Fiodor Dream Dog (partie 2)


Tu es aussi derrière les images qui entourent ta musique? La pochette d’album, les clips… c’est important pour toi?

Je ne peux pas dire si c’est important, parce que je vais vraiment passer pour une control-freak totale : « je ne supporte pas de faire faire les choses par quelqu’un d’autre ! » Non, ce n’est pas vraiment le cas, en fait je ne demande que ça. Mais j’ai l’impression qu’en général, dans la vie, je suis toujours mue par une envie soudaine, irrépressible et impatiente de faire les choses . En l’occurrence, pour la pochette, j’ai fait un collage de montagnes, avec un paysage qui s’essouffle derrière. Je ne sais pas… j’avais envie de ces couleurs éteintes. Et je suis tout simplement allée au BHV chercher des papiers de couleur, et il a fallu immédiatement que je les colle en forme de montagnes. Mais au départ je ne me suis pas dit que j’allais faire une pochette d’album. J’avais envie de faire ça, et après je me suis dit : « Mon Dieu,  mais c’est magnifique ! Quelle image fantastique ! Vraiment, je n’ai jamais rien vu d’aussi beau ! » Alors, tu vois, dans ce cadre-là…

FIODOR13_DH« Mue par une envie soudaine, irrépressible et impatiente »

Les clips, c’est toi qui les écris ?

Je ne peux pas dire que j’écrive, il faut dire la vérité…

… qui réalise ?

C’est aussi un mot un peu fort ! J’ai réalisé une fois un truc digne de ce nom, mais il se trouve que c’était un cadeau d’anniversaire. C’était un morceau de PJ Harvey. Je l’ai offert à quelqu’un que j’aimais. Mais si je ne l’avais pas offert à quelqu’un, je n’aurais jamais chanté ça, bien sûr. Par contre j’aime bien ce clip, c’est une vraie réalisation. Il y a un scénario, j’ai écrit un truc, et on a filmé, vraiment.


Les autres choses, pour dire la vérité, c’est filmé avec mon iPhone, monté avec iMovie, et donc pas vraiment « réalisé » ! C’est comme tout un chacun fait : une succession d’image, une succession qui me paraît judicieuse sur le moment.

Il y a quand même le clip de « Mickey Mouse T-shirt », un morceau de mon premier disque, qui est une succession de dessins que j’ai faits sur mon iphone, que j’ai déconstruits et reconstruits avec la fonction re-do (ça m’a pris des plombes) et filmé avec la caméra de mon ordinateur. On voit d’ailleurs mon doigt qui re-doles dessins. Ça, voilà. Mais les autres, pfff…

Donc tu n’as pas envie de faire des clips pour les chansons de ton album, comme tu l’as fait par exemple avec celui de « To Bring You My Love » ?

Euh… si. Mais en fait… Non. (rires)

En ce moment, j’en suis venue à cette conclusion que, pour moi, un clip, c’est rien. Je me suis dit : « tiens, mais est-ce qu’il y a des clips que j’aime ? Les miens y compris ? » Non. Ça ne m’arrive jamais d’être émue par un clip. Et je trouve qu’un clip, c’est une espèce de passage obligé, vaguement vendeur, on ne peut pas faire sans, chacun doit faire son clip. Tu as une musique, tu dois mettre des images dessus, et déjà ça, je trouve ça aberrant. J’ai jamais autant de plaisir à écouter une chanson que quand il n’y a pas d’images qui défilent devant mes yeux pour me dire ce qu’il faut que je pense à ce moment là. Donc en fait, je ne vois pas du tout l’intérêt d’un clip, je n’aime pas le principe. Je préfère l’inverse. Faire un film sur lequel on mettrait de la musique. Donc c’est à ça que je réfléchis en ce moment.

Je vais faire plusieurs clips, je pense, avec une réalisatrice super, qui s’appelle Blandine Lenoir, qui est une nana fantastique dont il faut voir les films, qui m’a proposé qu’on travaille ensemble. Je ne te dis pas de quoi il s’agit, mais on va faire un clip de facture assez simple, plutôt amusante. Par contre, ensuite, on va partir sur un autre postulat : je lui ai suggéré de faire un clip qui soit un genre de court-métrage, pas beaucoup plus long que la chanson, mais où la chanson serait secondaire. Je préfèrerai qu’on ait une entrée en matière filmique, une petite narration, même très simple, et que la musique arrive par la suite. En second plan.

