Clint Is Gone


Notre dernier numéro était consacré aux Yolks. Leur chanteur Arnaud nous a parlé de toi… Peux-tu nous raconter votre rencontre ?

Antoine Bertrand : Arnaud et moi on était au collège à Neuilly, on se connaissait de vue et on s’est retrouvé en pension en seconde, ça nous a rapproché. C’était en 2002-2003, j’ai commencé à jouer de la guitare, j’étais un fan absolu d’Oasis. J’étais dans la cours avec ma guitare tout le temps et Arnaud est venu s’asseoir plusieurs fois à coté de moi. On a commencé à discuter de ça. À l’époque, il n’écoutait pas Oasis… ni de rock, d’ailleurs.

Qu’est-ce qu’il écoutait ?

Antoine : Hum, je sais plus ce qu’il écoutait… À l’époque il n’était pas branché rock, mais justement, on avait des échanges là-dessus, sur Oasis par exemple, et il me disait : « c’est mon frère qui aime, je cherche un cadeau d’ailleurs, si tu peux me conseiller… » Plus tard, à la fête de la pension, dans cet espèce d’asile de fous qu’était notre bahut, nous les musiciens faisaient une représentation et on s’est proposé pour jouer « Live Forever », pour la chanter sur scène tout les deux avec une guitare. C’était énorme d’être tous les deux sur scène, c’était très sympa…

Ce n’était pas la première fois qu’il chantait ?

Antoine : Si, si.

Et toi ?

Antoine : Non pas en public, mais une des premières fois. Et devant un public aussi large — tout le lycée !

Julie Gomel : Et les filles criaient…

Antoine : Ah non elles ne criaient pas, c’était pas permis de crier dans ces trucs-là.

C’était… ?

Antoine : …quasiment militaire ! (rires) Non, je déconne. Et voilà… On a fumé quelques joints ensemble et du coup on a une « copinité » : on n’était pas super amis, mais on s’appréciait. On s’est perdu de vue après la pension. En 2006 je suis allé voir Oasis au Zénith, et j’ai vu Arnaud comme un dingue devant le Zénith : « Ouah, c’est fou que tu sois là, c’est énorme, tu m’as converti, c’est génial Oasis, etc… Ouais, j’ai tout les bootlegs ! » Il en avait plus que moi, tu vois ! Il m’explique que maintenant il a un groupe qui s’appelle les Yolks, « viens nous voir jouer à tel endroit », et il se trouve que cet endroit est juste à côté de là où habitait mon ex. On est donc allé voir ce que ça donnait, ça nous a plu et on est devenu potes avec les Yolks. À l’époque, j’avais un groupe avec mon ex, qui s’appelait Sorry Mum, et on a partagé par la suite plusieurs fois l’affiche avec les Yolks dans ce même lieu. À l’époque, ils chantaient en Français, c’était très différent, mais ils ont toujours le même esprit… Voilà, on est vraiment devenu potes à ce moment-là.

Et Sorry Mum, c’était… ?

Antoine : C’était mes chansons et une pétasse à côté qui chantait et qui charmait le public avec son pauvre piano.

Je note « pétasse » et « pauvre piano » ?

Antoine : Absolument ! On jouait une dizaine de titres que j’avais composés. Un des rescapés de cette période est sur l’EP : « Get A Moon ».

Parlons de l’histoire de Clint Is Gone. Si vous deviez me donner quatre ou cinq dates importantes pour le groupe…

Antoine : J’en ai une : le 24 mars 2007. C’est mon premier concert solo sous le nom Clint Is Gone. Je devais jouer avec Sorry Mum, mais puisqu’on avait rompu deux jours avant… ! C’est à ce concert que j’ai rencontré Fabien Fabre, qui jouait après moi et Baden Baden, puis bien sûr les Yolks.

Donc Clint Is Gone, c’est la continuation de Sorry Mum ?

Antoine : Je ne pouvais plus jouer avec mon ex, j’ai donc créé Clint Is Gone et un nouveau myspace. Deux jours après, je faisais ce concert.

Julie : La prochaine date importante pour nous serait mai 2007. Je reçois un mail : Antoine cherchait une violoncelliste. Il avait vu la photo de l’avatar de mon myspace, sur lequel une amie jouait du violoncelle. Il pensait que c’était moi ! Coup de chance, j’en joue aussi.

Comment tu as trouvé le myspace de Julie ?

