shadow motel
Shadow Motel par Günther Delgeniesse
« Ce ne sont pas les philosophes mais ceux qui s’adonnent au bois découpé qui constituent l’armature de la société » écrivait Aldous Huxsley. Pourtant on nous dit que « seul le détail compte » ou que le « diable se niche dans les détails ». Et on en connaît des collectionneurs et des passionnés, des maniaques… qui bâtissent patiemment leur discothèque, leur blog, qui ingurgitent goulûment la musique, les films, les séries (les livres, ça devient rare), et contrôlent jour après jour l’univers qu’ils ont mis sous cloche. Jouer au bowling, collectionner ou engouffrer de la musique, faire de la pétanque, du bois découpé ou jouer dans un groupe, il n’y a pas de différence tant que c’est fait avec la passion du détail. Car le bois découpé, houlà, il y en a des tas de sortes, au moins autant qu’il y a de niches dans le rock indé. Si Shadow Motel est un groupe qu’on arrive pas à ranger à la niche, c’est peut-être qu’ils n’envisagent pas leur musique comme un simple hobby. Comme hobby, il y a la peinture aussi. Ça permet de bien s’attarder sur les détails : les oiseaux, les meules de paille, les bateaux, les couchers de soleil en Bretagne… Mais le jour où un focus consacré à des rockers-handballeurs sera illustré par un peintre spécialisé dans les chevaux au galop, alors il sera peut-être temps de s’arrêter ou d’admettre définitivement que tout se vaut.
Shadow motel: manèges et barbes à papa
Ausfahr Nach, s’ouvre sur des rires caverneux et des envolées de chauve-souris… Et en écoutant certains titres on pourrait se dire que Norman Bates pourrait facilement tenir la réception du Shadow Motel. Le groupe s’habille plutôt en noir tendance despérado, mais c’est entre les manèges et les barbes à Papa qu’ils ont choisi de poser. Ils tentent le tir à la carabine et l’arnaque des crochets à peluche. De notre côté nous évitons de tenir trois minutes à « pendus-par-les-bras » même pour gagner 200 euros. Guidés par Marguerite entre les badauds, les cris des enfants et les effluves diverses et variées, le groupe garde un calme olympien. Nous les trouvons tranquilles, posant à côté de ce saloon hanté dont les annonces horrifiques nous ont vrillé les tympans – bien plus que la musique de Shadow Motel, décidément bien calme en comparaison de l’ambiance sonore de la foire aux manèges de Lille.
CHRONIQUES: SHADOW MOTEL PRESENTE
SONIC YOUTH / WASHING MACHINE (1995)

Je retourne toujours à Washing Machine. Il m’arrive parfois de changer d’avis et d’adhérer sans limite à un autre album de Sonic Youth, mais finalement, c’est à nouveau Washine Machine qui l’emporte ; et pas seulement parce que je l’associe à des moments importants (« Romance is a ticket to paradise … »). C’est un des rares albums de Sonic Youth où à aucun moment les paroles ne me déçoivent ou me mettent mal à l’aise, bien au contraire. J’en sors toujours apaisée, débarrassée d’un trop plein de crasses (« Throw all this trash away »), de rancœurs (« Pretend you’re there, pretend it ain’t there »), de doutes (« What I feel inside / That I’m really bad »). Pré-lavage énergique avec « Becuz », « Junkie’s Promise » et « Saucer Like », lavage spécial tissus délicats dès « Washing Machine » jusqu’à « Little Trouble Girl » en passant par « Unwind », essorage avec « No Queen Blues » et « Panty Lies », ralentissement du tambour avec « Thumb » et dernier essorage douceur avec « Skip Tracer » … Et last but not least : « The Diamond Sea ». » La suite !
CHRONIQUES: SHADOW MOTEL PRESENTE
SIOUXSIE AND THE BANSHEES / JUJU (1981)

J’avais 15 ans quand ma grande amie Jane m’a fait découvrir les morceaux « Christine » (« the strawberry girl … ») et « Happy House » de Siouxsie and the Banshees, via un dossier informatique musical de son cru, créé un dimanche après-midi d’hiver. J’avais bien aimé ces morceaux, mais la première impression qu’ils m’avaient laissée était beaucoup moins forte que « She’s Like Heroin to Me » du Gun Club qui composait aussi cette mixtape du XXIème siècle. Pourtant je me suis vite lassée de « She’s Like Heroin to Me » (ne vous inquiétez pas, la découverte de Miami a renouvelé mon amour pour The Gun Club). Quelque chose me dérangeait et m’intriguait de plus en plus avec Siouxsie, or c’est cela-même qui me plaît énormément aujourd’hui, à savoir son chant assez lyrique toujours à deux doigts de se casser la figure. Je me suis retrouvée à écouter la compilation « Once Upon a Time : The Singles » avec avidité, composée entre autres de deux perles (« Spellbound » et « Arabian Knights ») qui m’ont emmené tout droit vers Juju. C’est aujourd’hui (de loin) mon album préféré de Siouxsie, le seul que j’écoute encore très régulièrement parce que c’est celui dans lequel l’instrumentation non seulement se donne vraiment à entendre, mais aussi sublime la voix de Siouxsie Sioux. Chaque instrument fait preuve d’une inventivité d’une grande beauté : les riffs de guitare de McGeoch, la batterie et les percussions de Budgie, et la basse de Severin.