C’est un réel amusement que j’ai à faire mes petits machins sur iMovie. Mais c’est un peu bidon ! C’est rigolo à faire, et peut-être un peu rigolo à regarder, mais ça n’a aucune vocation artistique. Il y a des maisons de disques qui dépensent quand même des millions d’euros pour que leur poulain fasse un clip, dont on n’a rien à foutre, parce que si un groupe a une bonne chanson, on n’en a pas besoin. Dans ce cas-là, autant faire un film. C’est un format dont je ne comprends pas l’intérêt artistique.

On te présente tout de même comme une touche-à-tout : musique, image… tu as aussi participé à des projets de danse. Est-ce qu’il y a d’autres médias qui te démangent en ce moment, de nouveaux territoires à conquérir ?

La danse, je ne l’ai pas utilisée, c’est l’inverse qui s’est passé. J’ai tourné, je pense, en tout quatre ans avec deux compagnies de danse. La principale étant la compagnie de Thierry Thieû Niang, qui co-met en scène, maintenant, les pièces de Patrice Chéreau. Ce mec a un parcours très atypique. Il est rentré dans le monde du travail en tant qu’instituteur et, très tardivement, à la trentaine, en allant voir un spectacle de danse contemporaine, il a été saisi, il est allé voir le chorégraphe et lui a dit : «  Si tu m’apprends à danser, je laisse tout tomber. » Et l’autre a dit : « très bien». C’est quelqu’un qui, en plus d’être un très bon danseur, a la faculté de fédérer. Travailler avec lui, en plus de l’intérêt porté à la danse, ça a toujours été de belles rencontres, de belles équipes. Moi, il n’y a rien qui me touche plus que la danse contemporaine. Dans ma prochaine vie, j’essaierai d’être plus souple, et moins encombrée physiquement, pour être danseuse !

Par contre, j’ai envie de faire un film, peut-être où figure une musique, histoire de mettre à jour mon ego surdimensionné, et j’ai envie de demander à ce Thierry d’écrire une chorégraphie, pour lui, pour Clara Cornil, qui est une danseuse exceptionnelle avec qui j’ai eu la chance de bosser, et pour moi, qui ne suis pas danseuse.

Tu veux nous glisser un petit mot sur les innombrables autres projets auxquels tu collabores?

À ce jour, ils ne sont pas innombrables puisque, par manque de temps, et resserrage naturel des intérêts, je ne travaille pas avec beaucoup de monde. Bien entendu, je garde à mes côtés Bertrand Belin, qui en plus d’être un ami cher, est le musicien le plus fantastique qu’il m’ait été donné de rencontrer. Donc évidemment, je continuerai à travailler avec lui tant qu’il le voudra bien. Avec lui, il se produit chaque soir où on joue au moins trente évènements inattendus. Donc, rien que pour ça, déjà je le remercie.

Ensuite, je continue de travailler avec un mec qui s’appelle Theo Hakola, un américain d’une cinquantaine d’années qui est aussi écrivain (il vient de sortir son quatrième roman). C’est un peu une figure mythique d’un certain rock américain. Il a eu plusieurs groupes avant de tourner sous son nom, Orchestre Rouge, Passion Fodder, qui gravitait un peu dans les mêmes groupuscules que Nick Cave, etc. C’est un espèce d’homme chic très, très engagé politiquement, qui fait des textes de chansons fleuves, extrêmement érudits et politiques, avec de grandes chansons qu’on joue fort, vite, et longtemps. C’est un personnage singulier, très drôle, que je suis vraiment contente de côtoyer.

Et puis, en ce moment, je ne sais pas où on ira, mais je collabore un peu avec The Aïkiu, qui va sortir son premier album bientôt. Comment qualifier ça ? C’est un genre de pop, entre rockab’ et new wave, avec un chanteur assez charismatique… Une belle équipe.

Voilà.

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