SUBJECTIVE PRESENTE



Persian Rabbit


Anno Domini 851, trois vierges du Wessex décident de consacrer leur vie à Dieu et quittent leur père le roi Kewulf pour entreprendre le long pèlerinage vers Rome. Cheminant sur la Route de Pierre de Mardyck à Arras, elles entrent dans un bois où des brigands les massacrent à la tombée de la nuit. Non loin de là, au même moment, la Vierge apparaît à un chevalier aveugle. Elle le guide jusqu’au lieu du crime et lui demande de se frotter les yeux avec le sang des jeunes filles. Le chevalier obéit et retrouve la vue. Il fera construire une chapelle à l’endroit du miracle, à Caëstre.

De drie Maagdenkapel est cette légende du bas Moyen Age persillée de sang virginal, sous les auspices de laquelle se placent les mystiques de Persian Rabbit. Depuis la mort de la White Loose Woman, la première obsession pop de Subjective, on avait envie de vous reparler de Nico Sushi. Il y a quatre ans, on le filmait hurlant torse nu dans une cave, mâchoire écartelée, alcoolémie à ne pas lui mettre un playmobil entre les mains, c’était l’esprit de la White Loose Woman, de l’anar trash bien imbibé, bien imprévisible, si bon.

Persian Rabbit est tout aussi bon, mais le genre est très différent. Sobre, maîtrisé, contenu : de toute évidence l’œuvre de musiciens à jeun. Chant, harmonium, contrebasse, guitare, batterie… L’ambiance créée par ce mélange est sombre et mystique comme dans la légende des trois vierges, les morceaux sont dérangeants comme un caveau trouvé ouvert à la tombée de la nuit dans un cimetière familier, le nom du groupe évocateur, on croirait voir le petit lapin blanc d’Alice au Pays des Merveilles tombant du ciel sur le sol d’une chapelle abandonnée, à Téhéran. Sûrement encore une hallucination due à l’ergot de seigle.

Persian Rabbit est à écouter partout, mais surtout dans les églises. Parlez en à votre curé. Si d’aventure il refuse, déchaussez-vous et montrez-lui la plante de vos pieds sur laquelle vous aurez préalablement dessiné la croix, montrez-lui comment vous piétinez son Christ, pas tellement par vocation sataniste mais plus par réflexe libertaire et puis pour le faire râler. Sobre et maîtrisé dans l’attitude, soit, mais hippie dans l’âme.

par JDL



Hommages à Lou Reed & The Velvet Underground


Nous sommes très heureux de vous annoncer 2 événements formidables, accueillis dans 2 lieux Lillois formidables (l’Aéronef et l’Hybride), à la veille de la fin du monde !

HOMMAGE A LOU REED & THE VELVET UNDERGROUND
mardi 18 décembre à l’Aéronef

11 euros : réservations | gratuit pour les abonnés

L’Aéronef s’associe à l’équipe de Subjective pour vous proposer une soirée à la gloire du célèbre rocker new-yorkais et de la formation qui le fit entrer dans la légende. L’idée de cette soirée au Club est d’offrir un contrepoint à la venue de Lou Reed à l’Aéronef (en juin dernier) avec un rendez-vous plus intimiste et convivial, tourné vers la découverte.

On y célébrera à la fois le répertoire du Lou mais aussi et surtout la vitalité d’artistes émergents, qui portent chacun à leur façon l’héritage de son œuvre. Trois groupes joueront des sets composés en partie de chansons de leur propre répertoire et surtout de reprises du Velvet ou de Lou Reed.

Chaque groupe a choisi un album, auquel il va rendre hommage :

The Velvet Underground & Nico selon LENA DELUXE

The Velvet Underground (le troisième album) selon BINOCULARS

Transformer selon MOLOKO VELOCET

Un trek au fil de l’œuvre, une ambiance new-yorkaise, des garçons glam, des filles psychédéliques, et de la sangria (in the park)…

Notez bien que l’accès à ce concert est gratuit pour tous les détenteurs d’un abonnement (valide) à l’Aéronef ainsi que pour les spectateurs du concert de LOU REED de juin, sur présentation de la souche de leur billet.

 

OBSESSION POP : LOU REED
jeudi 20 décembre à l’ Hybride

gratuit pour les abonnés

Deux jours après la soirée spéciale de l’Aéronef, les « obsédés pop » de Subjective colonisent L’Hybride pour fouiller encore un peu plus l’univers du « Prince de la nuit et des angoisses », avec la projection de deux films : l’intégral du chef d’œuvre Berlin, mis en scène et filmé par Julian Schnabel et en avant-programme, le premier et unique film réalisé par Lou Reed, diffusé pour la première fois dans un cinéma français.