Antoine : Longue histoire ! Une amie m’avait emmené voir un concert à la Loge d’un mec qui se faisait appeler « Eric » ou « N’é », et qui par la suite a fondé Baden Baden. Je me suis renseigné au sujet de la Loge sur le Net, et Julie était dans les « top friends » de la Loge, avec la photo de la violoncelliste en avatar.

Julie : J’avais joué mes titres à la Loge.

Pourquoi est-ce que tu voulais du violoncelle, Antoine ?

Antoine : J’y pensais déjà sur Sorry Mum. J’ai toujours aimé la musique classique, le violoncelle m’évoque Rostropovitch devant le mur de Berlin… et mes parents ont pas mal de CDs de classique. Pour moi, c’est vraiment un instrument chargé en émotion.

Julie : Donc après avoir reçu le mail, je vais voir son myspace, qui d’ailleurs avait un avatar assez drôle ! Tu te souviens … l’ours qui glisse sur la banquise ?

Antoine : Mais non, c’était un nounours de mon ex-copine !

Julie : Non non, c’était une image !

Antoine : Ah oui… l’ours !

Donc la date suivant est celle de la rencontre ?

Julie : Oui, j’avais trouvé les chansons superbes, et j’avais aussi commencé à chercher des trucs en écoutant ces titres chez moi. On s’était fixé une répét’ chez Fábio. Je pensais qu’ils étaient plus âgés, j’avais trouvé beaucoup de maturité dans ce que j’avais écouté, j’étais impressionnée.

Alors que vous avez le même âge ?

Julie : Non il est plus jeune. C’est moi la doyenne du groupe !

Antoine : J’ai 23 ans, Fábio en a 24, et Julie…

Julie : 26

Antoine : Donc voila la première mouture.

Julie : Après on a changé de nom, pour « Antoine/Julie/Fábio »… et on a rassemblé les chansons de Fábio et d’Antoine.

Antoine : On a aussi joué avec Michael Wookey. J’avais proposé « The Four » comme nom de groupe, et Michael trouvait stupide de ne pas gardé « Clint Is Gone ». Ce nom l’avait frappé. On est donc revenu, définitivement, à Clint Is Gone.

On hésite toujours à poser la question du nom, ça peut être banal…

Antoine : Il y a l’image de Clint qui s’éloigne vers l’horizon à la fin du western, qui a un coté franchement nostalgique. Et puis il y a aussi cette chanson nulle que j’avais écrite, et qui porte ce même nom. Mais le titre était sympa ! Et puis il y a Friends — cette fois où Chandler, mon personnage préféré, veut changer de nom pour être rebaptisé Clint. Comme j’ai toujours voulu changer de nom, je trouvais ça drôle… mais ma mère n’aurait pas voulu !

On t’appelle Clint parfois ?

Antoine : Oui, des Anglais m’appellent Clint. Michael Wookey, par exemple.

Julie : Et j’aime l’idée qu’un membre du groupe soit parti. Et qu’on soit pourtant tous là !

J’ai lu votre biographie sur le Net, c’est bien, bien écrit.

Antoine : C’est Maria. Maria ! Hommage !

(Tintements de verres)

Maria : Merci !

Donc ça parle de rupture…

Antoine : Exact. J’ai beaucoup été marqué par mon ex. En dépit du fait que ce soit une connasse, la majeure partie des titres de Clint Is Gone parlent d’elle. De la déception et du dégoût.

Julie : La premier amour !

Antoine : Et le seul. Les chansons retranscrivent cette difficulté à faire confiance à nouveau…

Finalement, c’est très personnel. Comment Julie et Fábio acceptent ça ?

Julie : Mais c’est aussi universel. C’est son histoire mais on peut tous l’imaginer.

Antoine : Il y a un titre qui s’appelle « Before The War » : « the cake that we did bake at night »… C’est du vécu, on faisait des gâteaux à deux heures du matin !

Julie : On la chante à deux cette chanson, ça aurait pu être notre histoire ! (rires)

Antoine : Ce groupe me fascine, et parmi les choses qui me fascinent, il y a le fait que je puisse dire des choses personnelles, de façon très impudique, sans que ça ne vous gêne. Vous m’accompagnez sans me remettre en cause.

C’est toi qui écris les chansons et les textes ?

Julie : Il ramène les chansons, et on fait les arrangements.

Antoine : C’est moi le dictateur !

Julie : Non, c’est moi.

Fábio Nascimento : Oui, c’est vrai ! La maman ! (rires)

Troisième date importante pour Clint Is Gone ?

Fábio : Alors c’est la veille des 21 ans d’Antoine, le 22 octobre 2007. On a fait la queue toute la nuit pour acheter nos places pour Paul McCartney à l’Olympia.

