Your Happy End


Mickaël : Bonjour, je m’appelle Mickaël ! Je suis sur le projet Your Happy End, avec les gars, quasiment depuis le début, en tant qu’ingé son. On bosse ensemble sur les enregistrements, les concerts… On se connaît depuis quinze ans, quasiment.

« On », c’est vous trois ?

Mickaël : Guillaume et moi, depuis un peu plus longtemps.

Guillaume : On s’est rencontré au lycée, en Première.

Mickaël : Aurel, on l’a rencontré après. Il avait un groupe de metal. À l’époque, on était jeunes et insouciants, et moi j’allais à pas mal de répéts. Pour ne pas dire toutes. Et puis à un moment, je me suis dit « tiens, j’ai envie de faire ça ! » Donc j’ai commencé comme ça, avec les gars, dans un rade avec une petite sono de bric et de broc qu’on a empruntée à un magasin de musique. C’était un peu à la sauvage ! « Oh, c’est marrant il y a des boutons, je vais les tourner pour voir ce que ça donne. » Voilà, c’est parti un peu comme ça… Ensuite on a fait des scènes importantes, et j’ai commencé à apprendre des trucs. Sur le terrain. Pendant ce temps, je continuais à faire mes études — lycée, fac, machin… J’y ai excellé dans la glandouille ! (rires)

Guillaume : Mais pas dans la communication !

Mickaël : Mais pas dans la communication ! Du coup, à la fac j’en ai eu vraiment raz le bol, je me suis dit : « bon, fait chier, je suis là et je ne fous rien. En plus, ce que je fais ne me passionne pas. Allez, je vais être un peu fou ! » Et j’ai intégré une formation de technicien du spectacle, pour me redonner des bases théoriques. Ca a duré un an. Maintenant, je suis intermittent du spectacle en tant que technicien son, en live et en studio. Après ma formation, j’ai continué avec le groupe de metal, jusqu’à ce qu’il s’arrête. Entre temps, on a eu aussi un autre groupe, je ne sais pas si vous en avez entendu parlé…

Guillaume : C’est vrai que ça fait partie de notre histoire. Ca s’appelait Les Supers.

Mickaël : Les Supers, en toute modestie.

Les Supers ?!

Mickaël : Oui, c’était du n’importe quoi. On faisait une chanson reggae, une chanson rock, une chanson metal, une chanson « chanson »…

Guillaume : Le tout sous le signe de l’humour quand même ! Ca marchait ou ça ne marchait pas !

Mickaël : C’était marrant… Bon, le groupe a eu une existence régionale, mais rien de plus ! Rien de très sérieux. Et après, pour des raisons diverses et variées — d’éloignement géographique surtout — ce groupe là s’est arrêté lui aussi. Guillaume a eu sa période parisienne, il a bossé pas mal là-bas. Quand il est revenu au Havre, le projet Your Happy End a commencé. Aurel et Guillaume ont voulu bosser ensemble plutôt que de faire de la zik chacun de leur côté. Et moi, j’ai rejoint le groupe, assez rapidement.

Ce sont Aurélien et Guillaume qui ont fait d’abord appel à toi ?

Mickaël : Pareil, tout ça s’est fait un peu naturellement.

Guillaume : On ne pensait pas à quelqu’un d’autre que lui. On avait besoin de quelqu’un qui pourrait nous conseiller, qui saurait nous critiquer… On a une relation d’amitié, mais si le truc ne le fait pas, il va le dire. Nous, on n’a pas le recul, tu vois ?

Mickaël : À trois, chacun donne son avis. « Moi je suis d’accord. » « Oui, mais pas moi ! » Ca nous permet de créer un réel échange.

Guillaume : C’est constructif.

Mickaël : Et puis on se serre les coudes. Au bout de deux ans, on a décidé d’enregistrer un truc pour avoir une petite carte de visite, histoire de trouver des dates à droite et à gauche. On s’est donc fait un petit enregistrement, un CD quatre titres. On a tout fait nous-mêmes. Comme des grands ! On y allait un peu à tâtons. Mais on avait tout le temps que l’on voulait, parce que c’était notre matos et parce qu’on faisait ça dans un endroit qui nous coûtait rien. On avait vraiment un lieu pour enregistrer, et on était dans notre cocon. On n’était pas pressé par le studio, et on n’avait pas à se dire « merde ! L’heure tourne et ça nous fait encore 300 euros ! » C’était très enrichissant, ça a vraiment permis au projet d’avancer d’un point de vue artistique. On s’est bien pris le chou, on a bien retourné les morceaux dans tous les sens…

Guillaume : On a évolué artistiquement… et Mickaël a évolué techniquement. Il a fait ses armes sur l’enregistrement de l’album.

Aurélien : Enfin, il a fait ses armes en studio, parce qu’en live il était déjà calé depuis longtemps.

