Shadow Motel – Partie I / simple et noisy


Simple et noisy, l’esprit noisy… Chez Subjective nous aimons bien poser des questions compliquées, je me demande même si nous n’avons pas tendance à poser un peu trop souvent des questions plus longues que les réponses que nous font les intéressés. Nous remercions donc Swan de nous avoir rappelé quelques évidences: il peut faire très froid à Toulouse, l’Allemand est une langue trop belle pour qu’on la chante en yaourt, une formule qui marche c’est fait pour durer, et se bloquer sur l’influence du passé ça n’a aucun sens lorsque l’on parle de création. C’est pourtant simple. Simple et noisy.

Comment s’est formé le groupe ? Il me semble que Swan et Julien (ou Édouard ?) vous aviez déjà commencé à penser à des compositions quand vous étiez à Toulouse ?

Swan : Le groupe s’est formé fin 2010 à Toulouse. La formation d’origine n’était composée que de Julien, d’une MPC et de moi-même. On avait fait plus que commencer à penser à des compositions ! On avait un petit set (dont il ne reste aujourd’hui que « Ivory Eyes » et les paroles de « Applause ») et on faisait déjà des concerts.

Pouvez-vous nous raconter un peu votre histoire : votre arrivée sur la scène lilloise, la formation de ce trio et… le choc thermique ?

Swan: Au printemps de l’année 2011, on a eu envie de partir pour diverses raisons (qui ne sont pas nécessairement liées à la musique), et on s’était dit que, tant qu’à faire, autant aller là où notre musique avait des chances d’être bien accueillie. Nous sommes arrivés à Lille en septembre 2011 et nous nous sommes tout de suite mis à la recherche d’un batteur (la MPC ne s’en est pas remise). On a eu la chance de rencontrer Édouard rapidement, de rapidement commencer à répéter et de trop rapidement commencer à jouer dans des bars. Quant au choc thermique, je sais que c’est dur à croire mais il peut faire très froid à Toulouse, donc il n’y en a pas vraiment eu pour ma part.

Pour l’instant c’est Swan qui chante, est-ce que ce sera toujours le cas ?

Swan: J’ai vraiment du mal à faire chanter les textes que j’écris par quelqu’un d’autre, et au-delà des textes, j’ai aussi beaucoup de plaisir à chanter, mais si un jour Edouard ou Julien arrivent avec un texte et l’envie de le chanter, ça ne me posera pas de problème (tant qu’on me laisse encore chanter un peu). Sinon, Edouard chante quand même sur quelques morceaux…

Vous imaginez-vous chanter en français ? Et en allemand, puis tourner en Allemagne et séduire les mélomanes d’outre-Rhin ?

Swan: Pourquoi pas ? Pour le moment, je n’arrive pas à écrire en français. En tout cas rien que je ne puisse chanter, mais j’aimerais bien. Et l’allemand… Disons que j’ai trop de respect pour l’allemand pour le massacrer, donc il faudra attendre encore un peu avant que la simple possibilité d’écrire en allemand soit envisageable. Sinon oui, tourner en Allemagne et avoir un public là-bas, ça serait très chouette !

« J’aime bien l’idée qu’on soit un groupe français qui chante en anglais et dont le titre de l’album est en allemand, ça brouille un peu les pistes… »

Quand on regarde votre pochette, on pense plus aux road movies qu’à la Bavière, pourtant le titre est en allemand. Quelle est la place de l’allemand au sein du groupe? On sait que Swann s’y rend pour ses études de philo… Mais pour le groupe c’est la langue, la civilisation… qu’est–ce qui qui vous attire par là ?

Swan: Il ne faut pas prendre trop au sérieux cette histoire d’allemand. Le titre nous est venu sur l’autoroute allemande. Le fait que j’y sois en ce moment, c’est presque une coïncidence. Mais j’aime bien l’idée qu’on soit un groupe français qui chante en anglais et dont le titre de l’album est en allemand, ça brouille un peu les pistes…

Vous avez une image forte et – pour faire court – une formule qui marche. Est-ce que vous avez peur de ne pas savoir vous renouveler ? Ou pensez-vous – comme les Ramones -, entrer dans une faille spatio-temporelle qui vous gardera purs et préservés du monde extérieur jusqu’à la fin des temps ?

