Studio Paradise


Pourquoi Studio Paradise ?

Francè Vivarelli : « Studio » : on travaille beaucoup en studio, et le mot fait penser à une étude, une recherche, un travail approfondi sur la musique. Et puis « Paradise », c’est le côté sunshine, mais c’est aussi un clin d’oeil au film de Brian de Palma, Phantom Of The Paradise. Et puis… j’ai habité un studio rue du Paradis à Marseille, un super appart’ qui avait vue sur Notre Dame. Un truc pour lequel tu paierais une fortune ici, à Paris — mais à Marseille ça ne coûtait rien. On y a fait des teufs de ouf, et j’y ai joué de la musique à outrance.

Donc tu as proposé le nom aux autres ?

Francè : Non ! En fait, le groupe s’est créé plus tard… Bon, je te passe les détails sur mon enfance : « depuis petit, je joue de la musique, etc. » (rires) L’histoire de Studio Paradise commence vers 2001. À l’époque, j’avais déjà des compositions que j’écrivais. Enfin, je ne sais même pas écrire la musique, mais j’utilisais des tablatures pour écrire les accords et les lignes de chant.

Tu écrivais la mélodie vocale en tablature ?

Francè : Ah, c’était basique, hein ! (rires) En 2000, quand je suis arrivé à Marseille, j’ai fait la connaissance de Seb, un mec qui venait de Bastia (je viens aussi de Corse). On avait la même conception de la musique, on écoutait les mêmes choses, il m’a fait découvrir outrance de trucs, et réciproquement. Et on passait des nuits entières dans mon studio rue de Paradis à jouer de la guitare jusqu’à ce que le Soleil se lève. « Merde, il fait déjà jour ! » On créait beaucoup de musique, on avait pas mal de thèmes, pas mal de chansons bien construites (qu’on propose encore sur scène aujourd’hui). À l’époque, j’avais des guitares, mais je devais m’acheter une basse.

Laurent Gueirard : Et tu as acheté Thomas !

Francè : Et j’ai acheté Thomas !

(rires)

Francè : Il était nu, pas cher… (rires) Non, sérieusement, Thomas arrive plus tard dans l’histoire. À l’époque, je me suis acheté un 4-pistes numérique mini-disc. Il n’y avait pas toutes ces possibilités d’enregistrement sur ordinateur qui existent aujourd’hui. C’était carrément une autre époque ! Mais à partir de ce moment-là, on a commencé à remplir les mini-discs de nos compositions. Et, sans mentir, on a une cinquantaine de MDs remplis de chansons. C’est-à-dire qu’on doit en avoir… 500, 600 peut-être !

600 chansons différentes ?

Francè : Oui, oui. Relativement bien écrites, en plus.

C’est autant que le répertoire de Bob Dylan, il me semble !

Francè : On créait, on créait, on créait… On était des boulimiques d’écoute de musique et de création. Donc sur toute cette quantité de chansons, il a fallu discerner le bon du moins bon. Je suis resté six, sept ans sur Marseille. Au bout de sept ans, on s’est dit qu’il fallait essayer de produire de meilleurs enregistrements, parce que jusque là tout avait été enregistré sur 4-pistes. J’ai mis toutes mes économies dans des super guitares, dans des amplis qui avaient le son dont je rêvais, j’ai choisi scrupuleusement les pédales en faisant le geek sur Internet. Je passais énormément de temps à écouter de la musique : Beatles, Kinks, Chemical Borthers, 2 Many DJs, LCD Soundsystem, du classique, de la minimale…

Faudrait qu’on ait un débat sur la minimale !

Francè : Alors écoute Ricardo Villalobos ! C’est organique, et c’est orgasmique. Et écoute l’album Alcachofa. À l’époque, on écoutait aussi énormément Radio Grenouille. 88.8 Mhz à Marseille. C’est é-pous-tou-flant ! Ils m’ont fait découvrir énormément de choses. (Comme à Thomas, d’ailleurs, puisqu’il était à Marseille à l’époque.) À deux heures du matin, ils vont te passer de la minimale… Deux minutes après, ils te balancent un vieux Stones. Mais quand ils te balancent un vieux Stones, ce n’est pas « Satisfaction » ! Non, c’est « Monkey Man » ! Ou bien, s’ils te passent un Beatles, ça va être « You Know My Name ». Qui connaît cette face B de « Let It Be » ? Juste après les Beatles, tu vas entendre Elliot Smith, et puis pendant une demi-heure ensuite, des chants touaregs du Sahara occidental, des chants orientaux, etc. Ces gens-là m’ont nourri la tête ! Donc voilà un peu pour nos influences. Au bout de sept ans, une fois qu’on avait acquis tout le matériel pour bien enregistrer, on est retourné pendant un mois sur Bastia, on a loué un hangar dans lequel on a installé tout le matos d’enregistrement.

