(please) don’t blame mexico



Subjective / La compil !


sub5ANS

Subjective fêtait récemment ses 5 ans d’existence. 5 ans, 42 obsessions pop, plus de 80 concerts dans le cadre des soirées SUBJECTIVE LIVE !

Pendant ces 5 ans une vingtaine de personnes se sont activées pour faire tourner la machine ; vidéastes, photographes, rédacteurs, régisseurs, programmateurs, graphistes, chargés de com….

Mais surtout, Subjective a réussi a fidéliser ses lecteurs en nageant à contre courant de la mode du zapping. Lorsque Subjective présente un focus, elle s’y attarde, ne survole pas et s’attache à proposer un contenu éditorial original et fouillé.

Pour ses 5 ans, Subjective voulait – comme on dit – marquer le coup. L’équipe s’est creusé les méninges, a concentré son souffle vital et son énergie la plus pure. Le résultat, une compilation – SUBJECTIVE 5 ANS ! – qui rassemble 19 de nos obsessions pour plus d’une heure de bonheur incommensurable et de douces jouissances auditives.

Fière comme jamais, Subjective ajoutera le 23 décembre un cadeau de plus aux pieds du sapin de ses lecteurs. Quelques heures avant le passage de l’illustre personnage à barbe blanche, Subjective proposera en téléchargement libre cette compilation qui rassemble le meilleur de 5 années d’obsessions musicales, réalisée grâce au soutien de groupes et musiciens à nos yeux emblématiques de la « touche » Subjective.

Au menu : Isaac Delusion, Night Riders, Hard Working Boss, Loki Strafish, Fiodor dream Dog, In The Canopy, La Féline, Wolves & Moons, et gardons les autres noms pour la surprise !

Bonnes fêtes à tous, et longue vie à Subjective !



LOW / The Great Destroyer (2005)


low the great destroyer

Il est de ces disques où le producteur sublime l’artiste. Bien qu’éculée, cette phrase prend ici tout son sens.

Jusque là, Low était connu pour ses douces balades, ses comptines introverties pour adulte mélancolique. Ces tristes chansons lentes et langoureuses qui s’effacent au loin dans le blizzard des alentours de Duluth, Minnesota, ville dont sont originaires Alan Sparhawk et Mimi Parker, couple fondateur du groupe. Le groupe avait peaufiné son style au fil des années, précisé son écriture minimaliste, fait de la sobriété son cheval de bataille, aux côtés de producteurs comme Steve Albini.

Seulement, au milieu des années 2000, Low décide de travailler avec Dave Fridmann. Ils trouvent alors une personne qui comprend et mène à bien leurs nouvelles aspirations. Qu’aurait été The Great Destroyer sans la contribution de Fridmann ? Une répétition du raté Trust, album précédent où les envies se font sentir mais dont on ne comprend le véritable propos qu’à l’écoute de son successeur ?

Pour la première fois, le groupe laisse éclater avec grâce et pertinence la violence sous-jacente de sa musique, la hargne qu’insinue son songwriting. The Great Destroyer bouillonne là où les albums précédents marchaient dans la neige. Et la production est la première ambassadrice de ce virement de bord : sur des chansons à l’abord plutôt froid, Fridmann apporte la chaleur des machines analogiques poussées à l’extrême. Les gains sont tournés au maximum, les compresseurs marchent à plein régime et chaque son en ressort avec un grain unique. Saturés, distordus, les instruments se retrouvent embarqués dans la salle des machines d’un brise-glace lancé à toute vapeur (il n’y a qu’à écouter l’intro de « Monkey », première chanson de l’ album, pour s’en rendre compte). Le groupe se découvre un penchant Noise où les larsens se font plus tranchants que jamais. Les doux tambours de Mimi Parker deviennent une véritable batterie abrasive (la chanson « The Great Destroyer »).

Ceci résulte en un album âpre et granuleux, aux compositions plus virulentes, voire vindicatrices (« Everyday they torture us, they torture us and say : nothing stays together. Breaking everybody’s heart, taking everyone appart » sur « Everybody’ s Song »). Et là où l’on avait l’habitude d’entendre Low utiliser le silence et les espaces vides, on se fait surprendre par l’ampleur sonore, on se fait réveiller par le souffle et les crachotements des amplis à lampes allumés depuis des heures.

Ce disque, et surtout cette production, aurait pu faire école tant ils repoussent les limites du « beau » son. Jamais rien n’a autant grouillé et râpé en même temps, et cela, tout en laissant la beauté s’échapper des mélodies limpides du trio. Car la force du groupe est toujours là : ses mélodies, ses harmonies à tomber par-dessus le bastingage, ses prises d’otage de nos cœurs sont tout simplement propulsées à l’étage supérieur. L’impact n’en est que plus sidérant. (Et certains ne s’y sont pas trompés, puisque le festival Primavera Sound de Barcelone, grand messe indé européenne, a programmé cette année une performance exceptionnelle du groupe jouant The Great Destroyer dans son intégralité.)