LOU REED’S BERLIN

Julian Schnabel / États-Unis, Royaume-Uni / 2007 / 1h25
Avec Lou Reed, Emmanuelle Seigner

Le mythique album de Lou Reed, Berlin, sorti en 1973, qui racontait l’errance d’un couple de drogués, Caroline et Jim, a toujours été considéré comme son chef d’œuvre. Berlin, 33 ans plus tard, est joué pour la première fois en concert à Brooklyn par Lou Reed et filmé par Julian Schnabel.

 

Court métrage en avant-programme :

RED SHIRLEY

Lou Reed, Ralph Gibson / États-Unis / 2010 / 28 min

À la veille de son centième anniversaire, le musicien rock Lou Reed s’assied pour un tête à tête avec sa cousine Shirley…



Isaac Delusion


C’est la rentrée à Subjective aussi, et avec l’esprit de contradiction chevillé au vestibule de l’oreille comme l’appareil acoustique d’un cacochyme grabataire, on vous propose déjà de repartir.

Dans un louable effort de synthèse, admettons qu’il y a toujours plus ou moins deux types de groupes : ceux qui creusent le quotidien à la pelle de leur basse, et ceux qui voyagent dans la montgolfière de leur voix. Isaac Delusion appartient à la deuxième catégorie : ce groupe n’est pas dans le ressassement sédentaire mais bien de ceux qui s’en vont dans l’aurore brumeuse, planant indécis vers des horizons plus larges. Ils tolèrent parfois quelques passagers dans l’aérostat.

Isaac Delusion par Aliosha

Où vont-ils ? Qui peut prétendre savoir exactement où il va… En Asie, en Australie peut-être, dans le Grand Nord sûrement pour le sublime « Midnight Sun » titre de leur premier EP. Une chose à ne jamais oublier : à moins d’être un touriste irresponsable, assister au spectacle du soleil de minuit, c’est se condamner à passer huit mois d’hiver dans le noir. Juste retour des choses, la beauté ultime qui se paie au prix de la déprime radicale… L’impunité qui s’arrête au Nord du 66ème parallèle.

On tient peut-être là une vérité sur Isaac Delusion : leurs compositions ont la pureté fragile et la douceur inquiète; elles sont calmes presque apaisantes, mais portent en elles dans les viscères de la rythmique une angoisse insaisissable, celle de la nuit éternelle. L’ensemble est nostalgique comme un haïku en suspens.

Par JDL

P.S. : Il y a huit mois, Cracki Records – le label d’Isaac Delusion – étaient venus frapper à notre mail. Jules et Loïc étaient encore inconnus, leur musique nous avait plu et on avait décidé d’en parler. Aujourd’hui, ils sont annoncés au Pitchfork Music Festival de Paris et on sait qu’ils n’ont plus du tout besoin d’un dénicheur de groupes amateurs comme Subjective pour faire parler d’eux. Qu’importe, ils nous plaisent, on les garde, la célébrité n’est pas une excuse suffisante pour les faire disparaître de nos pages



Shiko Shiko


Ces histoires-là se répètent et pourtant. 

Vous ne vous doutez de rien, vous y êtes allé sans aucune (arrière) pensée, insouciant. Vous regardez, la scène est posée, la configuration est classique, vous patientez. Vous êtes calme, reposé, vous avez vu un nom qui change, un nom qui sent l’exotisme, vous ne situez pas mais vous vous en contentez.

Vous êtes dans le doute mais à l’affût. 

Se pointent des mecs (certains casqués) et là, badaboum, c’est parti. Ca attaque sec, ça attaque fort. C’est dense, c’est entêtant et puis c’est sincère, tiens.

SHIKOSHIKO04_PM

Shiko Shiko ne vous laisse par indifférent, c’est un fait. Vous n’avez rien vu venir mais vous en êtes, ces quatre gars vous ont eu et à regarder autour de vous, vous n’êtes pas le seul. Si, nonchalamment, on s’est un peu perdu à parler des quelques dernières choses que l’on a pu écouter d’une (voire des deux) oreilles(s), ces gars-là vous rappellent à l’ordre et vous rappellent que la musique, c’est également (et surtout) une histoire physique, une affaire de tripes et d’abandon.

Shiko Shiko ça s’écoute, mais ça se vit surtout. Parler d’énergie contagieuse serait faible. On sue, on à l’œil qui vibre, on est fatigué. Plus tard, on y retourne, on en reprend et l’on cherche à savoir d’où peut bien venir toutes ces shikoseries. On imagine (mais de loin) la manière dont ces quatre mecs ont compilé, condensé, trituré, agencé afin de dégager le plus pur et plus racé des sons, avant de venir nous secouer et nous frapper les tempes.

