édito



OK


Aux environs de la quarantaine, il existe un intervalle de temps assez bref où le jeune crétin devient un type ok avant de se transformer en vieux con. Circulant le plus souvent à Paris dans une Opel Corsa, l’individu en question emmène sa femme et ses deux enfants à Megève tous les hivers et en Tunisie tous les étés. Il lit Jean d’Ormesson et Paris Match : la non-vie lui appartient.

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Le groupe dont nous vous parlons ce mois ci a beau s’appeler « OK », le choix du nom est un leurre, presque une bonne plaisanterie. Guillaume Magne et ses deux batteurs (oui deux !) – Seb Brun et Jeremie Piazza – n’ont certainement pas le profil des gens ok. Quand on rentre dans leur univers en appuyant sur « play », c’est comme si on poussait la porte d’un vieux laboratoire, un labo sans pipettes et sans fioles mais bourré de quatre pistes cassettes et d’instruments bizarres. Dans la quiétude de leur confinement, ces trois désosseurs de sons bricolent des rythmes qui viennent de nulle part, des petits bouts d’utopies qu’ils exhument, insèrent, agrègent, ressuscitent, on ne sait pas très bien.

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Violent Scaredy Cats


Simplifions. Dans la grande famille de la scène rock française, on rencontre plusieurs catégories d’obsédés. Il y a par exemple l’obsédé méthodique, celui qui aime tout décortiquer. Au plus fort de sa névrose, il n’est pas rare qu’on le découvre éveillé dans sa cuisine vers 5h du matin en train de comparer le son d’une Leffe brune et d’une Affligem triple quand on les verse dans un verre. Il enregistre les deux effets sur un Nagra dernier cri et note ses observations dans un carnet Moleskine de format A5, revêtu d’une peau de mouton. A Subjective, on aime bien ce type de zikos psychotique qu’on a souvent mis à l’honneur de notre webzine.

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Les Violent Scaredy Cats appartiennent à un autre genre d’obsédés et on les aime tout autant. Au début, je pensais qu’ils étaient Anglais. Je les imaginais en train de jouer dans des caves à Sheffield ou à Manchester, un peu dandys, un peu crades, devant un public surchauffé où les visages évoquent vaguement les personnages de Full Monty. En fait, ils viennent d’Amiens – seul le chanteur est British – mais ils trimbalent avec eux cet héritage anglo-saxon qu’ils cherchent à sublimer. Obsédés par l’efficacité, ils ont un sens inné du rythme qui, presque par effraction, va s’incruster dans votre mémoire, devenir indélogeable, et changer la couleur des nuits en un violet sombre et épileptique.

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Lolito


Bordel de Pfiou, qu’est ce que ça fait du bien.

Un groupe qui prend des risques sans se prendre la tête, avec des chansons à tomber par terre, qui joue avec grâce et une joie évidente. On retrouve l’excitation géniale du gamin qui monte pour la première fois sur une balançoire, et qui comprend qu’il peut filer sans danger à toute vitesse. Un truc à la fois hyper énergique, et d’une gentillesse absolue. Nous, dans le public, électrisés, on fond tous, forcément.

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Ils sont là, ils s’échangent les instruments, ils te sortent des tubes comme sans faire attention, et puis la chanteuse, là, Anne, qui pousse des hurlements magiques comme si c’était normal.

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Pablib


Paplib : substance extraterrestre dont l’absorption a des effets bénéfiques variés selon le moment de la prise.

Selon nos tests :

Le matin, au sortir du lit : réveil encore enveloppé d’une couverture cosmique. Dans le bain : téléporté au milieu d’un océan tiède, le sujet pourra croiser avec ravissement et sérénité des paquebots fantomatiques et des poulpes à trois cœurs. Au goûter : yeux mi-clos, sensation délicieuse de pause hors du temps. La nuit, rentrant seul et complètement ivre : envie irrésistible de s’allonger sur le plancher, pour regarder le plafond tourner (Jamais vu comme il s’en passait des choses, sur ce plafond…). En plongeant dans les limbes du sommeil : paranoïa légère, visions assez distinctes de mousses paysagiques et d’icebergs orgiaques.