Antoine : Dans la queue, certains avaient ramené des guitares et ça me démangeait d’en jouer et de faire mon boute-en-train ! J’ai réussi à emprunter une gratte, et on a joué les Beatles toute la nuit ! J’ai rencontré Fábio, qui à l’époque portait une barbe encore plus imposante que maintenant ! Il a joué deux titres du guitariste de Devendra Banhart. J’étais impressionné et je lui ai parlé de Clint Is Gone, je lui ai dit de passer nous voir à la Loge puisqu’on y jouait peu de temps après.

Fábio : À l’époque j’étais photographe pour des magazines brésiliens, alors j’ai pris des photos à La Loge, c’est là qu’on a échangé nos contacts. J’ai vraiment aimé l’image du groupe.

Pour quelles raisons ?

Fábio : Le violoncelle. Pas Antoine… (rires) Et puis Michael Wookey, qui a toujours un style particulier sur scène. À la fin du concert, je suis allé les voir pour les féliciter. On a parlé musique et je leur ai dit que j’étais guitariste — et aussi pianiste. Antoine m’explique que c’est le dernier concert de Michael Wookey, qui préfère continuer sa carrière en solo, et c’est là que l’idée germe.

Julie : Au départ, Fábio était au clavier. Antoine et lui ont d’abord répété tous les deux, sans moi. Fábio et moi, on s’est seulement rencontré dans le trajet du métro pour aller jouer notre premier concert ensemble !

Quatrième date ?

Julie : En août 2008. Un petit festival à Plessey au sud de l’Angleterre. C’est important pour le groupe car on y a pris toutes nos photos de l’EP et c’est là bas qu’ont été tournées les vidéos. On s’y plaisait !

Antoine : Fábio a un couple d’amis qui vit en Angleterre et qui connait les organisateurs du festival. On s’est dit que c’était une occasion de jouer à l’étranger. A l’époque on était cinq : nous trois, Fabien Fabre (qui a maintenant son projet solo), et Julien. Julien avait un van, c’est aussi pour ça qu’on est parti tous ensemble de l’autre côté de la Manche.

Julie : La dernière date serait celle de l’enregistrement de l’EP, en décembre 2009, par Antoine Delacroix — mon petit ami. On n’avait fait que du live jusqu’alors, et on a enregistré cet EP parce qu’il y avait un attrait du public, une demande. Et aussi pour faciliter les démarches pour les concerts.

Antoine : On l’a enregistré en deux jours. On a fait une première tentative avec Julien, piste par piste, et ça ne collait pas, c’était froid.

Julie : On ne se reconnaissait pas. On ne se connaissait finalement que dans un contexte live.

Antoine : Peu de temps après, on a décidé de tout reprendre à zéro.

Julie : Et on s’est séparé de Julien.

Antoine : Julien nous a beaucoup apporté, dans l’atmosphère que peut dégager notre musique par exemple. Mais il a n’a pas évolué avec nous, il était bloqué par son niveau musical.

Ca n’a pas été trop dur ?

Julie et Antoine : Si.

Fábio : J’étais au Bénin pour faire un documentaire quand c’est arrivé ; j’ai appris la séparation à mon retour.

Julie : C’était aussi une époque où on choisissait des chemins différents. Julien voulait créer sa boîte…

Antoine : Finalement, c’était un mal pour un bien : il nous fallait cet EP, et Julien n’était peut être pas à la hauteur.

Julie : On a tout enregistré en une prise la seconde fois. On voulait apporter du rythme et on a donc appelé Nico, un percussionniste. Ca n’a pas fonctionné. On a réalisé que le rythme venait de nous et qu’il fallait qu’on se charge nous-mêmes des percussions. On a donc inventé la batterinette, une petite batterie maison composée d’une caisse claire, d’une cymbale et d’une valise avec un micro dedans en guise de grosse caisse.

C’est votre invention ?

Julie : J’avais déjà vu quelque chose de similaire, mais c’est notre modèle.

Qui en joue ?

Julie : Fábio et moi. Ca reste assez basique rythmiquement, mais on s’en sort. D’où l’idée d’interchanger les instruments. Fábio joue du violoncelle quand je suis aux percussions, je lui ai montré deux ou trois bases et il s’en sort très bien à l’oreille. Le fait qu’on change d’instrument et qu’on se les passe entre membres fait partie de notre identité.

Antoine : Ca nous a donné une dynamique qui nous a permis d’avancer jusqu’à maintenant.

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