(Please) Don’t Blame Mexico


Vous rentriez d’un lieu familier. Vous aviez encore votre cravate. Qu’est ce qui vous a pris, ce soir, de prendre un détour inconnu, de vous arrêter sur cette route déserte ? Est-ce la fatigue ou bien cette chanson des Smashing Pumpkins vissée dans votre tête, qui vous a fait entendre ces notes, étranges, festives ? Vous baissez la fenêtre. La folie mélodique des Smash est soudain prise dans les vapeurs d’octobre et d’opium. Vous croyez les voir, alanguis sur leurs citrouilles, oubliant de les pulvériser, ciselant leurs contours pendant des heures, au bord de leurs pupilles dilatées. Vous coupez le courant.

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En vous approchant, vous distinguez trois musiciens. Ils disent s’appeler (Please) Don’t Blame Mexico. S’affairant à les changer en carosse, ce sont des chansons qu’ils tiennent entre les mains. Vous les interrompez dans leur recherche minutieuse : ils ne savent plus s’ils ont passé des heures ou des années à dessiner leurs lignes d’arrangements. Ils ne connaissent plus que le temps de la musique.

Ils dressent pour vous la table d’une fête parfaite : des desserts d’un autre temps, une piste de danse déserte. Ils s’installent sur scène. L’un d’eux, au piano, vous lance un clin d’oeil distingué. C’est le début d’un tourbillon : notes et voix flottent au dessus de vous, la piste est soudain pleine de danseurs sautillants. Ils dansent avec cette grâce mélancolique. Ils ont l’ivresse teintée de poussière, mais irrésistible. Ce n’est pas daté, c’est ailleurs, c’est quelque part dans un temps qui n’existe pas. Sans doute sont-ils tous passés au statut de revenants sans s’en apercevoir, au beau milieu d’une fête ou d’une répétition folle.

Vous êtes pris dans cette danse parfaite, sans pouvoir vous enlever de la tête qu’il y a quelque chose d’étrange à ces histoires lointaines de tatouages et de vengeances, d’amours abandonnées et d’ivresse philosophique. Tout est dilué, dilaté dans la brume d’Halloween.Vous vous rendez compte que le jour se lève et que la magie se dissipe. Vous avez pris goût à ces patisseries doucereuses et sophistiquées, à ce goût étrange de fête, entre l’ivresse et la mélancolie, la joie et une inquiétude diffuse. Vous regardez le temps des vivants s’approcher, rangeant les choses à leur place et sachant compter les heures. Vous tendez la main vers la pipe d’opium. Vous savez ce qui vous attend.

par Camille Hardouin


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