c’est toujours le même style, etc. »

Ah, il peut y avoir débat !

Olivier : Oui, il peut y avoir débat, parce que je ne veux pas non plus dire que tout est pareil, que rien ne bouge…

En fait, je ne suis pas convaincu que rien ne soit né en musique pendant la dernière décennie…

Benoît : Ah non, bien sûr ! À côté de ça, il y a une masse de groupes très productifs, très inventifs, qui font de la musique tout en sachant qu’ils n’en vivront pas, et qui ne sont pas mis en valeur parce qu’ils ne passent jamais en radio. Là, oui, il y a des choses intéressantes.

Qui est-ce qui innove aujourd’hui ?

Benoît : The Books ! Là-dessus on est tous les deux d’accord. Ca fait trois ou quatre ans qu’on a les albums. Je peux les ré-écouter aujourd’hui, et je ne comprends toujours pas ce que les mecs font. Il y a plein de petits sons qui partent dans tous les sens, des structures très compliquées. Et en même temps, c’est très mélodique.

Olivier : C’est fin, et très accessible. The Books, c’est le groupe que j’ai le plus facilement réussi à partager avec des amis, même quand ils n’étaient pas forcément branchés sur la musique expé.

Tu parles de ce côté accessible… Est-ce que pour vous, la musique de Luminocolor s’adresse aux « 5% » de gens ouverts, passionnés, ou bien est-ce que vous avez envie de viser les 95% ? Est-ce que vous pensez au public auquel ça peut s’adresser ?

Benoît : Pas trop. On ne s’adresse pas spécialement aux « 5% », même si on est content quand on a de bons retours de ces « 5% » ! Mais je pense que si elle était diffusée, notre musique pourrait être accueilli favorablement par un public plus large que les seuls passionnés.

Olivier : Oui, parce qu’on fait une musique qui n’est pas très étiquetée d’un point de vue stylistique. Il n’y a pas un parti pris vraiment extrême. On aime les jolies mélodies, on aime harmoniser… Les rythmiques, c’est peut-être un peu plus difficile, un peu frustrant pour une écoute large… (S’adressant à Benoît) C’est quand même un peu fatiguant, non ? Enfin, ça dépend des morceaux. Bref, on ne cherche pas un public large, mais je pense que le type de musique que l’on fait nous permettrait de le trouver. Et en même temps, quand je me figure Lumino, je ne vois pas un groupe de musique populaire.

Quand vous entendez ou que vous lisez des choses sur Luminocolor, est-ce que vous êtes supris ?

Benoît : Jusqu’à présent, on n’a pas trop eu à se plaindre, parce que la plupart de ce qui a été dit sur nous était plutôt flatteur. J’ai l’impression que les gens comprennent. On n’a pas eu beaucoup d’écrits sur l’album… Mais pour quelques-uns, tu sens que le chroniqueur a vraiment écouté chaque morceau, qu’il a chopé les influences…

Olivier : Oui, il y a ça, quand même. Certains nous ont dit que les influences étaient peut-être trop clairement visibles. C’est vrai que, sur le premier album, on ne s’en est pas caché. Par exemple, on cite Jim O’Rourke, et c’est écrit texto.

Et les autres influences souvent citées, Tortoise par exemple, vous l’assumez ?

Benoît : Ah oui bien sûr !

Olivier : De toutes façon, ça suinte !

Benoît : Et puis un ami me disait : « si tu trouves qu’un thème est génial, n’essaie pas de créer un thème qui ressemble : reprends ce thème ! »

C’est votre côté jazz, cette idée qu’un thème peut se reprendre… ?

Benoît : Ah oui ! Bon, sans être jazzeux, parce qu’on n’est pas techniciens du tout !

Vous écoutez du jazz ?

Benoît : Oui. Pas énormément, mais oui. Toi plus que moi, Olivier.

Olivier : J’ai eu une grosse période John Coltrane, Julien Lourau…

Est-ce que vous vous vivez comme des expérimentateurs ?

Olivier : Pour moi, dans la vie en général, oui ! Je m’intéresse à un truc, je me passionne pour, et ensuite j’en vois les limites et je me dis que finalement, ça ne m’intéresse plus. « Tiens je vais faire de l’histoire ! » « Ah non, l’histoire ça ne m’intéresse plus ! »… « Tiens je vais faire de l’histoire de l’art ! » Et caetera. On a ce côté-là, quand même. Bon, je suis peut-être très flatteur avec moi-même, je fais genre « c’est de l’expérimentation », alors qu’en fait c’est du dilettantisme et de la nonchalance ! (rires) Mais c’est très contemporain, ça !

Dans la musique aussi, vous vous lassez facilement ?

Benoît : Ah oui ! Moi oui !

