MOTION OF HIPS


2013, le futur.
Nous somme le 5 avril et la température extérieure ne dépasse pas le 0° celsius. Sur l’étroit trottoir parisien que vous empruntez au retour du boulot, des glaces tardives rendent chaque pas incertain. Vos jambes sont tendues, comme prêtes à rompre, dans l’anticipation d’une perte d’équilibre et d’une chute forcément douloureuse. Dans un effort pour offrir une prise minimale au vent glacial, vous plaquez vos bras engourdis contre votre cage thoracique. Tout votre corps vous fait l’effet d’un vieux morceau de bois sec, qui accueillerait avec reconnaissance la brûlure d’une bonne flambée. Sans y penser vraiment, vous descendez dans une cave obscure. Peut-être est-ce la tiédeur qui s’élève de son entrée béant sur la rue qui vous as conduit à ce détour, ou peut-être est-ce la musique. Une chose est sûre, la décision d’y entrer n’a pas été prise consciemment. Votre cerveau analysera plus tard ce qui semble bien être une initiative autonome de votre corps. Les muscles ont-ils l’instinct de survie ? Les jambes et les bras une raison de vivre ? Certainement, votre corps a su reconnaître ce qui était bon pour lui.
Dans la cave, il se réchauffe, se dégourdie et s’anime. Il palpite et commence à transpirer. « C’est cette musique ! », comprenez-vous trop tard. « Elle agit sur mon corps, le fait se mouvoir ». Vous vous tournez vers la scène pour tenter d’en découvrir la source. Quatre jeunes hommes s’échinent gentiment sur leurs instruments tandis qu’un projecteur vidéo raconte une autre histoire sur leurs visages. Tout semble pourtant calme et rassurant. La voix est douce, presque juvénile. L’instrumentalisation est légère et harmonieuse. Au fond de la scène, le nom du groupe est inscrit en lettres amicales.
Insidieusement, sans violence, les arpèges aériens sont venus se coller sur le revers de votre inconscient, imprimant leur cadence dans votre mémoire avant même que vous en ayez eu conscience. La contamination est effective. Plus jamais cette musique ne vous quittera. Alors que votre regard balaye la fosse, vous appréhendez l’ampleur du phénomène. Des hanches se balancent, de femmes, d’hommes, en gestes saccadés et langoureux. L’envie de les rejoindre vous submerge, et déjà votre bassin imprime au reste de votre corps un mouvement rythmé et suggestif.
On susurre à votre oreille :
– Tu aimes ce groupe ?
– Quoi ?
– Motion of Hips, j’adore !
Vous cherchez à en apprendre davantage, mais une clameur noie vos questions. Le set est terminé et les « encore » crépitent. Le groupe se fait prier, feint la lassitude. Mais déjà ils ont ramassé les instruments et enchaînent avec un nouveau track. A nouveau, la musique inspire aux hanches un mouvement hypnotique, fait se fondre les corps en un unique organisme dont la grosse caisse est le cœur et les cordes de guitare, les tendons.
Demain, les seuls souvenirs de cette soirée seront des crampes. Vos muscles douloureux, mais définitivement heureux. Demain, vos muscles vous traîneront à nouveau dans cette cave, à votre corps défendant, réclamant leur dose de dopamine.

par Thomas Darras



PREFAB SPROUT / Steve McQueen (1985)


Prefab Sprout Steve McQueen

Quand j’ai acheté Steve McQueen, c’est simplement parce que je le connaissais de réputation. J’avais lu dans un magazine que Prefab Sprout faisait partie des héritiers des Beatles en terme d’évidence mélodique. J’ai du mettre un an à l’écouter en entier. Au début je ne passais pas les trois ou quatre premiers morceaux. J’ai persisté, essayé à nouveau, plusieurs fois, à des mois d’intervalle je réessayais, sans passer la barre des trois ou quatre premiers titres, intrigué par ce disque considéré par une poignée d’illuminés comme un des plus grands disques pop de tous les temps. Et au fur à mesure, certaines mélodies ont commencé à me hanter, mais vraiment, je les avais en tête constamment. Peut-être seulement une harmonie vocale ou un arrangement au clavier… du coup j’ai réécouté et à force, il a bien fallu que les chansons défilent. Sans y faire trop attention je me suis attaché au son, à la production, à la mélancolie des mélodies, aux changements d’accords aventureux… le mal était fait. J’étais obsédé par un morceau tout entier. La deuxième grande étape aura été l’inspection du texte de cette chanson, « Bonny », ou peut-être était-ce « Appetite », ou « Goodbye Lucille #1 » — à vrai dire j’ai oublié tant elles me paraissent indissociables aujourd’hui. Les textes de Paddy McAloon sont d’une poésie folle, je lui trouve très peu d’équivalents à ce niveau… Aujourd’hui l’album tout entier résonne en moi d’une façon que je n’aurais jamais pu soupçonner, et paradoxalement, alors que je suis le premier à avouer que son opacité est bien réelle, je ne peux que qualifier ses chansons de limpides, claires, évidentes. Il y a vraiment un déclic, je n’avais jamais connu ça comme ça. un jour, paf, ça te bouffe, à travers un son de clavier céleste, la voix de Wendy qui semble transpercer les nuages ou une simple phrase comme « Life’s not complete ’til your heart’s missed a beat ». Un jour tu réalises que t’as jamais entendu un truc pareil. Le chanteur de Maximo Park en parle bien mieux que moi.

