Sexual Earthquake In Kobe


Je voulais aborder avec eux le mystère eighties. Le mystère eighties, pour moi, c’est la question du revival, de la ré-évaluation. Je ne parle pas des émissions de Foucault qu’on retrouvait sur TF1, chaque vendredi, il y a une dizaine d’années. « Les cinquante plus grands tubes de tous les temps » — tous enregistrés entre 81 et 89 ! C’étaient les « Démons De Minuit », les « Trois Nuits Par Semaine », les « Sunlights Des Tropiques », et l’hymne crypto-gay « Born To Be Alive ». De la nostalgie pour quarantenaire — au mieux, une nostalgie communicative. Et puis, Émile et Images, s’agissait-il vraiment d’un retour ? La musique de variété eighties avait-elle jamais quitté la télévision ? Avait-elle jamais quitté les bacs à compiles ?

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Qu’un téléspectateur bedonnant souhaite retrouver le vieil Émile et le vieux Gilbert, fort bien. Mais qu’un post-adolescent chébran se mette à sonner eighties, c’est un autre genre de truc. Pendant la même année 2003, les Strokes sortent «12:51», les Dandy Warhols, « We Used To Be Friends », Franz Ferdinand, « Darts Of Pleasure ». En quelques mois, sans qu’on comprenne bien comment ni pourquoi, on passe du revival seventies (psyché, glam, garage) au revival eighties — même si l’instrumentation n’a pas encore changé. Par la suite reviennent boîtes à rythmes, synthétiseurs, et couleurs vives. Côté critique, on réhabilite, on réhabilite… même Depeche Mode ! Aujourd’hui, on a Ladyhawke en couverture de Magic. Le mauvais goût devient le bon goût. Et tous ceux qui ont été élevés dans la détestation des années 80 s’adaptent, autant que la musique nouvelle s’adapte à eux. Pourquoi les eighties revisitées sonnent-elles tellement mieux que les eighties authentiques ?

Cette question, je voulais la poser aux membres de Sexual Earthquake In Kobe, mais ils m’ont pris de cours. « Je pense que les gens confondent beaucoup de choses, qu’ils mélangent un peu tout. Ils entendent une mélodie simple au clavier, et ils se disent que c’est le clavier qui est ’eighties’. » Une confusion ? J’ai laissé ma question de côté.

« Dans les années 80, ils essayaient de faire des tubes assez simplement, des titres assez simples. C’est peut-être surtout dans la manière de composer qu’on se rapproche d’eux. » Le minimalisme de SEIK… est plutôt dense. La musique remplit tout l’espace, le moindre centimètre cube. Les claviers sont ici, là, et là-bas. La voix de Charly se multiplie, se diffuse, questionne, répond, gémit, pleure. Tout en même temps. Ou presque. On ne sait pas. La distorsion brouille tout, la doublette espace-temps ! Et les structures… allez les comprendre ! En dépit de la légèreté, de l’apparente trivialité (on parle de dance music), il y a des idées claires, une vraie vision. Faire des choses légères, de façon sérieuse, sans se prendre au sérieux. C’est un bon motto.

Mieux que nombre de groupes à connotation eighties, Sexual Earthquake In Kobe brouille les valeurs. Le mauvais goût ? La vulgarité ? Ils détruisent ces concepts droitiers sans même prendre la peine de s’en expliquer. Très à l’aise dans leur univers pornographique, entourés de mille paires de nichons, de mille chattes, de mille chevelures permanentées. Du revivalisme eighties, ils retiennent la meilleure intention : balayer les vieux jugements esthétiques, au risque de se les reprendre en pleine tronche.

par Nico Calibre


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