Olivier : Moi je suis un peu monomaniaque en fait ! S’il y a un truc qui m’accroche…

Benoît : … tu vas le jouer, tu vas le jouer, tu vas le jouer…

Olivier : Si un thème me prend la tête, pendant six mois je vais être capable de ne jouer que ça. Et à chaque début de répét’, je vais faire mes « gammes » sur ce thème. Jusqu’à ce que Ben finisse par me taper ! (rires) Ben a plus vite besoin de nouveauté.

Benoît : Oui, j’ai l’impression d’avoir de plus en plus de mal à composer, parce que je n’aime pas reprendre à outrance des procédés que j’ai déjà utilisés. Du coup, à un moment donné, je suis à court de procédés !

La limite est matérielle, ou bien elle est seulement dans l’imagination ?

Benoît : C’est dans l’idée, c’est dans l’imagination. Tu rencontres cette limite, et ensuite il faut que tu te forces, que tu cherches… Et si tu te forces assez longtemps, il y a un moment où va arriver une nouvelle idée, un nouveau déclic…

Olivier : Un truc suffisamment excitant pour que ça reparte.

Tu pourrais donner un exemple de déclic que tu as eu récemment ?

Benoît : C’est par exemple le coup de « Harpo Moines ». Ca faisait six mois que je n’avais pas écrit un morceau. Avec Olivier, on avait passé un long moment à sampler plein de vinyles. J’ai ré-écouté un thème de chants grégoriens et une ligne de guitare qu’Olivier avait enregistrée de son côté, et je me suis dit que ces deux éléments pouvaient aller ensemble. C’est vraiment un déclic qui est venu comme ça : j’ai foutu les deux trucs l’un sur l’autre, et ça a fonctionné tout de suite. Mais bon, je te parle de ça, et pour le coup ça n’est pas vraiment le fruit d’un travail.

Olivier : Par exemple sur « Ennio », le délic venait de ton obsession pour les rythmiques saccadées grâce à l’utilisation d’un procédé sur notre logiciel Fruity Loops. Tu ne t’en sortais pas, et puis un jour tu as eu l’idée de faire des choeurs. Tu t’es dit : « je vais prendre un instru, et je vais claquer des choeurs de clarinette ! »

Le morceau s’appelle « Ennio »…

Olivier : Ennio Morricone !

Ce qui est marrant, c’est qu’il y a un autre morceau sur l’album qui à mon avis sonne encore plus comme du Morricone…

Benoît : … et qui s’appelle « Coyote » ? Ca va, on reste dans le ton ! (rires) Mais « Ennio » a été faite avant !

Est-ce que vous pourriez choisir un morceau, et me raconter sa genèse ?

Olivier : Il faut qu’on choisisse un morceau sur lequel il y a bien cet aller-retour entre nous deux…

Benoît : « Choeurs » ?

Olivier : OK, « Choeurs ». Le neuvième titre de l’album. (Il lance le morceau.) Tu entends ça ? C’est mon coeur ! Je l’ai enregistré avec un vieux micro que j’ai démembré ; je n’ai gardé que la membrane.

Donc ça commence comme ça, tu fais ça tout seul de ton côté ?

Benoît : Souvent la base d’un morceau vient d’un de nous deux, tout seul.

Olivier : Oui, le principe c’est que l’un de nous bosse un truc jusqu’à ce qu’il arrive à saturation, qu’il ne sache plus où aller, qu’il ne sache plus si c’est bien ou si c’est à jeter…

Quand tu perds le recul, tu refiles le bébé ?

Olivier : Ouais, tu refourgues le bébé à l’autre.

Benoît : C’est le principe.

Mais vous passez aussi du temps ensemble, ou bien vous ne faites que vous refiler le work in progress ?

Olivier : On passe pas mal de temps ensemble.

Benoît : On passe du temps à en parler ! Hormis pour préparer les live, on passe finalement assez peu de temps à fixer les choses ensemble. Mais on parle : « moi, ce morceau je le sens plutôt comme ça », « j’aimerais bien que… » Sachant qu’on a chacun notre liberté… mais qu’il faut parfois la trouver, cette liberté, parce qu’on peut avoir des idées assez précises de ce qu’on veut.

Est-ce qu’il y a une espèce de droit de propriété pour celui qui a eu l’idée de base ?

Olivier : Dans le principe, non.

Benoît : Dans le principe, non ! Dans le fonctionnement, il peut arriver que oui.

Olivier : Dans ce cas-là, Olivier garde le morceau pour lui !(rires) Enfin, c’est vrai pour nous deux : on ne refile le morceau à l’autre que quand….

Benoît : ..on est satisfait d’un truc. Ou bien au contraire quand on ne sait pas du tout. Dans ce cas, l’autre est complètement libre !

