MileStone


Votre première répét’ dans la configuration actuelle ?

Philippe : On jouait avec un autre guitariste, avec qui ça collait… plus ou moins bien. Pierre est venu pendant qu’on testait cet autre guitariste, on a joué avec lui, et ça a tout de suite marché. Ça a été une révélation ! Du coup ça a été un peu dur pour l’autre (rires).

Matthieu : On a su que ça marchait.

Vous jouiez quoi ? La musique du groupe ?

Philippe : Oui, on n’a pas de chanson test, pas de reprise. On fait pas genre « tu sais jouer Smell Like Teen Spirit ? » (rires)

Pierre : Très tôt quand on s’est rencontré, cet été, on a fait une résidence. C’était le point de départ. Quand je suis arrivé, on habitait tous ensemble. On s’est dit : on va faire de nouveaux morceaux et les enregistrer. C’était un truc neuf : Mathieu et moi, on pouvait participer à la création. Ca s’est vraiment super bien passé.

Philippe : Oui, et c’est à travers ce genre de truc que tu vois si ça colle réellement. Tu peux reprendre des morceaux déjà écrits : ça permet de voir si le mec a un son qui est présent, un touché, un truc qui te plaît… Mais le mieux c’est encore de créer ensemble. Pour nous, ça a été le vrai test.

Pierre : On a senti une énergie, un truc positif.

Philippe : On s’est retrouvé le premier soir à refaire le monde autour d’une bouteille de vin blanc…

Pierre : Du coup il y avait à la fois un coté créatif et un côté humain fort.

Premier morceau du groupe ?

Philippe : C’est un morceau du premier EP, qui est sur notre myspace. Ca s’appelle « Preacher’s Run ». Aujourd’hui c’est une balade plutôt folk, mais à l’origine c’était un gros truc groove !

(Léonce et Philippe se mettent à imiter une instru de groove)

(rires)

Philippe : Immonde !

Premier morceau avec Matthieu et Pierre ?

Philippe : C’est un nouveau morceau qu’on va sortir dans un nouvel EP, qu’on envoie au pressage dans 10 jours. On le jouera à l’International le 17 décembre ! C’est un peu différent en termes de couleur musicale. C’est un peu moins rock, un peu plus fin, et du coup plus personnel au niveau du son. On est vachement content d’arriver à faire cette musique qui nous ressemble plus.

Pierre : On est un peu plus détaché de nos influences — du moins, on espère l’être.

Premier studio à quatre ?

Philippe : C’était cet été, au mois d’août, ici à Versailles. Comme à côté, je suis réalisateur et arrangeur pour des groupes, je bosse dans des studios ou avec des maisons de disque, et notamment avec une qui se trouve à Versailles. Ca me permet d’utiliser le studio pour le groupe. Donc on vient y répéter et y enregistrer. J’étais parti habiter à Paris, mais je suis revenu à Versailles pour me rapprocher de ce studio. Maintenant, c’est vraiment notre QG. On y a tout notre matos, ça ne nous coûte rien. En échange, on rend des services à cette maison de disques, on enregistre pour eux. C’est un entraînement pour nous : on joue sur d’autres albums, des choses qui n’ont rien à voir. On vient de terminer un album de gospel ! Voilà, ce sont des exercices de style pour nous… Pouvoir utiliser le studio sans se ruiner, c’est un super atout ! Ça nous permet d’avancer à notre rythme. Ca a le désavantage de ne pas nous mettre le feu aux fesses, mais c’est génial.

Léonce : Parfois on travaille lentement. Mais oui, on apprend beaucoup.

Philippe : On prend une habitude quasi quotidienne d’enregistrer, donc il n’y a pas le stress du bouton rouge : « c’est quoi mon son ?! tu veux quoi ?! ». C’est souvent le défaut des jeunes artistes : ils sont prêts à foutre en l’air toutes leurs habitudes, tous les repères qu’ils ont au moment de l’enregistrement parce qu’ils ont confiance en l’équipe technique. Ils sont prêts à changer de son de guitare, voire carrément à changer de guitare, d’ampli… Du coup ils ne sont plus du tout à l’aise et ils ne se retrouvent pas dans ce qu’ils enregistrent. Nous, on a l’avantage de pouvoir tout laisser en place. On répète, on répète, et au bout du dixième jour le morceau est bien, donc on ne touche à rien, on colle juste trois micros et voilà. On prend le temps qu’il faut.

MILESTONE02_LD« Il n’y a pas le stress du bouton rouge « 

Vous produisez tous les quatre ?

