Thomas Subiranin – Part I / Genèse


Subiranin

Pourrais-tu nous parler un peu de toi : d’où tu viens, quel a été ton parcours… ?

Je viens de Chalon-sur-Saône. J’ai fait des études d’art à Dijon et, de fil en aiguille, je me suis tourné vers le graphisme puisque je trouvais à l’époque que c’était un bon compromis. Je suis monté à Paris pour faire des études de graphisme et c’est à ce moment que je me suis lancé dans la musique électronique.

Comment en es-tu venu à la musique électronique ?

J’ai un background vraiment musique acoustique. J’ai fait de la clarinette en école de musique, j’ai eu des groupes de rock comme tous les ados. Je me suis formé. À la fin du lycée, j’ai commencé à bidouiller sur des logiciels. J’ai écouté énormément de musique électronique, beaucoup d’IDM, Warp et compagnie, de la techno allemande…

Qu’est ce qui te plaisait là-dedans ?

Pour moi, c’était assez nouveau. Il y avait la production aussi, c’était un peu mystérieux. J’ai commencé à télécharger quelques logiciels. Et pendant 4 ans (ndlr : 2006 – 2010), je n’ai fait que de la musique électronique : un peu d’électronica, voire même de la musique abstraite. J’adorais Tim Hecker et Clack chez Warp. Je trouvais ça génial parce qu’ils travaillaient vraiment les textures dans le sons. Ils bidouillaient et te sortaient des sonorités vraiment incroyables. Pendant longtemps, j’ai fait des trucs comme ça.

Par cette recherche, s’agissait-il d’apprendre à déconstruire la musique ?

Ce n’était pas « je veux savoir comment ils font pour essayer de faire pareil ». C’était qu’à la base, j’écoutais beaucoup de rock 60’s et petit à petit j’ai dérivé vers Aphex Twin, je ne sais pas trop comment. Je suis un énorme fan de Boards of Canada, un groupe qui m’a vraiment marqué (c’est toujours le cas d’ailleurs). J’aime bien Brian Eno pour sa musique ambient également. À cette époque, je faisais des trucs très variés. Et plus ça avançait, plus je faisais des trucs ambient. Peu à peu, je me suis ennuyé : tout faire sur un ordinateur, avec des logiciels, des sons d’ordinateur… J’ai commencé à incorporer des parties de guitares acoustiques, des samples, à vouloir faire un mélange d’électronique et de prise de micro, un peu dans le style des premiers enregistrements d’Animal Collective, très déconstruits. J’allais de plus en plus vers ça.

Qu’est ce qui te gênait avec l’électronique ?

La méthode de composition. Si tu veux, quand tu composes avec un piano et une guitare, c’est très traditionnel : tu es devant ton piano et tu vas commencer à balancer quelques accords et à travailler une mélodie. Mais ce n’est pas enregistré, c’est juste une phase recherche et de composition. Après le truc, tu vas le digérer et tu n’auras plus qu’à l’enregistrer : il y a plusieurs phases qui te font créer quelque chose. Alors que lorsque tu travailles avec des logiciels sur ordinateur, toutes ces phases se concentrent en un seul moment : tu es devant ton écran, tu composes en même temps que tu produis. Il n’y a plus ces différentes étapes de création.

Donc la recherche de mélodie se passait devant un écran : je travaillais à la souris, c’était bien foutu… mais tellement un truc de geek ! Je créais des mélodies, et en même temps, je cherchais des sons de synthé. Parfois, ça devenait juste de la prod et du réglage de détails. J’ai eu envie de revenir à des choses simples. J’ai ressorti mes guitares et trouvé un vrai plaisir à pouvoir composer un peu à l’ancienne, de manière plus traditionnelle.

Qu’est-ce que t’as apporté cette période plus électronique ? Y vois-tu un rapport avec ce que tu fais maintenant ?

Faire de la musique électronique m’a permis d’en apprendre un peu plus sur la technique, le mixage, etc. Avant ça, je n’y connaissais rien du tout. Mais musicalement, il n’y a pas de réelles connexions entre ce que je fais maintenant et ce que je faisais à l’époque.

Donc ça n’a pas été pour toi une étape « nécessaire » au développement d’un savoir en matière de production ?

Ce n’a pas été une étape, je ne savais pas trop encore où j’allais. À l’époque, ça n’aboutissait à rien, je faisais des petits live electro dans des bars, des clubs, j’aurai bien voulu signer sur un label, mais je ne le regrette pas. Je n’assume plus forcément les morceaux que j’ai pu produire à ce moment-là, même s’il y a quelques trucs que j’adore encore aujourd’hui. J’étais à l’époque totalement inconnu et, comme je le disais, ça n’a jamais abouti. C’était une déviation…

Aujourd’hui je ne me perçois absolument pas comme un DJ.

Et pour passer de l’électronique à son contraire, as-tu une formation musicale classique ?

Non pas vraiment, j’ai fait de la clarinette dans une petite école de musique, j’ai appris le solfège et tout le tralala. Ça a a été un calvaire total. J’ai vite arrêté.

Est-ce que c’est une base sur laquelle tu t’appuies aujourd’hui?

Non pas du tout, enfin, peut-être qu’inconsciemment ça a joué un petit peu.

Il ne faut donc pas imaginer ton cheminement dans la musique comme un processus continu…

Oh non pas du tout, j’ai voulu faire de la musique à cause des disques, de ce que je pouvais écouter.

Qu’est ce qui te plaît en ce moment ?

J’aime bien les trucs un peu à côté de la plaque. Le premier Connan Mockasin était super. J’ai récemment découvert Orval Carlos Sibelius et son disque Super Forma. L’album est incroyable et fourmille d’idées. Un grand disque de pop française.

Est-ce que tu cherches à écouter, à appréhender la diversité avec Internet ?

Aujourd’hui c’est facile de découvrir énormément de disques grâce à Internet, de rattraper des décennies de musique en quelques clics. J’aime bien l’idée de découvrir des pépites inconnues et oubliées, mais tu peux vite tomber dans une sorte de boulimie musicale. Je ne pourrais pas écouter 5 nouveaux disques par jour : un disque doit t’accompagner sur une certaine période, et ta façon de l’écouter évolue avec le temps. Les blogs et tout ça, je n’y passe pas beaucoup de temps, et bien souvent je finis par revenir à mes classiques, tous ces disques qui me donnent envie de faire de la musique.

Et Paris, est-ce que c’est une ville qui favorise ce que tu fais ?

Je ne trouve pas qu’il y ait une réelle émulation musicale à Paris… Enfin, je ne le vois pas du tout. Et puis ça peut être galère ici de jouer en groupe, c’est toujours compliqué de trouver des lieux où répéter, etc. Quand tu produis de la musique électronique dans ton coin comme je faisais avant, c’est beaucoup plus simple.

Je ne pense pas que ça soit un grand avantage d’être à Paris pour faire de la musique comme ça l’a peut-être été à une époque. Il y aurait peut-être plus à gagner à être dans des petites villes de provinces : ça bouge culturellement parce que les gens sont plus proches. J’ai des amis musiciens à Chalon-sur-Saône qui avancent plus vite parce qu’il y a un petit écosystème : tu peux te faire prêter un local, etc. Souvent je vais chez mes parents, à la campagne, j’aime bien faire ça.

Par Fabien Hellier

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