Your Happy End


Votre première répét ?

Aurélien : Ca devait être au fort de Tourneville.

Guillaume : Dans la ville haute. C’est vraiment le lieu où tous les groupes du Havre commencent. Ca sent la bière, le tabac froid…

Aurélien : C’était pas cher et je crois qu’on connaissait un peu les tauliers. Donc parfois on payait, parfois on payait pas. C’était un peu aléatoire.

Est-ce que le groupe a ses rituels, ses habitudes, lors des répétitions ?

Guillaume : Aurélien, oui !

Ah, on balance !

Aurélien : En gros… Je prends ma guitare, je l’accorde. Je mets 3000 ans à l’accorder, parce que je ne suis jamais tout à fait sûr. Et une fois que je me suis dit « ça doit être bon », je joue systématiquement les quatre mêmes accords.

Guillaume : Et puis il fait : « yes ! » Ca me fait rire !

Aurélien : Parce que je ne sais pas quoi dire, en fait !

Guillaume : Sinon on peut parler des VHS ? Parce qu’il est fan des cassettes VHS de karaté aussi.

Aurélien : Oui, il y a le cinéma en général… Mais le vieux cinéma fait avec des petits moyens, souvent, ce sont soit des films italiens, soit des films asiatiques. Et je suis assez friand de ça.

Et toi Guillaume ?

Guillaume : Moi, je suis assez psychorigide. Les câbles doivent être bien comme ça, et pas comme ça.

Ca doit être bien long vos répétitions !

Aurélien : C’est vrai qu’on se trimballe le matos tout le temps, et c’est plutôt long pour se mettre en place.

Guillaume : En fait, à chaque fois que les gens nous font jouer et nous voient arriver avec le camion, ils nous disent « à quoi ça sert d’avoir tout ça ?! ». Mais on leur répond, « mais si, vous allez voir, ça sert ! » Ca fait un peu déménagement…

Aurélien : Deux guitares folk, une guitare électrique, la boîte à rythmes, l’ordinateur, le synthé…

Guillaume : C’est pour ça que Mickaël, notre ingé son, est hyper important. Parce que le plan de scène et même la technique sont assez spécifiques.

YHE07_LD« Ca fait un peu déménagement »

Vous répétez régulièrement ?

Guillaume : En fait, on est un peu comme des gosses. Tu as un devoir à rendre… tu vas répéter ! On peut jouer dans notre chambre. À la base, ce n’est pas du tout une musique rock’n’roll et scénique. Vous verrez sur scène, on a vraiment l’impression d’être dans un cocon. La scène, c’est un peu notre chambre. Ce n’est pas ouvert. Et je pense que ça peut être difficile pour le spectateur. ..

Le plan de scène a toujours été comme ça ?

Guillaume : Oui.

Aurélien : Oui, il n’a jamais vraiment évolué.

Depuis votre premier concert ?

Guillaume : En fait, notre premier concert était en acoustique.

Aurélien : Je pense que ce premier concert a été le moment déterminant pour nous. Beaucoup de potes sont venus nous voir. On avait fait un set de plus de trente minutes. Mais on ne faisait que des chansons à la guitare. Tous les retours que l’on a eu étaient hyper encourageants, donc on s’est dit qu’on allait continuer le projet en électrique. L’acoustique c’était sympa, mais on avait vraiment à cœur de jouer avec les machines…

Guillaume : On est quand même vachement attachés au rythme et à la puissance. Moi je reste fan des grosses caisses et des grosses basses. Ca me prend au ventre, et au final je m’y retrouve davantage. Quand on joue de la guitare, je trouve ça plus fin et peut-être beaucoup plus sensible… Et puis il y a aussi un aspect pratique. Pour des premières parties, c’est hyper simple de jouer en acoustique : on a juste besoin de prendre les deux guitares. Autrement, les mecs nous voient arriver, et ils ne veulent pas bouger leur matos !

Aurélien : Même avec deux guitares on prend notre pied. Mais il y a moins de challenge.

Guillaume : Après, on est un peu plus naturels avec seulement deux guitares. Autrement, avec tous les changements d’instruments… C’est un petit peu plus chaud. Mais c’est ça qui est grisant aussi.

Aurélien : C’est un peu stressant. Guillaume a toutes ses machines d’un côté, et on ne peut pas les mettre n’importe où. On ne peut pas trop s’éparpiller. Ca nous prive de quelques libertés finalement : c’est assez millimétré.

Guillaume : C’est vrai que ça ne nous permet pas d’être très naturels. Souvent on nous a reproché d’être chacun trop dans notre bulle. Il y a des concerts qu’on a faits, par exemple, pendant lesquels on ne s’est pas regardé une seule fois ! Les machines sont souvent dos à Aurélien, donc parfois je suis là et je réalise d’un seul coup : « oh putain, il est là lui aussi ! »

(rires)

Aurélien : C’est pour ça qu’on fait vachement attention maintenant. Evidement ça joue à fond ! Même le style vestimentaire… Tout compte. Quel que soit l’endroit où tu joues, quel que soit le public… Alors maintenant, on se force à bien se regarder. Et en fait, ça devient naturel.