Olivier : Mais l’autres est toujours complètement libre ! Si je refile un morceau à Ben, il peut le repasser à la moulinette, en faire complètement autre chose… Le seul truc, c’est qu’ensuite on va se revoir et qu’on va se taper dessus !

Parce qu’il n’y a pas de chef…

Olivier : Voilà. Mais ça se passe plutôt très bien !

Benoît : Il y a eu des moments où ça se passait moins bien… sur le coup. Et puis tu reviens le lendemain, et tu fais : « ouais, bon, là-dessus, OK, j’abuse peut-être un peu… »

Olivier : C’est forcément laborieux comme méthode, mais en même temps c’est hyper jouissif : en fin de compte on obtient un résultat dont on est incapable de savoir de qui il vient. Du coup, c’est très difficile pour moi de retracer l’histoire d’un morceau. Par exemple, sur « Choeurs », les grains, les oiseaux, je ne sais plus d’où ça vient…

Si on résume, qu’est-ce qu’il y a comme couches sur ce morceau ?

Benoît : Olivier a enregistré toutes les guitares, il les as mises sur le coeur. Et ensuite j’ai tout repris, j’ai tout chamboulé.

Olivier : Ben a ré-harmonisé les guitares pour en faire une suite mélodique beaucoup plus lente et longue que ce que j’avais fait. Moi, j’avais fait un truc tout serré, tac-tac-tac, et Ben m’a dit « bah non, ton coeur bat à ce rythme-là… » Tu en as fait un truc très planant, alors que je n’avais pas du tout cette idée-là au départ. Après il y a eu une couche de grains et d’oiseaux.

De grains ?

Benoît : Tu sais, les bâtons de pluie…

Olivier : Les granulés, un peu stéréo-ifiés… Et après il y a eu une dernière couche pour l’album. Quand on enregistre pour l’album, on reprend tout piste par piste. Et là, on a pensé au thème de Jim O’Rourke.

Benoît : D’abord, on reprend la batterie de « Luminolab », un autre morceau, on l’essaie sur « Choeurs » en la mettant au bon tempo. Surprise : le morceau prend une énorme patate ! Et là, il faut finir le morceau. On se rend compte que, tiens, le thème de Jim O’Rourke qu’on a utilisé sur le premier morceau de l’album fonctionne aussi là-dessus. C’est un hasard : ça marche. Donc on le ré-enregistre. Ca faisait déjà bien six mois, un an qu’on avait fait « Choeurs », mais on lui a rajouté comme ça une vingtaine de secondes pour l’album.

Olivier : Sauf qu’on a aussi ré-enregistré une batterie.

Benoît : On l’a ré-enregistrée ?

Olivier : Oui. C’est pas la batterie de « Luminolab ».

Benoît : Ah ouais ! On l’a ré-enregistrée et on a halluciné : le son était canon !

Vous êtes tous les deux des malades de son ?

Olivier : Euh… non.

Et toi Benoît ?

Benoît : Peut-être moi ?

Olivier : Putain, c’est délicat comme question ! (rires) Si tu nous compares aux ingés son de façon générale, on est complètement à la ramasse.

Benoît : Ah, je sais pas… !

(rires)

Olivier : OK, on est des geeks, mais dans notre univers complètement fermé. Pour Lumino, c’est super, parce que du coup on a vraiment une patte… je pense. Mais on ne s’est jamais trop intéressé à la technique à la manière d’un ingé son de studio, au point de savoir par exemple écrêter une fréquence. On fait tout ça en autodidacte. Mais de ce fait-là, on a un son qui nous est propre, parce qu’on le développe à travers des discussions entre nous. On s’est un peu étalonné l’un sur l’autre. On s’intéresse à la sonorité, qui pour nous est aussi importante que la mélodie par exemple, mais je ne dirais pas du tout que nous sommes experts sur le son.

Benoît : Moi, j’ai quand même eu une période electro (Squarepusher, le label Warp, etc.), pendant laquelle je me suis beaucoup interrogé : « comment font-ils pour avoir autant de patate, autant de 3D dans le son, autant de mouvement, de torsion… ? » Ca m’intéresse à fond. Après, je sais que je n’arriverai jamais à ce niveau de détail dans la composition : c’est des heures qu’il faut passer sur les machines, et on n’en a pas vraiment envie. Mais on s’intéresse quand même beaucoup au rendu, au mastering… Et même dans les mixages, je crois qu’on s’est beaucoup amélioré — même depuis l’album.

Olivier : Oui, oui. Après, moi je me verrais très mal donner des conseils à quelqu’un, lui dire ma manière de voir le son…

Benoît : Tu as un avis !

Olivier : J’ai un avis.

Benoît : De toute façon, c’est toujours subjectif.

On y est !

(rires)

Vous parlez de processus de compositions qui sont quand même assez longs…

Benoît : Ah, ouais !!

Qui de vous deux est le plus perfectionniste ?