YHE22_LD« Nous, on n’a pas le recul, tu vois ? »

Mickaël : Pour reprendre l’histoire… Nos stocks de quatre titres étant écoulés, il était temps de passer à un album. Il fallait franchir cette nouvelle étape dans la vie du groupe. Donc on a fait cet album — avec exclusivement des nouveaux morceaux, qu’on a encore enregistré chez nous, dans notre studio. Là aussi, on a franchi un niveau supplémentaire, dans le sens où on a pu améliorer le studio. Il était au tout début de sa vie quand on a enregistré le quatre titres, et puis j’ai investi dans du matériel…

Guillaume : Et puis le maxi a fait un peu de pub pour Mickaël, parce que les gens trouvaient qu’il sonnait vachement bien. Ca lui a permis de trouver d’autres groupes, d’autres plans.

Mickaël : L’enregistrement de l’album a quand même duré un an et demi. D’abord parce qu’on travaillait à côté… Il fallait bien croûter. Et puis on n’a pas été tout de suite satisfait du résultat, donc on a retravaillé des choses jusqu’à ce qu’on aboutisse aux versions finales qui sont sur l’album… Ensuite, on a fait le mastering à Bruxelles, parce qu’on voulait avoir une paire d’oreilles supplémentaire. Quand tu travailles depuis des mois sur un enregistrement, tu as vraiment la tronche dedans, tu finis par ne plus rien entendre, ou par entendre des trucs que personne d’autre n’entend… Tu deviens complètement cinglé ! Voilà pourquoi on est allé ailleurs. Ca nous permettait aussi d’atteindre un autre niveau technique, parce que c’était un pur studio de mastering, qui existe depuis une vingtaine d’années.

Comment ça se passe dans la composition ? Aurélien et Guillaume, vous écrivez un morceau, et puis… ?

Aurélien : Ensuite, on le fait écouter à Mickaël, et il nous dit ce qu’il en pense.

Guillaume : Si ça le fait, on passe en studio, si ça le fait pas…

Aurélien : …on ré-arrange.

C’est purement technique, ou bien est-ce que c’est aussi artistique ?

(en choeur) : Oui, c’est aussi artistique.

Guillaume : Parce que Mick a beau de pas avoir de pratique instrumentale, c’est un vrai zikos.

Aurélien : Il a une oreille. Et pour nous, c’est une vraie oreille extérieure.

Guillaume : Un tourneur nous a quand même dit que c’était notre troisième musicien… Sans lui on serait dans la merde !

Mickaël : Moi aussi je serais grave dans la merde !

(rires)

Mickaël : Je suis là quasiment à chaque concert.

Guillaume : Le seul concert qu’il ait raté, c’est parce que sa fille était sensée naître !

Mickaël : Bon, il m’arrive aussi d’avoir d’autres dates avec d’autres groupes. Mais j’essaie d’être là à chaque fois, parce que je suis très investi. C’est un projet éclatant.

YHE27_LD« Il a une oreille. Et pour nous, c’est une vraie oreille extérieure »

C’était votre décision de sortir l’album, même si vous n’aviez pas de label ?

Guillaume : Ouais.

Aurélien : Sinon, ça se mord la queue ! Pour trouver un label, il te faut un support de qualité. On en avait un, mais c’était un quatre titres qui commençait à avoir un peu d’âge… Donc on envoyait des démos, mais au bout d’un moment… les démos, ça saoûle, et il faut un premier album. Donc on a décidé — c’est un risque — de faire cet album sans label. On a un éditeur qui nous aide un peu. Maintenant… peut-être que c’était une connerie de faire ça si vite. Je sais pas. En fait, on est encore en plein travail sur l’album.

Guillaume : On cherche une distrib’.

Aurélien : On vend encore par téléphone… En fait, c’est pas encore fini. On peut pas encore dire « on a fait un album »… On est encore dessus, là !

Mickaël : Il y a encore tout le travail de diffusion…

Guillaume : On a cherché un contrat de licence, mais ça ne se fait pratiquement plus… Donc on s’est replié sur la distrib’. On va payer un repressage, avec le logo du distributeur… Parce que, pareil, les tourneurs ne veulent pas te prendre si tu n’es pas distribué. « On va pas te faire tourner au Mans si tu n’es pas dans les bacs des disquaires là-bas. Tu n’es pas visible… » Comme le disait Aurélien, ça se mord la queue. Par contre on est distribué numériquement : tu peux nous trouver sur Amazon, Deezer, Virgin… Numériquement, on peut nous acheter ! (rires)

Mickaël : C’est sûr que « physiquement », aujourd’hui… Avoir un CD dans les bacs, en fin de compte, ça n’est plus forcément une solution…

Guillaume : Maintenant, on se retrouve dans une situation bizarre, où des mecs nous disent : « ton album a déjà un papier dans les Inrocks alors qu’il n’est pas encore sorti ! »

Mickaël : Et puis en même temps, si tu ne fais pas ça, jamais personne n’écoute ta musique !

