Your Happy End


« On peut aussi faire un set acoustique. » Lorsqu’un groupe de musique amplifiée se désape de bon coeur, réjouis toi. Sauf manque inconséquent de pudeur, ils dévoileront de vraies chansons sous leurs fringues électr(on)iques. Telle cette jeune fille qui t’a montré son nombril sans prévenir et… Dieu que la surprise fut belle ! Chantant nus sur des guitares débranchées, les gars de Your Happy End te disent vraiment qui ils sont : des songwriters. Peut-être suis-je ignorant, mais le songwriting n’est pas la première chose qui me vient à l’esprit lorsqu’on me parle de trip hop. Je pense aux emprunts, aux ambiances, aux couches (justement), mais pas aux chansons.

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Your Happy End ne privilégie pas la texture musicale aux dépends du contenu verbal. Il faut par exemple écouter les quatre minutes trente de « Page 7 ». Quatre minutes trente ? À la première écoute, la chanson semble durer le double. Elle ressemble à ces récits humblement épiques que racontent les chanteurs de folk. Le tapis de trois accords est familier et les mots s’y posent relax. C’est un bon tapis folk, confortable… mais qui gratte un peu. Quant au récit, il déploie avec une clarté inhabituelle le thème qui traverse tout l’album : celui de la femme qui part ou, plus exactement, de la femme qui s’en va, qui dérive. À la verticale. L’amoureux désespéré est un nain qui lève les yeux toujours plus haut. Ce cauchemar, Aurélien Bortoluzzi et Guillaume Zolnierowski le racontent comme un doux rêve.

Voilà pour les paroles. Elles ne sont pas trop lourdement habillées. Ce qui ne revient pas à dire qu’elles manquent de chaleur. Les premiers sons de l’album, craquelant comme un vinyle antique, donnent la température. En interview, Aurélien et Guillaume parlent de cocon. Qu’importe si le mot sonne un peu marketing ; c’est bien ça. Un cocon fait de couches fines et légères, délicatement trafiquées à la main et à la machine. Les beats, par exemple, ne font pas de zèle. Your Happy End a le sens de la ponctuation, c’est-à-dire le sens de la règle et le sens de la surprise. Du coup, la justesse rythmique est irréprochable. Et puis de temps en temps, une phrase gueulée, un décrochage breakbeat, un coup de gratte crasse s’échappent. Chose curieuse pourtant : même ces grosses guitares, tendance metal, sont quasi-aériennes. Vraiment, la production est étonnante ! Et surtout, parmi les tissus du cocon, absolument rien n’est superflu. N’est-ce pas la vertu des belles fringues ?

par Nico Calibre


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