Guillaume : Oui, on ne se force même plus. Je me suis rendu compte qu’effectivement, ça m’apportait énormément de sentir que je ne n’étais pas tout seul sur scène.

Aurélien : Qu’il y avait un mec derrière toi !

Guillaume : Souvent, on arrivait en scène vachement stressés, c’était presque maladif… justement parce que dans nos têtes on était seuls. Dans notre précédent groupe, on déboulait à six sur scène, c’était facile… Là, à deux sur scène, t’es à poil !

Aurélien : En plus, ce qui était horrible à nos débuts, c’est qu’on commençait par le morceau le plus difficile de notre set ! On se disait « Bon, au moins comme ça, on sera débarrassé ! » Mais ce n’est vraiment pas ce qu’il faut faire !

Guillaume : C’était complètement con. On s’est rendu compte que c’était la pire des erreurs.

Aurélien : On ne s’est jamais vraiment planté mais… On était trop stressés.

Guillaume : Et puis ça, tu l’apprends en faisant des concerts. Tu sais qu’il y a des chansons que tu peux seulement mettre à certains endroits…

YHE51_AJ« À deux sur scène, t’es à poil ! »

Comment ressentez-vous la scène ? Est-ce que vous percevez qu’il y a un public ?

Aurélien : Oui, quand même ! Mais c’est vrai que ça dépend des concerts…   Guillaume : Il y a des fois où je suis sur scène, je joue, et j’oublie qu’il y a un public !

Aurélien : Parfois, tu as l’impression que l’ambiance ne monte pas, alors que si… En fait il y a vraiment des fois où tu vis le truc avec le public, et d’autres fois où le public est carrément décroché. Comme on se le disait un soir, il n’y a pas deux concerts qui se ressemblent.

Est-ce que le fait qu’il y ait des machines et que ce soit très milimétré joue sur votre relation au public ?

Guillaume : Déjà, on n’est pas du genre à faire frapper les gens dans leurs mains, ou à essayer de rallonger un morceau pour faire participer le public. Ce n’est pas du tout ça !

Aurélien : On est incapables de ça.

Guillaume : C’est un peu : soit le public rentre, soit il ne rentre pas.

Aurélien : C’est vrai que ça formate un peu notre attitude sur scène.

Guillaume : Ce n’est pas une musique…

Aurélien : … à l’arrache ! On ne veut pas faire trop d’impro. À part sur certaines chansons.

Guillaume : En fait, souvent les gens ferment les yeux… Ils ont tendance à se laisser emporter et ils ne regardent même pas. C’est de la drogue ! C’est ce qu’ils disaient d’ailleurs dans les Inrocks, qu’on avait une musique de drogués, alors qu’on ne se drogue pas du tout ! Vous trouvez que c’est une musique de drogués ?

Non, je dirais à la rigueur qu’il y a un côté trip-hop… un peu poétique !

Guillaume : Poétique ? Oui, on l’est complètement ! Moi un peu moins, je crois, mais Aurélien… ! Sur notre site web, qui sera bientôt prêt, on mettra les paroles. On ne les a pas mises avec le CD… Les gens sont un peu déçus, mais c’était un choix esthétique. On voulait qu’il n’y ait quasiment rien d’écrit.

Aurélien : Moi, quand une chanson m’interpelle, je n’ai pas envie d’avoir les paroles tout de suite. Je préfère aller les chercher. C’est plus drôle.

Guillaume : Et puis… le visuel avant tout !

Aurélien : Oui, ça fait un peu années 80 de mettre les paroles dans le livret du CD.Années 80 ou hip hop. Souvent les groupes de hip hop mettent les paroles, mais nous, nous n’avons rien à revendiquer de particulier. Ca ne sert à rien de mettre en avant des paroles un peu poétiques, qui racontent une petite histoire qui n’est pas forcément… Qui n’a pas forcément sa place sur un livret avec un super design !

YHE15_LD« Souvent les gens ferment les yeux »

Dès le début, vous avez joué vos propres compos, ou bien vous aviez des reprises ?

Guillaume : Pas de reprise. Il faut qu’on en trouve une d’ailleurs. On cherche… Ca fait cinq ans qu’on en discute ! On se dit qu’une reprise doit vraiment être arrangée à notre goût et ne pas être une pâle copie d’un truc vraiment bien. Il y a tellement de groupes qui font de mauvaises reprises, je trouve. J’ai en souvenir un groupe qui avait repris du Radiohead, « Karma Police », pendant un festival. J’avais honte pour eux. Je préfère ne rien faire !

Aurélien : Parce que Placebo qui reprend les Pixies, ça ne sert à rien.