Dans sa dynamique de remise en question, Low s’interroge non seulement sur sa musique, mais également sur la musique en tant que nécessité pour un musicien (« Death Of A Salesman ») et ses conséquences (« When I Go Deaf »). Une chose est certaine après cela : les bourdonnements et autres acouphènes seront à jamais mélodieux et emplis d’humanité.

par Thomas Pirot

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LOU REED / « Coney Island Baby » (1975)


Lou Reed Coney Island Baby

En 1975, Lou Reed n’est pas encore l’animal perfide qui terrorise les journalistes mal préparés en interview. Il est pire que ça. En 1975, Lou Reed est un déchet. Quelqu’un que plus personne n’ose toucher ni même approcher. Il est drogué, malade, sans le sou, poursuivi en justice par un ancien manager, traqué par les impôts qu’il n’a pas payé depuis cinq ans, quasi SDF, au fond du trou. Surtout, c’est sa santé mentale qui commence à inquiéter. Il vient de publier coup sur coup deux albums qui transcendent le concept d’échec commercial : Sally Can’t Dance, jugé transparent à sa sortie (mais qui mérite sa petite réévaluation aujourd’hui) et, surtout, l’heure de musique la plus pénible jamais couchée sur bande Metal Music Machine, sorte de vomi industriel avant l’heure au sujet duquel Reed dira d’ailleurs que « ceux qui l’ont acheté sont encore plus tarés que moi ». Le machin sera retiré des bacs trois semaines après sa sortie. En 1975, Lou Reed est un bon gros freak perdu pour l’Histoire.
Semble-t-il.

Son salut viendra d’un certain Ken Glancy. En 1975, Ken Glancy est le président du label RCA, qui héberge Lou Reed. C’est un businessman aguerri, certes, mais surtout un « homme d’honneur » comme le dira plus tard Reed, pourtant pas abonné aux compliments. Le président lui propose un deal : il lui offre un toit au Gramercy Park Hotel et lui finance intégralement l’enregistrement d’un nouvel album si Reed promet de ne pas faire « Son Of Metal Music Machine ». Plus que les impôts, plus que la mort, plus que le manque de drogue, plus que de devenir fou, le monde de Lou Reed est soudain plein d’une autre angoisse : trahir un homme qui lui a accordé sa confiance.

Un professeur de philo nous a dit un jour, lors d’un cours sur William et Henry James, que tous les grands auteurs américains étaient hantés par la notion de confiance. Comme n’importe quel grand auteur américain, Lou Reed a écrit avec « Coney Island Baby » une chanson sur ce thème – sur ce que ça signifie d’accorder sa confiance, de l’accepter, de l’honorer. « Coney Island Baby » est une chanson sur la gratuité, sur l’absolu au coeur de cette notion. On l’accorde ou on ne l’accorde pas, ça ne s’explique pas. Mais si on l’accorde, elle guide vos faits et gestes et elle accomplit des grandes choses en votre nom.

Sur un édredon blanc et bleu (basse ronde et chaude, guitare effleurée, batterie qui dort debout), un homme se souvient de ses années de lycée. L’entraîneur de l’équipe de football est un sale type, méchant, dictatorial. Mais ce tyran a un jour fait confiance au narrateur. Dorénavant, c’est décidé, ce dernier jouera au football « for the coach ». Quoiqu’il arrive. Passage en la mineur pour le refrain. Le narrateur se souvient de ceux qui lui ont accordé cette confiance, ce don gratuit. Cet amour. Comme cette princesse qui habite sur la colline qui l’a aimé alors qu’elle savait très bien qu’elle faisait une erreur. La beauté des personnes qui font ce don, et surtout, la beauté de ce qu’elles provoquent chez celui ou celle qui le reçoit, c’est la « gloire de l’amour » que chante Lou Reed, extatique, en fin de parcours. L’amour est performatif. Il fait faire des choses merveilleuses, il rend fort, il fait toucher la vérité sans cligner des yeux. Il fait écrire des chansons comme « Coney Island Baby ».

‘Cause, you know some day, man
you gotta stand up straight unless you’re gonna fall
then you’re gone to die
And the straightest dude
I ever knew was standing right for me all the time
So I had to play football for the coach
and I wanted to play football for the coachWhen you’re all alone and lonely
in your midnight hour
And you find that your soul
it’s been up for sale

And you begin to think ’bout
all the things that you’ve done
And you begin to hate
just ’bout everything

But remember the princess who lived on the hill
Who loved you even though she knew you was wrong
And right now she just might come shining through
and the –

– Glory of love, glory of love
glory of love, just might come through

par Maxime Chamoux

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PRINCE AND THE REVOLUTION / Purple Rain (1984)