Benoît : Sur un rendu final, il faut qu’on soit tous les deux d’accord.

Olivier : Moi je suis un peu plus dégrossisseur, et toi tu es un peu plus pinailleur. Ca c’est véridique ! C’est pour ça qu’on est vachement complémentaire, aussi. Je suis beaucoup plus du genre à dire : « là, ça suffit, on a ce qu’il faut ». Et toi, tu es plus du genre à revenir en arrière et à dire : « non, en fait, ce serait quand même mieux si on prenait le temps de ré-enregistrer. » (rires)Quand même, non ?

Benoît : Non, je suis pas tout à fait d’accord avec ça. Sur l’album, il y a des trucs que j’aurais lâchés, et que tu n’as pas voulu lâcher, et au final tu as eu raison. Je pense que sur les rendus finaux on est tous les deux pinailleurs, parce que je pense qu’on serait tous les deux dégoûtés de se rendre compte, six mois après une sortie, qu’on aurait du faire les choses autrement.

Olivier : Tu es capable de rester quinze heures sur une boucle…

Benoît : Au début de la composition, je suis peut-être plus maniaque, mais quand on finalise un morceau, je pense qu’on se vaut !

Olivier : … Bon !

(rires)

Dans votre musique, il y a aussi une place pour le hasard, pour l’accident ?

(en choeur) : Ouais !

Benoît : La composition est forcément très écrite, puisque c’est sur ordi. Mais dans la phase de construction du morceau, onessaie des choses et on fait des choix.

Olivier : Et parfois, il y a un truc évident qui sort, qui peut être un peu le fruit du hasard ou d’une expérimentation, et qui nous fait dévier de ce qu’on avait prévu au départ. En fait, on a deux manières différentes de travailler. Toi, tu sélectionnes tes sons, tu as une idée de ce que tu veux entendre, tu bosses tes patterns, et au fur et à mesure tu les écris sur une grille pour commencer à élaborer un morceau. Et en fonction de ce que ça donne, tu élabores des rythmiques, tu les changes, tu retournes dans la banque de sons, tu vas y chercher d’autres choses…

Benoît : Ouais, absolument.

Olivier : Moi, j’ai ce côté un peu plus monomaniaque, comme je disais. À la base d’un morceau, il y a forcément un son ou une idée qui me plaît, et après j’essaie d’en faire un tout, de le planifier — même par écrit.

Avec des mots ?

Olivier : Oui, avec des mots qui décrivent l’impression que je veux donner, l’ambiance que je veux créer… Donc j’essaie de tout planifier jusqu’à la fin, parce que j’ai besoin de voir l’aboutissement pour voir ce que je dois faire.

Benoît : Moi, j’ai pas besoin de voir la fin. Je sais quand un morceau est fini, mais…

Olivier : Toi, tu suis le processus, moi j’ai besoin d’une vision à long terme, d’un but à atteindre. C’est pour ça que ma démarche est stérile si elle ne passe pas par la « moulinette Benoît ». D’ailleurs, quand je bosse seul, je n’arrive pas à terminer mes morceaux — simplement parce que je suis incapable de maintenir la tension jusqu’à la fin du travail.

Pourquoi ? Tu te fixes des objectifs trop lointains ?

Olivier : Je pense, oui. Je suis trop exigeant sur ce que je veux faire. Et puis je suis jamais content. Donc je finis par m’enfermer un peu dans l’idée que j’ai, et qui ne correspond pas au résultat que je suis en train de produire. La « moulinette Benoît » me sert beaucoup pour ça !

C’est cela que t’apporte Ben dans Luminocolor ?

Olivier : Oui. Ce que m’apporte Ben, c’est déjà bêtement la capacité à finir ce que j’ai commencé, parce qu’autrement je m’essouffle trop vite, je suis trop enfermé dans ma propre maniaquerie. J’ai besoin de quelqu’un pour mettre en valeur ce que je veux dire réellement. Et puis j’ai un esprit un peu bordélique, alors si je n’ai pas quelqu’un pour sortir du bazar ce qui en vaut la peine, je ne le ferai pas tout seul. En plus, je trouve que Benoît est plus besogneux que moi : il est capable de passer une nuit sur un pattern pour essayer de le faire marcher.

Et toi Benoît, qu’est-ce que tu dirais sur Olivier ?

Benoît : Ce que m’apporte Olivier dans le groupe ? C’est d’abord beaucoup de confiance en moi, notamment pour le live.

Pourquoi ?

Benoît : Parce que c’est quelqu’un dont j’apprécie beaucoup la perspicacité musicale, les critiques… De toute façon, on est en accord tous les deux sur ce qu’on aime. Et puis il amène aussi des retournements d’idées que je trouve extrêmement audacieux, et qui font avancer le schmilblick.

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