SHADOW MOTEL
Discogs.com propose à ce jour les notices de 5 423 714 disques différents (dont Ausfahrt Nach de Shadow motel – 11 euros à l’argus). Si vous vous limitez à une chanson pour chacun des 3 627 944 artistes recensés, un peu moins de 200 titres par jour pendant 50 ans vous suffiront pour écouter à peu près toute la musique sortie avant 2015. Facile. Voilà en gros l’étendue du brouhaha que nous propose la pop. Mais ce serait dommage de n’écouter qu’une seule chanson de Shadow Motel en 50 ans. Pour ceux qui commenceraient déjà leur playlist d’un demi siècle, placez y tout de même « Jim », « Applause », ou « Ivory Eyes ». Du brouhaha de quelques millions de titres il est tout de même permis d’espérer que certains pourront se démarquer, émerger un peu de la masse.
Ausfahrt Nach, disponible via Discogs
Quand j’étais ado, un groupe légendaire de rock expérimental new-yorkais avait une place de choix parmi les photos d’artistes que je punaisais alors sur le mur de ma chambre. Ils avaient leur « son », comme disent les amateurs de bon « son » : harmonies uniques, fureur et atonalité, étrangeté, audace… Tout ça empaqueté dans du rock’n’roll. Pas mal. Cette année j’ai eu l’occasion de voir le projet solo du « poète » du groupe légendaire de rock expérimental new-yorkais. Au milieu du concert, il nous a expliqué que la prochaine chanson avait été inspirée par ses vacances à Lecce. Au stand merchandising, ou l’on trouvait des rééditions des disques des années 1980 du groupe légendaire, je me rendis compte que le « poète » et son batteur étaient bien sympathiques mais avaient tout de même l’âge de mes parents. Mais en première partie du groupe légendaire, il y avait Shadow Motel qui proposait sa formule, son intuition à renouveler un genre que le groupe légendaire de rock expérimental new-yorkais avait largement popularisé. Ouvrant pour des pages vivantes d’histoire du rock, le groupe pouvait compter sur les quelques grammes de magie qu’ils parviennent toujours à insuffler dans chacun de leurs morceaux. Le trio tient une formule, qu’ils appliquent avec plaisir. Une tactique née de tâtonnements occultes qu’ils semblent bien aise d’avoir découverte.
Rentrée 2014 : notre sélection
Été pourrave, nous l’avons tous pensé. Pour la plupart d’entre nous, l’été au sec, c’était l’été à la maison. Il n’y avait plus qu’à lire et à relire, à reclasser sa collection de CD et de vinyles, à espérer qu’un bon hors série estival sorte chez les marchands de journaux. Après avoir lu et relu ; épousseté et trié ses collections respectives de médias musicaux, l’équipe SUBJECTIVE a préparé la rentrée de bon train entre deux éclaircies. D’ici l’arrivée du Père Noël, quatre groupes de la scène émergente de l’hexagone (ou presque) seront à l’honneur dans nos colonnes.
Robbing Millions. Commençons par la Belgique, pour changer. Il s’y passe un tas de choses fantastiques que nous aimerions vous relater avec plus d’assiduité, mais nous avons notre ligne éditoriale : SUBJECTIVE, c’est l’émergence dans l’hexagone. Seul Robbing Millions pouvait nous décider à un faire un pas de côté, à franchir temporairement la frontière. Derrière une esthétique soignée se cache un groupe de virtuoses au service d’un rock indé planant. Rendez-vous dans quelques jours pour en savoir plus.
Nicolas Paugam. Mais qui c’est celui-là ? Une poule pondeuse de mélodies délurées aux empreintes tropicales assaisonnées d’une voix aigrelette. Ex-Da Capo, ses compositions solo évoquent un jazz manouche en vadrouille au Brésil et ses textes tendent vers un surréalisme fringant. Les critiques que l’on peut lire à son sujet sont toutes fraîches et leurs rédacteurs s’étonnent de ne pas en avoir entendu parler plus tôt alors qu’il officie depuis déjà une bonne demi-douzaine d’années. Le banc de ses fans doit une reconnaissance éternelle à l’équipe de la Souterraine qui, au printemps 2014, a décidé d’éditer une compilation de ses meilleurs titres.
Shadow Motel. Nous avions un peu déserté la scène lilloise, de manière tout à fait injustifiée. Nous rectifions le tir avec un focus hivernal consacré à un groupe septentrional déjà largement apprécié. Ce trio aligne les morceaux hypnotiques les uns après les autres, dans un registre psychédélique en noir blanc. Un psychédélisme sans couleur et sans fleur où la transe vient du vrombissement du clavier de la chanteuse et où l’onirisme se niche dans les effets de guitare.
Colo Colo est un (énième) projet de Jean-Sébastien Nouveau, gourou de la scène indé française qui fit beaucoup de bruit avec Les Marquises, formation délirante pour oreilles exigeantes aux membres aussi nombreux que prestigieux (entre autres, Etienne Jaumet et Benoit Burello). Mais le spectre sur lequel glissent les activités musicales de Jean-Sébastien Nouveau embrasse aussi bien les musiques expérimentales que la pop. Avec Colo Colo, ce qui nous plaît ce sont ces mélodies douces et sucrées qui prospèrent sur des structures simples assorties d’arrangements légers et subtils. Si cet été vous avez trop dansé sur de l’eurodance de basse qualité dans les boîtes de nuits douteuses de la côte, ce sera l’occasion parfaite de vous remettre d’aplomb avec une musique qui sait concilier qualité et joie de la piste, mais qui vous évoquera aussi une fin de soirée sur la plage, à contempler les nuages filer dans le ciel étalé de tout votre long dans le sable tiède.
Le tout à écouter sur notre soundcloud :
A très bientôt pour la suite !
Par Nicolas Fez