L’Objet


Ce qui a été écrit sur Plank dans la presse en appelle souvent à des comparaisons, notamment Can, Cluster ou encore Kraftwerk (pour parler de ce qui est labellisé «krautrock»), mais aussi Sonic Youth, Tortoise, Boards of Canada (sous une autre étiquette, celle du «post-rock»). Avez-vous trouvé ces parallèles justes ? Vous y êtes-vous retrouvés ?

Julien : On est tombé sur le titre « Plank » pour notre album en cherchant des traductions de mots évoquant un plateau… Le mot « Plank » (planche, plateau… en anglais ou néerlandais) nous plaisait et coïncidait avec le nom d’un grand producteur de krautrock des années 70. Mais on ne pensait pas que ce titre servirait à ce point de référence aux chroniqueurs. On aime le rock allemand, mais il me semble qu’il y a bien d’autres éléments dans notre musique. Pour ma part, au moment de mixer, à lépoque, je pensais curieusement davantage à des groupes comme Hood, Deerhunter ou Animal Collective… Apparemment ça ne se ressent pas. En tout cas, on n’avait pas l’intention délibérée de refaire du Can ou du Neu!. Sauf peut-être sur « Herbie part 2 ». Tortoise, Sonic Youth et Boards Of Canada sont aussi des influences, même si plus éloignées maintenant. Donc oui pourquoi pas. Ce qui nous étonne le plus c’est parfois la comparaison avec Battles. On n’a pas du tout leur virtuosité et on aborde la musique de façon beaucoup moins musclée. (rires)

Arnaud : Je me permets juste de remettre la réalisation de Plank dans son contexte car j’y vois un lien avec la question. Le point de départ de cet album a été, justement, le départ de notre précédent bassiste, Antoine Harpagès. Sans groupe (« un seul être vous manque et tout est dépeuplé »), Julien et moi souhaitions aborder la création de nouveaux titres autrement qu’auparavant. On s’est donc mis à procéder simplement en cherchant des lignes mélodiques et des rythmes, qu’on enregistrait dans la foulée avec les 3 micros dont nous disposions. Je m’amusais à jouer du synthé (ce que je ne faisais pas jusqu’alors dans L’objet), Julien s’est mis à faire des propositions vocales, on essayait toute sorte de pédales d’effets qu’on nous prêtait. Julien mixait les premières versions le soir chez lui. On reprenait tout ça en ajoutant d’autres éléments rythmiques, des guitares avec du délai, des nappes de voix supplémentaires, etc. Le fait de faire ce disque sans passer par la case studio nous a permis de faire pas mal d’expérimentations, qui ont rendu le processus assez ludique. Je dis tout ça car je pense que la forme duo, favorisée par le face à face et l’échange frontal d’idées, nous a permis plus facilement ce genre de choses. Donc, pour en revenir à la question : oui, c’est vrai qu’un certain nombre de groupes allemands ou américains nous ont sans doute influencés et ce sont justement souvent des duos : Cluster, Neu! ou Kraftwerk (des débuts) pour le krautrock et probablement surtout Gastr del Sol pour ce qui est du post rock. En fait, j’imagine chez eux un modus operandi un peu similaire au notre mais je me trompe peut-être. Je pourrais aussi citer David Byrne et Brian Eno, ou Silver Apples. Mais bon, si l’auditeur tend bien l’oreille il entendra peut-être qu’on aime aussi bien The Cure que Smog. On reste dans des influences issues du rock avec la toute la diversité qui le caractérise.

Pourquoi avez-vous préféré le support vinyle ?

Julien : Après avoir réalisé des enregistrements pendant un an et demi, on a sélectionné six morceaux qui formaient un tout relativement cohérent mais qu’on imaginait aussi coupé en deux parties. Donc l’idée des deux faces d’un vinyle nous a paru logique. Et puis aujourd’hui, avec la diffusion du mp3, quitte à faire une sortie physique, autant faire un vinyle qui est le support le plus éloigné du mp3…

Arnaud : C’est vrai, et en prime quand on sort un vinyle on peut aussi y inclure un coupon de téléchargement du disque au format numérique. Ce que nous avons fait car on peut être à la fois attaché au disque-objet et aimer tout de même avoir la possibilité d’écouter la musique de manière plus nomade.

Votre formation a évolué, Xavier de Oui Mais Non vous a rejoint. Comment vous êtes-vous rencontré, comment avez vous envisagé son intégration au projet ?

Julien : Après avoir sorti ce nouvel album en duo – notre précédent bassiste n’étant donc plus disponible – on s’est dit qu’il serait peut-être bon de refaire quelques lives. Mais il était presque impossible de rejouer ce qu’on avait enregistré en multipistes à deux. On a fait appel à Xavier à la basse pour adapter les morceaux de Plank.

Xavier : Un premier contact s’était fait à Reims en 2007 lors d’un concert commun L’Objet/Oui Mais Non. Par la suite on s’est souvent croisés à des concerts ; l’idée est venue de jouer ensemble puisque Antoine était parti, et très vite on a adapté Plank pour le live.

Julien : Pour apprendre à mieux se connaître, en fait, on a commencé par composer l’ébauche d’un nouveau morceau qu’on a enregistré en studio pour une compilation qui sortira en juin normalement. Ensuite, on s’est mis au travail pour adapter tous les morceaux de Plank, qui sonnent assez différemment en live.

Certes Plank est sorti il y a relativement peu de temps. Mais à tout hasard, auriez-vous déjà d’autres projets ?

Julien : On a quelques titres de côté que l’on n’a pas encore enregistrés. On aimerait le faire… Tout est encore indécis mais je commence à avoir envie d’un nouveau disque…

Arnaud : Moi aussi j’ai envie de me relancer dans la réalisation d’un album. Mais pour l’heure nous travaillons sur un ciné-concert de Phase IV, un film fantastique de Saul Bass. C’est une commande d’une salle de Villeneuve d’Ascq, la Ferme d’en Haut. On vient tout juste de commencer la création et c’est assez stimulant. On connait ce genre d’exercice puisqu’on s’y était déjà collé par le passé. Nous travaillons donc en priorité là-dessus et l’album viendra après.

Interview par Nicolas Fait, par écrit


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