Juste tous les deux, avec ton pote Seb ?

Francè : Voilà, juste à deux. On a eu de la chance, parce que c’était le hangar dans lequel tous les zikos de Bastia entreposaient leur matériel. On s’est retrouvé avec des trucs de dingue, comme des cabines Leslie.. Nous, à l’époque, on était venu avec un matos correct, mais on n’avait pas de préamplis fantastiques ni de micros exceptionnels. Et là, on a trouvé sur place des amplis de ouf ! Ce sont des enregistrements qu’on entend encore aujourd’hui sur myspace.

Par exemple ?

Francè : Tous les morceaux de myspace !

Donc tu es en train d’expliquer que sur les enregistrements disponibles sur myspace, on n’entend pas encore tous tes comparses qui font partie de Studio Paradise aujourd’hui ?

Laurent : Non. Nous, on n’existe pas encore !

Thomas Pégorier : La page myspace doit avoir dix ans… Moi, à l’époque où j’ai rencontré Francè à Marseille, on jouait de temps en temps ensemble, on s’est fait quelques sessions en studio et en appart’, mais on ne composait pas ensemble.

Francè : On trippait énormément. Et — je ne dis pas ça parce qu’il est en face de moi — j’ai toujours aimé le jeu de basse de Thomas, qui joue super bien aux doigts, avec un côté dub que je kiffe à mort. Quand il joue « Maison En Dur » du Peuple De L’Herbe, j’adore. Bref, une fois qu’on a fait les enregistrements à Bastia, je suis venu m’installer à Paris, j’ai terminé mes études…

Qui étaient … ?

Francè : Alors j’ai choisi un truc vachement sexy pour plaire aux filles : j’ai choisi les maths.

Ca marche toujours ! Le surf ou les maths !

(rires)

Francè : Thomas est monté juste après moi sur Paris, et là, cash, on s’est dit : « bon allez, on va faire ce groupe ». Et moi, ça me paraissait insurmontable !

Alors que tu avais déjà les compositions, les enregistrements… ?

Francè : Ah oui ! Mais j’avais trop peur. Parce que déjà, le fait de dire que ce sont « mes » compos (et non pas « nos » compos), c’est un problème.. que je n’arrive d’ailleurs toujours pas à évacuer. Mais on s’est lancé, et j’ai choisi les musiciens en publiant des annonces (sur Audiofanzine, Guitariste.com, etc.) qui renvoyaient vers le myspace. Et là, j’ai eu des réponses…

(en choeur) : « À outrance ! »

Francè : À outrance ! J’ai été super touché par ce nombre de personnes qui voulaient faire des espèces de casting. Si j’ai fait cette musique, c’est pour que des mecs rentrent chez eux, s’allument une clope, et l’écoutent en se faisant plaisir… C’est vraiment ça le délire ! Tous les milliards du monde, j’en ai rien à branler ! Mon plus grand plaisir, c’est quand j’ai un bon commentaire sur myspace : c’est indescriptible. Bref, finalement, je me refusais de faire un casting, et j’ai choisi les musiciens en fonction du feeling qu’on avait par téléphone.

Et vous habitiez tous sur Paris ?

Francè : Tous sur Paris ! Bon, au début, le batteur, ce n’était pas Laurent. Avec Laurent, l’histoire est magnifique ! Presque une histoire de destinée, tu vois ?

Laurent : En fait, avec Francè, on s’est rencontré quand on était très jeunes, parce qu’on était en CM2 ensemble à Bastia. J’ai deux souvenirs. Le tout premier, c’est Francè qui me dit (sûrement à la récré) : « t’écoutes quoi comme musique ? » Et je lui avais dit « Supertramp ! », parce que j’écoutais ça, vite fait, chez ma cousine. J’étais super content de pouvoir dire à quelqu’un que j’écoutais Supertramp. Et il m’a dit « bahh, c’est nul ! » (un peu comme il est encore maintenant, vous voyez ?).

Francè : Ah non, ça c’est faux ! Supertramp c’est exceptionnel, j’ai pas pu te dire que c’était nul.

Laurent : Non, tu m’as dit : « c’est nul ! Écoute Queen ! » Et ça m’a fait toute mon éducation musicale. Après, j’étais à fond sur Queen jusqu’en Terminale. (rires)

Francè : À l’époque j’étais dans Queen II.