par Johan D

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Motorifik


Dans leur chronique de Secret Things, les Inrocks jugeaient — avec enthousiasme — que la « nostalgie » avait « contaminé tout l’album ». Est-ce que tu revendiques cela ?

Non, pas vraiment. A l’époque de l’enregistrement il n’arrêtait pas de pleuvoir, disons que j’étais plutôt nostalgique du soleil….

Il semblerait que nous soyons tous nostalgiques de notre « adolescence musicale ». Qu’est-ce qui a marqué la tienne ?

Des groupes comme Nirvana, les Smashing Pumpkins, Radiohead ou bien encore Jimi Hendrix, des grands classiques…

Il y a encore des choses qui t’excitent dans la musique pop (… au sens large) des années 2010 ?

Oui, j’aime bien des groupes comme Alt-J, Dutch Uncles, Grizzly Bear, Django Django, M. Ward, Chris Cohen, Kishi Bashi etc.

Quand tu es parti à Manchester, tu avais, je suppose, une certaine « image mentale » de la vie que tu pourrais y mener… Est-ce que la réalité s’est avérée fidèle à tes attentes ?

Je me rappelle avoir galéré pour trouver mon premier job. Mais en termes d’offre musicale, de concerts, de disquaires, sans parler des musiciens en tout genre, c’était une expérience inoubliable.

Tu es resté combien de temps là-bas ?

2 ans avec une pose de 2 mois au milieu

Tu as trouvé facile de t’intégrer dans la scène musicale de Manchester ?

J’ai eu un gros coup de chance dans le sens où j’ai atterri en collocation avec Philip Kay.

C’est vrai que le niveau est très élevé là-bas, la musique est vraiment ancrée dans la culture anglaise.

Musicalement, les Anglais ont une approche beaucoup plus décomplexée et ils ont souvent 2 trains d’avance par rapport à nous. Ils travaillent  énormément aussi pour cela (work hard, party hard!)

MOTORIFIK06_AA« J’ai eu un gros coup de chance »

Tu es allé chanter des chansons à Phil Kay quand vous vous êtes retrouvés en collocation. Tu l’as abordé comme cela, sans timidité ?

A l’époque on faisait de la musique tous les soirs (et une partie de la nuit) avec les membres de Working For A Nuclear Free City, c’était naturel, on cherchait juste à jouer quelque chose qu’on avait envie d’écouter. Je me rappelle lui avoir fait écouter « Secret Things » sur une vieille démo et on l’a réenregistré quelques temps après.

Ça te manque, l’Angleterre ?

Hormis l’atmosphère musicale qui rôde à chaque coin de rue et les soirées « Blowout » dans le quartier de Chorlton, pas vraiment.

Motorifik en live, aujourd’hui, tu considères que c’est un work in progress ?

Exactement, c’est une sorte de relecture avec le groupe constitué  d’Antoine (clavier), Jean-Christophe (basse), Charles (batteries). Puis l’arrivée de Paulo (guitare) a apporté une dimension très intéressante au groupe.

Vous avez participé à une des petites soirées « Merry Melodies » organisées par Subjective au Motel, et je crois savoir que le public a beaucoup aimé ce set acoustique. Est-ce une formule dont, vous aussi, vous êtes satisfaits ?

Oui c’était une très bonne soirée, on a pris beaucoup de plaisir avec cette formule intimiste.

L’album a déjà quelques années… Avec ce recul, quelle est la chanson dont tu restes le plus fier aujourd’hui ?

« Nameless Color ».

Et celle à laquelle vous rendez le mieux justice en concert ?

La chanson « Ghosts ».

MOTORIFIK02_AA« On a pris beaucoup de plaisir »

Tu aimerais continuer de faire « vivre » cet album, notamment en France ? Ou bien est-ce que tu as plutôt envie de passer à autre chose, notamment à de nouvelles compositions ?

Les deux. On essaie de faire des concerts le plus souvent possible et de composer de nouveaux titres.

Est-ce que Phil Kay continue de garder un œil sur ce que devient Motorifik ?

Oui, c’est aussi son bébé. Disons qu’il le laisse grandir tranquillement et qu’il aura son mot à dire et surtout produire un éventuel deuxième album !

Vous allez trouver le temps de faire un nouvel album ? Les chansons sont déjà prêtes ?