Tentez là dans le métro (pas en voiture, vous risquerez l’accident), profitez du plaisir onanique d’être seul à prendre votre oreille au milieu des gens. Ils auront le temps de profiter du plaisir qui est le vôtre et à ressortir comme vous, halluciné. Halluciné mais diablement heureux.

par Fabien Hellier



Feu Machin


Je ne devrais pas m’engluer dans une métaphore trop subjective. Je devrais essayer de ne pas trop me focaliser sur le dernier EP de Feu Machin, Rhino, mais plutôt essayer de parler de ce groupe en général, synoptiquement. C’est trop tard, l’image de cet animal multiple-tonnes que Dalí fait avancer sur de longues et fines pattes à travers un paysage fantasmagorique s’est collée à mon esprit. Les kinésistes associent des couleurs aux sons, j’associe cette scène à Feu Machin.

Salvador Dali Celestial Ride

Debout sur un rhinocéros je mange des tranches d’ananas. Debout sur un rhinocéros je m’aventure vers des contrées inexplorées. Je sifflote des mélodies improbables, des mélopées acides qui chatouillent les neurones des chalands avides de sensations nouvelles. Ces mélodies ne sont pas les miennes, j’ai les yeux fermés, mon corps est probablement installé confortablement sur un fauteuil bien moelleux, et ces mélodies que je sifflote au cours de ma petite ballade onirique, un petit cable relié à la chaine Hi-Fi me les transmet. Dans ce monde où je me balade, le sens commun n’est pas évident, on cherche avant tout à pousser un peu plus loin. Quoi exactement ? Rien de clair, et c’est ce qui m’excite. On cherche à distendre le chemin qui relie un stimulus à une réaction. Un phénomène à une perception. En sortant des chemins battus sur le dos de cet aimable rhinocéros, on trouve de nouveaux paysages, rien de commun, ou en tout cas très peu. Cette nouvelle route est stimulante, cette nouvelle route est exaltante.

Elle me rappelle ce jour où pour la première fois je voyais rouge. Elle me rappelle la première fois où je sentais un orage approcher. Elle me rappelle ce jour où pour la première fois je ne touchais plus terre. Elle me rappelle la première fois où je goûtais à la folie. Elle me rappelle ce jour où pour la première fois j’entendais les mouches voler. Ces routes sensationnelles que l’on ne connaît pas encore sont la fibre même de la richesse des expériences. Voir plus loin, toucher au vif, ne plus se sentir, goûter la volupté, entendre raison. Écouter Feu Machin. Écoutez Feu Machin.


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L’Objet


L’Objet est mal identifié, sans visage, presque sans voix. Les pièces à conviction sont rares : un album digital (mais sans empreintes) dont la pochette au graphisme abstrait ne résout pas l’énigme : certains verront des milliers de pages blanches tordues par le vent dans un ciel de nuit, d’autres des paillettes d’or en lévitation, ou une nuée d’oiseaux capturés par l’oeil lent d’un Argentique hors d’âge. La réponse reste en suspens.

L'Objet Plank

Le nom de l’album donne peut être un indice : Plank. Plank ? Mais oui, bien sûr ! Le physicien allemand, inventeur de la constante de Plank, qui joue un rôle décisif dans la mécanique quantique en reliant l’énergie d’un photon à sa fréquence… Sauf qu’après vérification, le nom du physicien ne s’épelle pas de cette manière : il faut rajouter un « c » à ce Max Karl Ernst Ludwig Planck, dont il est dit qu’il jouait du violon avec Einstein. Le suspect est relâché.

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Fiodor Dream Dog


Il y a quelques mois, lors d’une errance nocturne, on avait assisté à un concert fiévreux. Le public se calmait tout juste des secousses géniales du groupe OK (qui sortent dans quelques semaines leur deuxième EP, mais on vous en reparlera), quand on avait vu arriver Fiodor Dream Dog et son armée de Skips. Calmes, concentrés, ils conquirent la salle (c’était tellement beau qu’on utilise carrément le passé simple), ils conquirent la salle, disai-je, avec une classe et une aisance franchement impressionnantes. À peu près un an plus tard, Fiodor Dream Dog sort son deuxième album, et nous on est tout contents de vous faire partager ce petit trésor musical.

Voilà, c’est notre première obsession de l’année et on va vous en parler BEAUCOUP. Que celui qui n’invente pas des chorés à la troisième écoute de « Sorry For The Lashes », nous jette la première bière. Que celui qui ne chavire pas dès les premières notes de « Crossing Over » file acheter des cotons tiges. (Que celui qui n’a jamais pris de la drogue avant d’écrire un édito change de blog.)

FIODOR21_RA

Pourquoi donc te jeter sur cet opus comme un loup affamé sur la chair laiteuse d’un jeune enfant perdu ?

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