BROADCAST & THE FOCUS GROUP / Investigate Witch Cults of the Radio Age (2010)


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J’imagine que ce n’est une découverte pour personne et même que ce groupe s’impose petit à petit comme la référence la plus importante dans le cercle des mélomanes fous de pop, de folk pastorale ou de musique concrète, de notre décennie. Et qu’un papier de plus ou de moins sur eux ne fera pas sortir leur prochain disque plus vite. Mais pour moi, il s’agit tout bonnement de mon groupe préféré. Et je suis si heureux de pouvoir dire spontanément qu’il y a un groupe que je place au-dessus de tous les autres, même des Beatles. Que ce groupe me soit contemporain me ravit d’autant plus que je suis sûr que le meilleur est à venir. [Cette chronique a été écrite peu de temps avant la mort de la chanteuse Trish Keenan en janvier 2011, ndlr]

Bon je porte un amour tellement immodéré pour Broadcast qu’ils pourraient sortir des enregistrements de leurs concours de pets que je n’y trouverai rien à redire. Je ne vois cependant pas un morceau faible, pas un faux pas dans toute leur œuvre, jusque dans les moindres remixes. J’écoute obsessionnellement leurs derniers enregistrements, avec le Focus Group et le EP Mother Is The Milky Way, ces disques contiennent tellement tout ce que j’attends de la musique, des évocations fantasmagoriques du monde des rêves et de l’enfance, une narration débridée, des couleurs sonores qui renvoient aux balbutiements de la musique électronique — quand des ingénieux ingénieurs en blouse travaillaient, à l’aide de magnétophones à bandes, à faire des boucles, de l’écho, des sons et des mélodies étranges… — ou aux films pédagogiques en 16mm qu’on regardait à l’école il y a trente ou quarante ans… Il y a là-dedans une combinaison de l’humain et du supra-humain. Quelque chose de simplissime et de tellement évident, qui a à voir avec l’instinct primaire. Entre la voix de Trish Keenan, l’incarnation de l’intelligence poétique en chanson, ou ma sorcière bien-aimée, et les figures audio-visuelles démoniaques des compères James Cargill et Julian House, se profile comme une utopie folklorique. Une manière de conjurer les sorts de la condition humaine en divinisant les temps passé-présent-futur. On aurait tellement tort de ranger Broadcast dans une case « rétro », alors que ce groupe est une dimension à lui seul et que ses membres ne se contentent jamais de simplement collectionner des vignettes mais plutôt de comprendre le pourquoi du comment de la bande magnétique, de son grain, de son souffle. À mon sens, ces derniers disques sont peut-être les plus belles œuvres du Pop Art. Faits principalement d’échantillons de disques et de films bizarres, c’est tout un pan de la culture populaire anglaise qui est passée à la moulinette. Le collage s’est fait, semble-t-il, à l’instinct, ou comme si les drogues hallucinogènes avaient été maîtresses du jeu et désignaient la figure allégorique de tel élément juxtaposé et mixé avec tels autres. Dans un bordel prodigieux, féerique, s’entremêlent des bouts de rythmes cassés, des trucs à l’envers, des poèmes enregistrés au dictaphone, des hits pop de l’au-delà…

par Tom Gagnaire


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