Philippe : Oui, voilà. Pierre n’était pas encore présent sur les projets précédents, mais ça va venir !

Vous répétez tous les jours ?

Pierre : En ce moment oui, tous les jours. On doit boucler l’EP.

Philippe : On avait une date à Nantes il y a une dizaine de jours. Comme l’équipe est récente il a fallu bûcher pour mettre en place un set. Maintenant on doit boucler un EP et donc on se voit presque tous les jours.

Justement, ce premier concert à quatre ?

Philippe : C’était au Ferrailleur à Nantes. Super salle, d’ailleurs.

Ca s’est bien passé ?

(en choeur) : Ouais, ça s’est très bien passé.

Matthieu : Très bon accueil. On était hyper content de jouer avec Pierre. Tous les quatre, c’était fusionnel sur la scène. Pourtant avec le son, c’était super dur, parce qu’on a eu une balance très rapide ; il y a certains réglages qu’on n’a pas eu le temps de faire… Mais en fin de compte on était tellement content de jouer ensemble qu’on a oublié ces petites choses pas très confortables. On a tracé, on a fait le truc et c’était hyper chouette.

Philippe : On commence à utiliser des machines sur scène, des ordi, des boîtes à rythme… C’est assez frais pour nous, et pour l’ingé son c’est un peu relou.

Pierre : On était en première partie d’un groupe australien qui s’appelle Blackchords. Ils nous avaient invités via myspace à faire plusieurs dates avec eux. C’était vachement sympa.

Philippe : Au delà du concert, toute cette petite aventure était sympa : partir sur les routes, rencontrer ce groupe… C’était une belle histoire.

C’était votre premier concert en province ?

Philippe : Non, on était allé jouer à Nogent-le-Rotrou, à Rouannes… À la Cigale de Nyons… On y mange très bien !

Quelle place a le live au sein du groupe ? Le but de l’écriture est de pouvoir jouer les morceaux sur scène ?

Philippe : Disques et live, c’est 50/50. Il n’y a pas un apsect qui prime sur l’autre. Par rapport à un concert, je trouve que c’est au moins aussi excitant d’enregistrer des morceaux et de les mettre sur un disque. Pour avoir l’objet , un truc fini. C’est super satisfaisant d’arriver à pousser un truc jusqu’au bout et — parfois — d’en être super content…

Pierre : Avec le côté artisanal…

Philippe : Et le live c’est pareil. Arriver avec ses potes, monter sur scène et envoyer ton truc…

Pierre : Ce sont deux types de plaisir différents, et qui se complètent bien.

On va prendre un des morceaux de votre nouvel EP, « Find the Place ». Est-ce que vous pouvez me raconter la genèse de ce morceau, de son élaboration jusqu’à sa finalisation en CD et sur scène ?

Philippe : « Find the Place » est assez représentatif. C’est assez dépouillé. Comme souvent dans le fonctionnement du groupe, je me pointe avec un truc plus ou moins embryonnaire, avec l’idée d’une voix, parfois d’un texte, d’une suite d’accords ou d’un accompagnement à la guitare. On est parti de ça. C’est quelque chose d’assez simple, avec « des accords un peu jazzy ». C’est ce que j’ai ouï dire — autrement je ne me permettrais pas de dire ça — j’étais assez fier (rires). Le morceau se décompose en deux parties : la première avec ces accords jazz, et la deuxième qui est un arpège. C’est un peu bizarre en soi : ça ne fait pas vraiment une chanson, mais plutôt deux ambiances. On l’a bossée au mois d’août. Il n’y avait quasiment rien au départ, et chacun est venu apporter quelque chose…

Léonce : C’est allé assez vite. Ça chantonnait. En fait, c’est une grille que tu avais depuis un certain temps… On était tous là pour ça. Donc on s’est mis à chercher tout de suite. Ça l’a bien fait.

Philippe : Là-dessus tu as une partie basse/batterie qui part, assez smooth, un peu brush, avec une basse assez lourde, assez pleine.

Pierre : À ce moment là on avait trois guitares. Le but, c’était de trouver des arpèges qui s’imbriquaient pour créer un truc un peu mouvant.

Matthieu : Pour les deux premières guitares, ça a été assez vite. Pour la troisième il fallait trouver la note qui manquait dans les deux autres. On cherchait à mettre en place cette espèce de broderie…

Philippe : On aime bien faire des trucs un peu mélangés, de façon faussement hasardeuse. Une guitare apparaît, puis l’autre, et tu ne sais plus vraiment qui fait quoi. Et c’est comme une espèce de broderie musicale, avec des sons de guitare qui sont relativement similaires. Ca fait plusieurs plans en mouvement.