Aurélien : Il y a la musique du film, qui nous aide aussi…

Racontez-nous…

Aurélien : C’est Nicolas Engel, qui a fait La copie de CoralieLes voiliers du Luxembourg, et plein d’autres films, notamment pour Arte… Il avait téléphoné au pôle régional pour avoir une liste de groupes havrais « en vogue ». Il a écouté notre musique sur myspace, il a bien aimé, et il nous a contactés. Il est venu au Havre pour qu’on discute un peu, et on s’est rendu compte que ça le faisait carrément. Il nous a filé le scénario. Au départ, ça devait être un moyen-métrage, mais ce sera finalement un court-métrage, parce que le CNC n’était prêt à apporter une aide que si le film était réduit. Il faut d’abord qu’il y ait une trame musicale pour faire le film, parce que les acteurs vont chanter sur notre musique. Donc c’est un peu différent d’une musique de film basique, pour laquelle les musiciens jouent derrière un écran. Là, c’est nous qui allons devoir, en quelque sorte, créer l’émotion — pour permettre aux acteurs de parler ou de chanter sur la musique… En ce moment, on travaille avec Nicolas sur différents thèmes, différents personnages.

Guillaume : Pour le moment, ça ne ressemble pas énormément à ce qu’on a fait sur l’album.

Aurélien : C’est assez épuré.

Guillaume : En fait, pour bosser, Nicolas avait vraiment besoin d’une trame de base, piano-guitare au maximum. Du coup, ça nous cerne un peu le champ artistique. On ne crée pas de la même façon. Mais ça va être intéressant, parce qu’une fois qu’il aura validé le truc, on pourra…

Aurélien : …étoffer un peu le truc.

Guillaume : Il veut justement que ça ressemble un peu plus à ce qu’on fait d’habitude.

YHE44_AJ« C’est nous qui allons devoir, en quelque sorte, créer l’émotion »

Aurélien : C’est un vrai challenge en fait, parce qu’on n’avait encore jamais fait de musique pour quelqu’un. D’habitude, on suit notre instinct. Et là, il y a un mec qui nous dit : « il faudrait que ce soit un peu plus énervé », « un peu plus excité », « un peu plus lent »…

Guillaume : Il nous a demandé des trucs qu’on n’aurait jamais faits de nous-mêmes. Il voulait notamment un truc super classique… limite valse. On a mis au moins cinq ou six essais avant de lui présenter un truc qui lui plaisait. En même temps, c’est vraiment intéressant de travailler sur commande.

Aurélien : On fait aussi les dialogues ! C’est assez marrant… On s’improvise narrateurs-acteurs !

Guillaume : Oui, parce qu’il nous demande de poser des bribes de dialogue sur la musique. Genre, je joue une fille, et Aurélien un mec…

Mickaël : …dans la chambre ! (rires)

Guillaume : En plus il adore ça, Aurélien ! On reçoit le scénario, et il est super enthousiaste : « wow, c’est génial ! »

(rires)

Guillaume : Mais c’est super intéressant. En plus Nicolas Engel est un mec génial. Il est venu il y a deux semaines pour qu’on travaille sur un squelette… On commence à avoir une banque de thèmes, et comme il a besoin d’une maquette précise des sons, qu’il doit envoyer au CNC — qui demande des exemples concrets — on s’est dit : « on va faire deux chansons avec des paroles. Du concret. »

J’imagine que c’est prématuré de demander s’il y a une date de sortie…

Guillaume : Ah oui ! Au départ, Nicolas voulait le présenter à Cannes l’année prochaine, mais ça va être trop juste : il faudrait qu’il tourne en fin d’année… Mais pour commencer le tournage, il a besoin qu’on ait fini de composer la musique dans les grandes lignes, et qu’elle soit calée sur un tempo. Ensuite, les acteurs auront ça dans l’oreillette, poseront leurs paroles… et puis nous, derrière, on étoffera la musique. Le temps qu’on fasse tout ça… Je pense qu’il l’enverra en 2011, le film. Ce serait bien que ça sorte, parce qu’on y passe quand même beaucoup de temps !

Aurélien : Il y a aussi une personne qui nous a contactés pour utiliser une de nos chansons en générique de fin d’un autre court-métrage. C’est vraiment chouette d’être sollicité pour ce genre de projets audiovisuels. On nous dit souvent qu’on fait une musique atmosphérique, filmique ; ça se vérifie un peu avec ce genres de propositions. Pour nous, c’est une carte supplémentaire à jouer pour la diffusion du nom Your Happy End. Et puis Guillaume comme moi, on aime beaucoup le cinéma. Certains musiciens citent des références purement musicales, nos références à nous sont souvent des films. Je pense au film Ghost Dog : c’est une vraie référence ! Et une référencemusicale !

Guillaume : Il y a même des samples de B.O. dans nos morceaux ! On ne va pas dire où, les gens ne s’en rendent pas compte…

Aurélien : Modifiés, pitchés, patchés, poutchés…

YHE38_LD« On nous dit souvent qu’on fait une musique atmosphérique, filmique ; ça se vérifie un peu »

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