L’Objet est mal identifié, sans visage, presque sans voix. Les pièces à conviction sont rares : un album digital (mais sans empreintes) dont la pochette au graphisme abstrait ne résout pas l’énigme : certains verront des milliers de pages blanches tordues par le vent dans un ciel de nuit, d’autres des paillettes d’or en lévitation, ou une nuée d’oiseaux capturés par l’oeil lent d’un Argentique hors d’âge. La réponse reste en suspens.

Le nom de l’album donne peut être un indice : Plank. Plank ? Mais oui, bien sûr ! Le physicien allemand, inventeur de la constante de Plank, qui joue un rôle décisif dans la mécanique quantique en reliant l’énergie d’un photon à sa fréquence… Sauf qu’après vérification, le nom du physicien ne s’épelle pas de cette manière : il faut rajouter un « c » à ce Max Karl Ernst Ludwig Planck, dont il est dit qu’il jouait du violon avec Einstein. Le suspect est relâché.

Pour en avoir le coeur net, l’objet Plank est finalement inséré dans le lecteur-détecteur, attribut essentiel du détective musical. Dès les premières mesures, un rythme nous parvient, répétitif, entêtant, habité par des mélodies inquiètes. 26 minutes s’écoulent, on n’a pas ouvert les yeux, pas décollé le casque, pas réduit le volume, juste reçu ce rayonnement des profondeurs, ces échos lointains qui n’ont pas laissé une seconde de liberté au silence. La musique s’arrête. On se surprend à repenser au jour où on a découvert Kraftwerk. Et là, l’énigme s’élucide…

Dans une révélation, on se souvient que le fantastique ingénieur du son de Kraftwerk s’appelait précisément Plank – Conny Plank. On réalise que l’Objet est bien sûr un héritier de cet école qui bâtit ses mesures comme un maçon perfectionniste, agrégeant les couches, accordant une importance essentielle au plus infime interstice…

Rasséréné, le détective musical referme le dossier. Au fond de lui, il se dit que l’homonymie entre le théoricien de la mécanique quantique et l’ingénieur de la mécanique sonore n’est peut être pas un pur hasard : dans le Krautrock allemand comme dans cet Objet musical que l’on va vous présenter pendant les semaines à venir, il y a bien quelque chose qui rappelle les origines de la matière.

par JDL

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