Guillaume : J’aimerais bien trouver une reprise… un truc, tu mets trente secondes avant de comprendre que c’est une reprise ! Le but, c’est aussi de trouver une reprise totalement décalée. Un truc qui ne ressemble par forcément à ce que l’on fait déjà.

Ce qui n’est pas trop difficile, en même temps !

Guillaume : C’est vrai… Mais il faut aussi que ce soit bien ! Tu vois, Michel Sardou… bon, ça ne ressemble pas trop à ce qu’on fait, ça serait un peu décalé, mais j’ai pas tellement envie…

Où est-ce que vous avez enregistré vos deux maxis ?

Guillaume : Le premier maxi, on l’a fait tout seuls, tous les deux. Il a juste était masterisé par un pote. Et le premier « vrai » maxi a été fait avec du meilleur matos, mais pareil, chez ma grand-mère.

Aurélien : Avec une une grosse table de mixage…

Guillaume : Une grosse table de mixage dans la salle à manger.

Aurélien : Et de bons micros… Les chants ont été fait dans un studio, quand même.

Guillaume : En fait, on a enregistré une grande partie chez ma grand-mère, et pour le reste… On a rencontré des gens qui avaient déjà un petit studio, pas loin d’ici, et qui nous ont dit de venir. Donc on a fini le maxi là-bas.

Donc vous avez commencé en home studio et fini en studio.

Guillaume : Mais avec le même matériel finalement. Eux n’avaient pas trop de matos… On a ramené notre matos et on s’est mutualisé.

Et l’album, pareil ?

Guillaume : Et l’album, pareil !

Aurélien : Enfin, uniquement en studio.

Guilaume : Au même endroit. Mais il a été masterisé en Belgique. Au fil des années, on a investi de l’argent. Mickaël de son côté a fait plein de plans pour d’autres groupes, il a chopé de l’argent et a pu investir dans des micros et du matos… On s’est auto-produit comme ça. Donc c’est de l’auto-prod, mais c’est malheureusement aussi ce qui nous met des barrières.

Vous le sentez ?

Guillaume : Je pense que si on allait dans un studio assez reconnu, on rencontrerait d’autres gens, qui eux-mêmes connaîtraient… Tu vois, c’est une histoire de réseau, toujours. C’est bien de faire ses trucs tout seul, tu apprends… et tu peux quasiment tout faire, on va dire… Mais tu te fermes à des opportunités et à des rencontres.

YHE32_LD« On a un peu peur des distances »

Et la masterisation en Belgique, c’était des gens que vous connaissiez ?

Aurélien : Non, c’était juste un nom.

Guillaume : C’était un mec de Belgique qu’Aurélien a rencontré… Il a fait les premiers albums de Deus et d’autres trucs plutôt bien. Moi, j’aurais aimé faire masteriser l’album par un mec qui fait du hip hop à Los Angeles, et qui a masterisé pleins d’albums que j’adore.

Aurélien : Mais on a un peu peur des distances…

Guillaume : En fait, on aurait pu lui envoyer sur serveur, ça se fait vachement. Mais nous on voulait être à côté, et Mickaël aussi. Et comme on n’avait pas assez de thunes pour aller passer une semaine à Los Angeles… on s’est dit que Bruxelles était quand même une ville très connue pour le rock…

Aurélien : C’était sympa. Un bon petit séjour. On était partis à Lille la veille…

Guillaume : On a joué sur Lille et le lendemain, on est parti masteriser en Belgique. On est resté toute la journée au studio et le soir on est reparti avec les CDs. Finalement, l’enregistrement de l’album aura quand même duré un an et demi !

Aurélien : Parce qu’en fait, on bossait tous à côté. On était un peu éparpillé, et ça a pris beaucoup de temps. Je ne sais pas comment ça se serait passé si on avait bloqué deux mois…

Vous aviez écrit les chansons avant d’entrer en studio ou bien … ?

Guillaume : Il y avait une partie des morceaux qui étaient déjà écrits, et qu’on jouait jouait déjà en live. Une autre partie qui avait déjà été écrite mais jamais jouée en live. Et une dernière partie, composée et enregistrée en même temps. Selon moi, les morceaux de l’album sont plus ou moins à maturité. On est rentré en studio en septembre 2008, on a commencé à enregistrer des trucs, et on a trouvé ça archi-nul. Ca n’allait pas du tout, c’était tout pourri !

Aurélien : Alors il y a eu une grosse pause.

Guillaume : On s’est rendu compte qu’il valait mieux maquetter à la maison, mettre tout à plat, et qu’une fois qu’on serait content des grandes lignes, on serait bon pour le studio. Du coup, on est reparti chez moi, on a maquetté quatre chansons, qu’on a enregistrés ensuite en studio. Quatre chansons à la maison, quatre chansons en studio. Donc voilà, ça a été fait sur ce rythme.

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