Swan: Je pense que c’est le problème pour tout le monde. Quand on fait un nouveau morceau, je me pose toujours deux questions : est-ce que je ne suis pas en train de me répéter ? Est-ce que ce morceau est cohérent avec le reste du répertoire ou est-ce que je viens de composer de la funk-metal sans m’en rendre compte ? Et puis en fin de compte, le seul critère qui importe vraiment est celui de savoir si chacun a trouvé sa place dans le morceau, s’il sonne et si on a du plaisir à le jouer. Et la plupart du temps, si ce critère est rempli, il trouvera sa place dans notre set.

Vous avez commencé le groupe sans Édouard à la batterie. Pensez-vous avoir trouvé votre équilibre ? Un bassiste, ça vous tente ? Lors de votre dernier concert à Lille on sentait pousser des envies de groove et de fun…

Swan: Pour le moment, je pense qu’on est bien à trois et qu’on va plutôt essayer d’être « fun » dans la formule trio. Intégrez un autre membre ce n’est pas seulement intégrer un autre instrument, c’est intégrer une autre personnalité…

Comment s’est passée votre signature sur Cranes Records ? L’initiative vient-elle de vous ou d’eux ?

Swan: Notre album était déjà enregistrée et comme on avait déjà eu un bon contact avec eux, on leur a demandé si ça les intéresserait. Donc oui, on peut dire que l’initiative vient de nous.

Un billet dans Magicrpm décrit Cranes comme un label « centré sur des groupes groupes à guitares des années 80’s », au sein du duquel votre « musique est assez différente ». Ça vous semble juste ? Vous percevez-vous en marge des productions du label ?

Swan: Oui, c’est sûr que ce qu’on fait est un peu différent du reste des signatures Cranes, mais de là à dire qu’on est en marge… Je pense qu’il y a pas mal d’influences communes aux différents groupes.

 » Je trouve qu’entretenir une forme de dédain pour les amateurs des choses passées n’a aucun sens »

Votre musique est souvent associée à des artistes cinquantenaires : Lydia Lunch, Siouxsie Sioux ou encore Patti Smith. Ne craignez-vous pas d’être assimilés à une forme de retromania ?

Swan: A mon sens, « retromania » sous-entend une forme de nostalgie pour les choses du passé (attitude perçue de manière assez négative). Or, nous ne sommes pas spécialement nostalgiques des choses du passé et par ailleurs, je trouve qu’entretenir une forme de dédain pour les amateurs des choses passées n’a aucun sens. Cela aurait peut-être du sens si on pouvait parler de « progrès » en musique, si on pouvait comparer qualitativement et objectivement la musique d’avant et la musique de maintenant. Et puis, je vois mal comment une musique pourrait se développer totalement en marge de ce qui a été fait avant. Les « c’était mieux avant/c’est mieux maintenant » m’agacent. Je pense que quand la musique est bonne (comme dirait Jean-Jacques), ça n’a pas la moindre importance.

Donc pour faire bref : non, nous ne sommes pas nostalgiques du passé, oui, nous avons beaucoup écouté des groupes « d’avant » et ça se ressent forcément dans notre musique, mais je ne pense pas que ça fasse pour autant de nous des ersatz du passé ! Et je tiens à faire remarquer que les trois exemples donnés font sûrement référence à la voix, il reste donc toute l’instrumentale pour qu’on ne soit pas associé à une quelconque « retromania ».

Les étiquettes que les journalistes et critiques vous attribuent s’étalent sur un large spectre du rock : psyché, shoegaze, punk… Dans laquelle vous retrouvez-vous le mieux ? Pourquoi ?

Swan: Je n’ai jamais trop compris pourquoi on nous a collé l’étiquette « psyché ». « Shoegaze » peut-être, « post-punk » pour la voix sûrement… Mais finalement, je dirais qu’on fait une forme de noisy-pop.

Propos recueillis par Nicolas Fez et Atlas Ibiza

Crédits photo : Marguerite Vdn

VOIR LA PAGE DE SHADOW MOTEL

</