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Effet secondaire imprévu : après quelques jours de prise de Paplib, le sujet pourra constater qu’il en a rempli toutes les petites poches de son cerveau. Le cerveau les régurgitant à des moments imprévus : « Xylocaine » sur le chemin du boulot, « Cast And Costumes » dans une maison étrangère, « Cocosmile » au rythme des pas de la personne aimée qui s’approche.

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Karaocake


Décembre. Emmitouflé dans votre couette, vous vous apprêtez à remplir votre tasse de thé, quand vous vous apercevez que quelqu’un a laissé un gâteau sur la table.

Vous vous souvenez alors de l’histoire d’Alice, perdue dans un jour d’ennui, qui trouva un petit biscuit aux raisins de corinthe… Celui qu’on vous a laissé là a l’air de la même espèce, bien qu’il ressemble plutôt à un gros gâteau d’anniversaire. De la chantilly plein la bouche, vous fermez les yeux. Ce goût de nostalgie sucrée…

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En les ouvrant, vous vous apercevez sans trop de surprise que vous avez changé d’endroit. C’est une ville familière, une cour d’école avec une marelle tracée à la craie. Sur le béton, des souvenirs tristes apparaissent en grésillant. Vous vous retournez vers la marelle, commençant à comprendre les règles du jeu. Vous lancez un disque, et avancez à cloche-pied vers la case CIEL. C’est là que ça s’emballe.

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La Féline


J’ai toujours été mauvais pour classer les musiques dans les genres. Il y a pourtant des spécialistes de l’exercice, des gens qui identifieront dès la cinquième mesure un anarcho-punk racé aux accents new wave ou sauront démasquer même dans le noir un subtil garage rock psychédélique. Sans doute parce que je suis mauvais à ça, je me méfie de ces connaisseurs ; ils me rappellent trop ces gens impossibles qui viennent vous déranger au bar pendant un changement de set et glissent à votre oreille avec un petit haussement de sourcil érudit : « étonnante cette indie pop new age à tendance post punk ». Ils aiment tellement emprisonner les sons dans des mots.

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Devant la Féline, les pros de la mise en cage sont désemparés. « Folk ambivalente » disent-il, le regard sombre, quand on les pousse à bout sur leur terrain favori. Qu’il est vexant pour un expert d’être tenu en échec à domicile… Car les panthères n’aiment pas les zoos ; et la Féline c’est d’abord des images, plein d’images. Des images subjectives, suggestives, des bizarres projectiles de lumière lancés comme des balises dans la grisaille du quotidien, qui dévoilent sur son sol dur et las des fêlures ouvertes comme d’inquiétants sourires, d’inquiétants soupirs, d’inquiétants souvenirs. Ils s’amusent à nous faire peur et leurs rêveries résonnent au petit matin comme des prémonitions.

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(Please) Don’t Blame Mexico


Vous rentriez d’un lieu familier. Vous aviez encore votre cravate. Qu’est ce qui vous a pris, ce soir, de prendre un détour inconnu, de vous arrêter sur cette route déserte ? Est-ce la fatigue ou bien cette chanson des Smashing Pumpkins vissée dans votre tête, qui vous a fait entendre ces notes, étranges, festives ? Vous baissez la fenêtre. La folie mélodique des Smash est soudain prise dans les vapeurs d’octobre et d’opium. Vous croyez les voir, alanguis sur leurs citrouilles, oubliant de les pulvériser, ciselant leurs contours pendant des heures, au bord de leurs pupilles dilatées. Vous coupez le courant.

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En vous approchant, vous distinguez trois musiciens. Ils disent s’appeler (Please) Don’t Blame Mexico. S’affairant à les changer en carosse, ce sont des chansons qu’ils tiennent entre les mains. Vous les interrompez dans leur recherche minutieuse : ils ne savent plus s’ils ont passé des heures ou des années à dessiner leurs lignes d’arrangements. Ils ne connaissent plus que le temps de la musique.

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