Michael Wookey


Raconte-moi un peu ton parcours de musicien…

Michael Wookey : Je ne viens pas d’une famille très musicale, à l’exception de mon grand-père qui était organiste pendant la guerre. Il s’occupait notamment des cérémonies funéraires. Quand j’ai eu 15 ans, il m’a donné cet orgue qui me fascinait beaucoup, et j’ai commencé à jouer dans mon coin. Avant ça, j’avais déjà essayé de faire partie de la chorale de l’école, mais je n’ai jamais été assez bon pour rentrer dedans. J’ai toujours voulu faire des représentations. J’ai composé quelques morceaux instrumentaux avec l’orgue, et puis j’ai arrêté assez rapidement.

Je me suis plutôt pris de goût pour l’écriture de poèmes, pour le piano et la composition de morceaux avant-gardistes.

À 16 ans, je suis rentré en université de musique, mais j’ai arrêté parce que c’était trop difficile. En plus ça ne me plaisait pas trop ; je ne trouvais pas ça très épanouissant, on ne faisait qu’apprendre de la théorie et des structures. À 17 ans, j’ai rencontré ce mec qui en avait quatre de moins… Un vrai prodige ! On a commencé à jouer et à composer ensemble. Pendant deux ans environ, on a enregistré de la musique lo-fi sur un enregistreur quatre-pistes. Après, j’ai arrêté et j’avais beaucoup de temps libre pour réfléchir à la vie. Et en fait, je suis resté dans le hangar de mon jardin, chez moi. J’enregistrais des morceaux jour et nuit. C’est à cette époque que j’ai commencé à écrire des morceaux avec une partie vocale. Je vivais presque en ermite. Je m’échappais du monde et du besoin de socialiser. Je ne voyais personne, je bossais dans mon hangar jusqu’à 4 heures ou 5 heures du matin. J’ai gardé une grosse collection de morceaux de cette époque.

Finalement, je me suis quand même décidé à retourner en cours. J’ai découvert la composition de musique de films, ce qui m’a permis d’apprendre beaucoup en termes d’orchestration. Pour mon premier album, c’était un peu tiré par les cheveux, parce qu’au lieu de choisir des morceaux de mon catalogue, comme ce que font beaucoup de groupes, j’ai décidé de composer de nouvelles chansons. Ca m’a ensuite pris cinq ans pour réaliser mon deuxième album. Paradoxalement, pour celui-là, j’ai utilisé quelques anciennes chansons. D’ailleurs, je continue encore à piocher dans mon répertoire. Sur mon nouvel album, qui doit sortir cette année, il y a quelques morceaux qui datent de l’époque où j’avais 17, 18 ans.

Quand tu as commencé à jouer de l’orgue, quel style écoutais-tu ?

Michael : J’étais un peu dans le mouvement gothique à l’époque ; je m’habillais tout en noir… J’écoutais beaucoup de Velvet Underground. J’essayais d’écrire des morceaux qui reflétaient ce que je voyais, un peu à la manière de ce que Lou Reed a fait avec The Factory. Je ne suis pas certain que ça ait vraiment pris avec moi, parce que je ne fais plus du tout ça maintenant.

Après avoir récupéré l’orgue, tu as acheté d’autres instruments ?

Michael : Plein d’autres petits orgues. À un moment, je me passionnais pour la collection de petits instruments. Aujourd’hui, tous les groupes ont un petit glockenspiel. Je pense que j’ai été le premier à en acheter un ! Vraiment ! Sur le mien, on peut voir les traces du temps, il est abîmé…

Quand tu t’es mis à enregistrer dans ton hangar, tu étais seul ?

Michael : Oui et en plus, il faisait super froid. Je n’habite pas loin de la mer et avec le vent en hiver, on se les pelait. J’avais juste mon vieux piano et quelques petits instruments.

Mais alors tu n’as jamais joué dans un groupe ?

Michael : Après le premier album, j’ai décidé de faire quelque chose de plus sérieux et j’ai eu un groupe pendant environ un an. Je ne jouais avec eux qu’en concert. C’était juste pour faire quelque chose de plus rock. En plus, quand tu es seul sur scène, cela peut devenir très intense et il n’y a personne derrière qui te cacher. Si tu as un groupe, c’est différent. Je me souviens de certaines fois où j’arrêtais de jouer — je les regardais et je chantais, mais je ne jouais plus de guitare.

Quand es-tu devenu Michael Wookey, le musicien ?

Michael : Pendant longtemps, surtout quand j’étais dans mon hangar, c’était presque un secret. Le premier album a été l’élément déclencheur. J’ai commencé à faire des concerts. Je suis passé par plusieurs phases en cherchant un nom de scène et finalement, je me suis arrêté sur mon propre nom.

Qu’est-ce qui t’a fait enregistrer le premier album ?

Michael : Souvent, j’écris un morceau quand j’ai un nouvel instrument. Un ami m’a offert un orgue assez similaire à celui que mon grand-père m’avait donné. J’ai écrit beaucoup de morceaux qui, déjà, se trouvaient former un bon ensemble. Ca m’a amené à écrire quelques autres chansons pour en faire un album. Dreams Of You est un album triste, une sorte de requiem.

Quand tu t’es mis à composer tes morceaux, as-tu cherché le type de musique que tu voulais ou est-ce sorti naturellement ?

Michael : Je fais toujours des plans, mais je n’arrive jamais à m’y tenir. Mes albums sont tous très schizophrèniques. Sur le dernier, je voulais faire une musique très électronique ; pas plus de quatre morceaux le sont. C’est pour ça que c’est toujours difficile pour moi d’apposer une catégorie sur ma musique.

Comment alors caractériserais-tu ton évolution musicale ?

Michael : Sur le premier album, l’ambiance était très mélancolique avec plein d’instruments qui n’avaient pas vraiment de rythmes. Plein de sons assez disparates, en quelque sorte. Sur le second, j’ai voulu donner un aspect un peu plus joyeux, plus rythmique, donc j’ai ajouté un peu de batterie. Sur le dernier, j’ai accru ce sentiment. Je pense que j’essaie de rendre ma musique plus facile à écouter.

Tu as dit que dans ton hangar, la musique te servait d’échappatoire. Est-ce toujours le cas ?

Michael : En grande partie, oui. Quand j’accouche d’une composition, c’est un peu un sentiment de libération. Ce que je fais, c’est que j’écris sur un sujet qui me tient à cœur, par exemple mon père. Une fois que la chanson est terminée, ça me permet de penser à autre chose. Et quand je joue la chanson en live, je rouvre le dossier, et j’y pense pendant les trois minutes que dure la chanson. C’est assez thérapeutique aussi, parce que ça me permet de faire sortir tous ces sujets auxquels je pense. Si je n’avais pas de public, ça ne marcherait pas. D’une certaine façon, c’est ma manière de les payer pour m’écouter, parce que c’est un peu une séance de thérapie gratuite. En retour, j’essaie de donner du spectacle, d’avoir quelques costumes, de faire quelque chose d’amusant pour éviter que les gens aient l’impression que je suis seulement ce type qui se plaint de son père. Quand je suis sur scène, les chansons reprennent soudainement tout leur sens.

Tes paroles sont principalement personnelles…

Michael : C’est un peu la seule chose dont j’ai envie de parler dans mes chansons. Si je me mettais à écrire sur d’autres sujets, ça ne fonctionnerait pas. Je laisse ça à d’autres.

Pages : 1 2 3

</