Prince Purple Rain

Comme à Michael Jackson, autre mastodonte de la pop mainstream des années 80 – je ne me suis intéressé à Prince que très récemment. J’étais bourré d’a priori quant à cet artiste, je trouvais ses changements d’identités (The Artist, The Love Symbol) et ses accoutrements absolument ridicules, j’avais en tête l’omniprésente image du nabot pseudo-lover avec ses brushings de secrétaire médicale de province, et surtout je haïssais « Purple Rain », le morceau. Je n’avais donc jamais vraiment écouté Prince. Et puis un jour, un ami m’a fait écouter « When Doves Cry » en voiture – lieu souvent déterminant pour apprendre à aimer, ou non, un groupe ou un musicien, la voiture. Il m’a expliqué à quel point ce single, n°1 des charts américains en son temps, pendant plusieurs semaines devant le rival Michael Jackson, était révolutionnaire. En effet, il réussissait le tour de force d’être un morceau de danse implacable (il a dû traîner des millions de personnes sur le dancefloor depuis 1984) sans utiliser de basse ! Pour conduire le groove de son morceau, Prince ne se sert que de la programmation rythmique hyper-simpliste et du placement de sa voix. Un gimmick de synthé sur les refrains et le tour est joué.

Je me suis alors rendu compte d’à quel point les approches de Prince et Michael Jackson était opposées : Michael Jackson jouant sur la surenchère, l’empilement des arrangements, des voix, des couches de sons pour atteindre un paysage sonore saturé d’informations et compact ; Prince misant davantage sur les vides, les espaces entre les sons, adoptant une esthétique plus étirée – ne serait-ce qu’au niveau de la durée des morceaux. Pas un hasard si des gens aussi divers que Spoon, Mathieu Boogaerts ou les Neptunes, qui partagent ce même goût pour le groove dégraissé et la binarité simple, révèrent autant Prince.

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Les clips de (Please) Don’t Blame Mexico par Jean Thévenin


À découvrir aujourd’hui : les clips de Jean Thévenin (le Jaune !) pour (Please) Don’t Blame Mexico.

Du côté de Subjective, on connaît bien Jean Thévenin. On l’avait quitté (entre autres) batteur  de Toy Fight, un groupe qu’on vous a présenté il y a déjà quelques années. Aujourd’hui, on a envie de vous parler des clips décalés, audacieux qu’il tourne en Super 8 et avec les moyens du bord pour (Please) Don’t Blame Mexico, un autre groupe habitué de nos pages.

Les vidéos de Jean Thévenin obéissent toujours à un curieux protocole : impérativement, la Tour Eiffel doit se trouver dans le panorama.

Après une journée passée chez lui, à regarder les heures tourner en accéléré, un type du genre ordinaire, pas franchement un sosie d’Elephant man, saute par la fenêtre, et se met à courir dans Paris à la vitesse des mensonges.

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YO LA TENGO / Painful (1993)


Yo La Tengo Painful

« Cher M. Falkowicz, Je tiens par la présente à vous adresser mes plus sincères et mes plus profonds remerciements ainsi que ma reconnaissance éternelle. Cordialement, Thomas Pirot »

Cette lettre, je ne l’ai jamais écrite mais j’aurais sûrement dû. Ce mystérieux M. Falkowicz, dont je tairai le prénom pour lui éviter de crouler sous des dizaines de milliers de lettres de fans tous les jours, n’est ni le cousin dyslexique de John Malkovich, ni un personnage terrifiant d’un film de David Lynch dont la surimpression sur le visage d’une belle blonde vous glace le sang.

Cet homme fût mon professeur d’acoustique il y a quelques années, pendant mes études de techniques du son. Et cet homme est un peu mon héros. Pas parce que ses cours ont révolutionné ma vie, pas parce que la physique est ma passion. Au contraire, j’étais plutôt largué dans cette matière dont j’ai compris l’utilité mais jamais les fonctionnements.

Ce professeur a cela d’héroïque qu’il m’a un jour offert un CD gravé (un CD de données comme on disait à l’époque !) contenant une petite dizaine d’albums en mp3. Parce qu’on avait discuté musique, parce que mon meilleur ami portait un T-shirt des Smiths… Sur cette compile se trouvaient un album des Verlaines, un autre des Only Ones… et puis Painful.

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D’ANGELO / Voodoo (2000)


D'Angelo Voodoo

Encore un album (et un artiste) que j’ai mis énormément de temps à aimer, et à comprendre. Il n’y a pas plus monotone en apparence que Voodoo. Pourtant, cette monotonie, cette grisaille sonore cotonneuse abrite une vraie folie. Une manie. Comme il l’indique dans le texte qui ouvre le livret de l’album, D’Angelo s’est longtemps interrogé sur une façon de faire de la soul en l’an 2000 (l’année de sortir de Voodoo), une soul qui s’inscrirait dans la lignée des aînés (« Jimi, Sly, Marvin and Stevie », comme il dit) tout en créant la rupture et en prenant des dernières avancées sonores (les productions et les calages rythmiques du hip hop en général et de Jay Dee en particulier sont passés par là). Ce manifeste a globalement donné naissance au micro-mouvement appelé la new soul au début des années 2000, mouvement qui n’aura pas vraiment marqué l’histoire de la musique, mais là n’est vraiment pas la question.

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