Aujourd’hui on a seulement quelques nouveaux titres donc il va falloir patienter un peu !



PILÖT KIDZ : Teaser


Pilöt Kidz (anciennement Pilöt), qui clôturera sauvagement la soirée Subjective Live! ce soir à l’International, vient de sortir  un album démentiel, Walking In Röws, dont il sera bientôt question dans ces pages…

En attendant : voici un teasing souterrain filmé par Al.l.

Attention, cette vidéo est déconseillée aux enfants et notamment aux enfants catholiques.



LOW / The Great Destroyer (2005)


low the great destroyer

Il est de ces disques où le producteur sublime l’artiste. Bien qu’éculée, cette phrase prend ici tout son sens.

Jusque là, Low était connu pour ses douces balades, ses comptines introverties pour adulte mélancolique. Ces tristes chansons lentes et langoureuses qui s’effacent au loin dans le blizzard des alentours de Duluth, Minnesota, ville dont sont originaires Alan Sparhawk et Mimi Parker, couple fondateur du groupe. Le groupe avait peaufiné son style au fil des années, précisé son écriture minimaliste, fait de la sobriété son cheval de bataille, aux côtés de producteurs comme Steve Albini.

Seulement, au milieu des années 2000, Low décide de travailler avec Dave Fridmann. Ils trouvent alors une personne qui comprend et mène à bien leurs nouvelles aspirations. Qu’aurait été The Great Destroyer sans la contribution de Fridmann ? Une répétition du raté Trust, album précédent où les envies se font sentir mais dont on ne comprend le véritable propos qu’à l’écoute de son successeur ?

Pour la première fois, le groupe laisse éclater avec grâce et pertinence la violence sous-jacente de sa musique, la hargne qu’insinue son songwriting. The Great Destroyer bouillonne là où les albums précédents marchaient dans la neige. Et la production est la première ambassadrice de ce virement de bord : sur des chansons à l’abord plutôt froid, Fridmann apporte la chaleur des machines analogiques poussées à l’extrême. Les gains sont tournés au maximum, les compresseurs marchent à plein régime et chaque son en ressort avec un grain unique. Saturés, distordus, les instruments se retrouvent embarqués dans la salle des machines d’un brise-glace lancé à toute vapeur (il n’y a qu’à écouter l’intro de « Monkey », première chanson de l’ album, pour s’en rendre compte). Le groupe se découvre un penchant Noise où les larsens se font plus tranchants que jamais. Les doux tambours de Mimi Parker deviennent une véritable batterie abrasive (la chanson « The Great Destroyer »).

Ceci résulte en un album âpre et granuleux, aux compositions plus virulentes, voire vindicatrices (« Everyday they torture us, they torture us and say : nothing stays together. Breaking everybody’s heart, taking everyone appart » sur « Everybody’ s Song »). Et là où l’on avait l’habitude d’entendre Low utiliser le silence et les espaces vides, on se fait surprendre par l’ampleur sonore, on se fait réveiller par le souffle et les crachotements des amplis à lampes allumés depuis des heures.

Ce disque, et surtout cette production, aurait pu faire école tant ils repoussent les limites du « beau » son. Jamais rien n’a autant grouillé et râpé en même temps, et cela, tout en laissant la beauté s’échapper des mélodies limpides du trio. Car la force du groupe est toujours là : ses mélodies, ses harmonies à tomber par-dessus le bastingage, ses prises d’otage de nos cœurs sont tout simplement propulsées à l’étage supérieur. L’impact n’en est que plus sidérant. (Et certains ne s’y sont pas trompés, puisque le festival Primavera Sound de Barcelone, grand messe indé européenne, a programmé cette année une performance exceptionnelle du groupe jouant The Great Destroyer dans son intégralité.)

Dans sa dynamique de remise en question, Low s’interroge non seulement sur sa musique, mais également sur la musique en tant que nécessité pour un musicien (« Death Of A Salesman ») et ses conséquences (« When I Go Deaf »). Une chose est certaine après cela : les bourdonnements et autres acouphènes seront à jamais mélodieux et emplis d’humanité.

par Thomas Pirot

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Cette semaine : 2 soirées, 4 concerts, 14 musiciens, 400 spectacteurs


Dernière semaine de Carême pour Subjective, que nous allons célébrer dans une orgie de cocktails sucrés et de pop songs sensuelles.

Mercredi soir : Subjective Merry Melodies au Motel avec MOTION OF HIPS (notre prochain groupe du mois)

Subjective Merry Melodies Motion Of Hips au Motel le 27 mars 2013

 

 

Jeudi soir : Subjective Live! à l’International avec MARC DESSE, NIGHT RIDERS et PILÖT KIDZ

Facebook : Subjective Live! le 8 mars 2013 à l'International avec Marc Desse + Night Riders + Pilöt Kidz

 



Motorifik @ Bus Palladium, Paris (24.11.2012)


photos : David H.

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