A.P. Witomski


Je me suis lancé en solo il y a deux ans maintenant. Auparavant j’ai joué dans des groupes, mais je préfère être indépendant dans la création. Comme je joue de plusieurs instruments, ça me plait de me mettre dans des rôles différents et orchestrer tout ça. Le mauvais côté, c’est quand je tourne, il faut que je porte mon matériel, ma guitare, mon clavier et tout ça c’est lourd pour une seule personne !

Comment as-tu concilié la scène avec le fait de jouer en solo ?

Aujourd’hui, la technologie permet d’embarquer beaucoup d’éléments du studio dans un minimum de place sur scène. Je prépare mes samples en amont, j’ai mon laptop et j’ai aussi beaucoup simplifié mes morceaux pour le live.

Tu es satisfait des concerts que tu as donnés cet été ?

Les concerts étaient sympas mais je dois encore beaucoup travailler pour progresser sur scène. Je prépare justement un nouveau set assez différent que j’ai vraiment hâte de jouer prochainement [le 5 octobre à l’International !, ndlr]

Pourrais-tu retracer la genèse d’un de tes morceaux ?

Si tu écoutes le morceau « Pandoraski » et que tu compares avec mes productions précédentes, ça sonne vraiment différent. Je cherchais une nouvelle production, plus épurée, mettre davantage ma voix en avant, utiliser des textures synthétiques. La ligne mélodique est venue rapidement, puis la rythmique et comme j’aime toujours conserver une dimension organique dans mes chansons, j’ai ajouté cette ligne de guitare qui donne cette sonorité un peu exotique. Sur scène, j’accentue encore la dimension électronique du morceau, je joue avec le son et les harmonies vocales.

Est-ce que tu te sens appartenir à une scène musicale ? As-tu des affinités particulières avec d’autres musiciens qui évoluent dans le même genre musical que toi ?

Pas vraiment… Je pense que c’est un des problèmes pour arriver à faire connaitre ma musique. Je ne crois pas faire partie d’un genre pré-existant avec des groupes dont je pourrais me revendiquer.

Tu es suivi par un certain nombre de blogs et de magazines… Est-ce que tu t’es forgé ta culture musicale en lisant la presse musicale ?

Ma culture musicale s’est surtout forgée à travers mon éducation familiale et mes rencontres. Je consulte aussi beaucoup le web, mais je lis parfois des magazines comme Magic, ou alors Q ou Clash quand je voyage à l’étranger.

En général, ce que tu lis à ton sujet, est-ce que ça te semble juste ?

Mis à part mon nom écorché de temps à autre, je n’ai pas à me plaindre !

Est-ce que, comme la plupart des passionnés de musique qui disposent d’un modem 56k ou mieux, d’une connexion ADSL, tu es à la poursuite effrénée de la nouveauté ? Et… est ce que cette course te fatigue ?

Disons que je me tiens au courant régulièrement et que j’aime découvrir de nouvelles choses. Ca me donne aussi de l’inspiration. Mais pour répondre à ta question, j’ai envie de citer cet extrait d’interview de Will Sheff d’Okkervil River, que j’ai lu récemment : « A music fan that doesn’t have it in them to find new music anymore is like absolute death to me. What are you even doing being alive if you’re not trying to constantly grow ? »

Que penses-tu de la façon dont évolue la musique électronique ?

C’est une question difficile, d’autant plus que la musique électronique s’est complètement décloisonnée, elle touche beaucoup de styles, il y a tellement de courants. J’aime bien ce qui sort chez Kompakt et Bpitchcontrol ou encore ce que fait Trentemoller. Une chose est sûre, l’avenir de la musique réside pour moi dans le métissage des styles, le croisement des instruments. Et la musique électronique est un réservoir gigantesque dans lequel puiser ses idées.

On a noté que tu avais des références plus anciennes… Alors, s’il fallait choisir : Depeche Mode ou The Cure ?

Joker !

La plupart des artistes pop ont un jour renoncé à être de grands « techniciens »… Et toi, as-tu jamais rêvé d’être un instrumentiste virtuose ?

Jamais ! J’ai fait beaucoup de piano classique quand j’étais enfant, et la recherche de virtuosité m’a toujours ennuyée. Et pour être honnête, je n’ai jamais eu le niveau pour. Par contre, les bases techniques et harmoniques que j’ai apprises me servent beaucoup pour composer aujourd’hui. Je tiens beaucoup à la dimension pop de ma musique, qu’elle soit élaborée, mais qu’elle puisse être comprise par le plus grand nombre.

Si l’artiste est un chercheur… sur quoi portent tes recherches ?

Je ne cherche pas, je trouve !

Quel était le sujet de ta thèse ?

Honnêtement, je ne pense pas que mon sujet de thèse intéresse beaucoup de monde… Mais je peux raconter une petite anecdote à ce propos : j’ai participé à développer une technologie laser qui avait pour acronyme LOFI (Laser Optical Feedback Imaging) : je ne suis pas particulièrement friand du style lo-fi mais je trouve ce petit clin d’oeil plutôt cool, pas vous ?

D’après Brian May (le seul musicien dont je sache qu’il est, comme toi, docteur en physique — en l’occurrence en astrophysique), il y a une certaine proximité entre la musique et la science, une sorte de mystère commun aux deux disciplines. Est-ce que tu abordes, comme lui, la musique en suivant une démarche quasi-scientifique ?

Non, j’ai une approche bien plus spontanée. J’essaye juste d’écrire de bonnes chansons. Je ne me sens pas trop concerné par ce parallèle qu’on pourrait faire entre créativité scientifique et artistique. Pour moi, la musique a cet aspect universel, qui s’adresse aux émotions, hors d’une certaine rationalité. J’ai au contraire plutôt tendance à essayer de me poser moins de questions, fonctionner davantage à l’instinct.

En dehors de la musique, qu’est-ce qui te passionne ?

La passion des gens que je rencontre.

Interview par Nicolas Fait et Nico Calibre


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