La face blanche ou la face noire ?

Francè : Ah, il y a la face Brian May et la face Freddie Mercury ! Moi, c’était les deux. Et Laurent déteste cet album, je ne comprends pas.

Laurent : Queen II ? Ouais, pas terrible.

Ne nous battons pas !

Laurent : Ah, justement, tu fais bien de le dire, parce que le deuxième souvenir, c’est de m’être battu dans la rue avec Francè, jusqu’à ce qu’on soit séparé par des petites vieilles.

Vous vous êtes battus à propos de Queen II ?

Laurent : (rires) Non, non, c’était à propos de je ne sais pas quoi, une connerie de gamins. Et puis ensuite, on ne s’est plus vu…

Francè : … jusqu’au 1er ou au 2 janvier 2009, dans un Orlybus.

Laurent : On se voit là, par hasard, et il me fait : « Laurent ! Tu joues encore de la musique ? »

Francè : Je ne veux pas lui jeter des fleurs, mais Laurent était l’un des meilleurs batteurs de Bastia, il a fait le conservatoire, une formation jazz. C’est quelqu’un qui est hyper costaud. Et moi, ce petit merdeux, j’arrivais comme ça…

Laurent : Autant dire que c’est pas comme ça que je l’ai vécu !

Francè : Il me dit : « moi, je ne fais plus de jazz, j’essaie de monter un groupe à la Mars Volta. » Je lui dis : « terrible ! Moi, j’essaie de monter un groupe, j’ai des compos. En fait, je double mes batteries, j’ai des batteries électro, je voudrais quand même garder ce côté moderne, électro… Qu’est-ce que tu ferais à ma place ? » Et il me dit : « non, ne prends pas de batteur ! »

(rires)

Francè : Je ne l’écoute pas, je prends un autre batteur (par annonce). Un type super cool. Bon, on travaille énormément avec le groupe. On ne se prend pas au sérieux, on sait d’où on vient, on sait qui on est, et on sait qu’il nous reste énormément de route à faire. Mais on demande un investissement assez fort. Le batteur était très bon, mais il y avait des choses qu’il ne maîtrisait pas techniquement. On est un groupe communiste, mais tendance Staline : en fait je dirige tout !

(rires)

en choeur : C’est exactement ça !

Francè : Donc on a discuté entre nous ! (rires) Et j’ai dit : « les gars, je pense qu’il faudrait parler à Alex, notre batteur, lui dire qu’il lui faudrait bosser davantage… » Et quand on l’a fait, il nous a dit : « les mecs, je vous le dit cash, je NE vais pas pouvoir faire ça. Je ressens moi aussi qu’il y a un manque de technique… Prenez un autre batteur ! » À la fois, c’était très cool comme réaction, et en même temps, ça nous faisait un peu chier de nous retrouver sans batteur : on avait un concert deux semaines après ! Donc je poste une annonce sur Audiofanzine. Et là, de l’autre côté, tu imagines Laurent, à trois heures du matin en slip devant son ordi…

(rires)

Laurent : À l’époque où Francè a posté l’annonce, j’étais vraiment en lose parce que je venais de quitter un groupe de jazz, et je n’avais plus rien. Je me suis dit : « il faut absolument que je fasse le grand tournant, que je refasse du rock ! » Et j’ai écouté, comme ça, plusieurs groupes sur Audiofanzine. J’ai répondu à quelques annonces… Et puis là, je tombe sur la musique de Studio Paradise, et je me fais : « hey, c’est bien ! »

Mais tu ne savais pas que c’était Francè qui était derrière Studio Paradise ?

Laurent : Non, pas du tout ! Donc voilà, je réponds à l’annonce. Et là où tu n’as pas tort, Francè, c’est que quand tu m’as appelé un quart d’heure après…

Tu étais en slip ?

Laurent : Non, j’étais à poil ! Je rentrais tout juste dans ma douche. Je reçois un appel et j’entends « Laurent !? »

Francè : C’est-à-dire que dans sa réponse à l’annonce, Laurent me suggérait d’écouter son ancien groupe de jazz, et le nom du groupe me disait quelque chose. J’ai fini par me dire : « mais ce ne serait pas Laurent ? » Donc j’appelle le numéro, et j’entends effectivement la voix de Laurent !

Laurent : Le plus étrange, c’est que j’en étais resté à cette discussion bizarre dans l’Orlybus, pendant laquelle j’avais conseillé à Francè de ne pas prendre de batteur ! Et voilà comment je suis arrivé dans le groupe !

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