Pierre : Ça donne un aspect accidentel, alors que ça ne l’est pas du tout.

MILESTONE04_LD« Ça chantonnait »

Et après tout ça, le morceau n’a plus grand chose avec l’idée de départ ?

Philippe : Si, justement ! C’est ça qui est bien. L’idée de départ est là et a toujours été là. Le reste s’est juste imbriqué autour. On est très content de ça. On n’a pas forcé le morceau. On n’a pas voulu le passer dans dix milles machines, dix milles effets, le découper, et puis faire « OK, maintenant ça claque ! Y’a un gros beat, y’a un gros slap ! » (rires)

Pierre : Justement, tu arrives sur scène, tu n’as plus cette machinerie, et tu peux toujours jouer le titre.

Philippe : Il reste le caractère dépouillé, et ça fonctionne. Ça, c’est une vraie satisfaction ! C’est toujours facile de réussir des trucs quand tu les passes dans un ordinateur et que tu les bidouilles. Tu peux toujours rafistoler, et tricher un peu.

Pierre : Finalement, ce qu’on a rajouté, on le joue en live.

Philippe : Il n’y a aucun edit. C’est-à-dire que tout ce qui est dans le morceau est joué naturellement, sans retouche. C’était un peu l’idée de départ. On ne triche pas avec l’ordinateur. On se contente de poser des micros, d’enregistrer… Mais pas de bidouille. Il y a aussi un nouvel intervenant… Léonce a trouvé un instrument rigolo sur Internet. C’est un Américain qui découpe des hauts de bonbonnes de gaz au chalumeau, ça fait un dôme en acier. Il découpe de petites oreilles dedans, et ça fait un steal drum. Ça fait partie des trucs qu’on a ramenés sur scène. Parfois c’est un peu chiant pour les ingés sons, parce qu’on commence à avoir des instruments particuliers pour chaque morceau. Une fois c’est un glockenspiel, une autre fois un synthé, une autre encore un gamelan…

MILESTONE11_LD« Pas de bidouille »

Quand vous vous déplacez…

Pierre : … c’est une grosse organisation ! Penser aux câbles pour tous les instru, dire à l’ingé son tout ce qu’il faut…

Philippe : Et on n’est pas encore tout à fait au point ! (rires)

Donc « Find The Place » sur scène, ça ressemble assez à ce à quoi vous aviez pensé au début ?

Léonce : Totalement ! C’est important pour nous de faire en sorte que ce qu’on joue sur scène ressemble à ce qui a été enregistré.

Philippe : Si tu veux, avant on faisait beaucoup de morceaux sur ordinateur. Du coup, on arrivait à des résultats sympas… par tous les moyens. On ajoutait plein de guitares, on ajoutait plein de trucs partout pour obtenir un son intéressant. Après on s’est aperçu que quand on passait en live, on n’avait plus cette densité… Dans ce cas là, c’est une prise de tête impossible ! Tu ne peux pas retrouver ce résultat. Tu te prends le chou comme un ouf ! Maintenant on est dans un autre délire : on met en place les morceaux en répétition, et on ne va pas chercher autre chose. C’est-à-dire qu’on enregistre uniquement ce qu’on est capable de jouer dans une pièce tous ensemble à un moment donné. Ça présente le super avantage d’être très facilement convertible en version live.

Pierre : Oui, même si ça implique de changer d’instrument, d’y revenir ensuite…

Sur scène vous changez d’instruments ?

Philippe : Chacun a ses postes, chacun a son instrument principal, celui qu’on ne se refile pas. C’est à dire : Matthieu est à la batterie, personne d’autre ne joue de la batterie, Léonce à la basse, personne d’autre ne joue de la basse, et personne d’autre que les guitaristes ne joue de la guitare. Par contre, on est tous amené à s’occuper du reste : les claviers, les percus, les boîtes à rythme, les programmations. Là, c’est en fonction de qui a une main libre !

Matthieu : On optimise les ressources ! (rires)

Philippe : Du coup, sur ces autres instruments, on fait des partitions assez simples. Sur les synthés par exemple, ce sont souvent juste des nappes, des effets. Pour les percussions, c’est juste quelques petites notes sur un glockenspiel, qui restent à la portée de chacun de nous…

Pages : 1 2 3 4

</