Your Happy End


Aurélien Bortoluzzi : Moi, c’est Aurélien, je fais de la guitare et je chante. Je fais un peu de piano et de synthé. J’ai 29 ans, et ça c’est assez important.

Your Happy End est ton premier groupe ?

Aurélien : J’ai commencé quand j’avais 10 ans avec mon père, qui fait du piano. Ensuite, j’ai appris la guitare tout seul, ce que je n’aurais pas dû faire, parce que j’ai eu plein de lacunes par la suite. J’ai longtemps joué tout seul et ensuite, j’ai eu un groupe de metal hardcore avec Guillaume qui s’appelait High Scream. On y a fait nos armes.

Guillaume Zolnierowski : Ca a duré de 1996 à 2002. Notre période ado… post-ado.

Aurélien : Quand ça s’est terminé, je suis resté au Havre. J’ai continué à jouer un peu. Je me suis enregistré sur mon ordinateur avec les quelques chansons que j’avais. Des albums entiers, uniquement pour moi. C’était entre le folk et la pop, un peu expérimental. J’ai continué mes études à l’école d’art et au bout d’un an, j’ai arrêté. Ensuite j’ai travaillé au cinéma. Guillaume était à Paris et travaillait pour le cinéma. Il rentrait tous les week-ends et enregistrait aussi chez lui. On essayait de se voir pour mélanger nos disques durs.

Guillaume : En gros, entre 2002 et 2005, on n’a fait que des trucs chacun de notre côté. Début 2005, on a décidé de mixer nos esthétiques, qui étaient plutôt différentes.

Quelles sont tes influences ?

Aurélien : C’est d’actualité, mais je m’en fous, j’assume : Michael Jackson. S’il n’avait pas été là, je ne pense pas que j’aurais rêvé d’être chanteur. J’ai découvert sur le tard. Le déclic pour moi, ça a été le clip de « Smooth Criminal » — j’ai presque voulu lui ressembler !

Guillaume : C’est vrai que tu as réussi cette conversion Michael Jackson de façon fulgurante. (rires)

Aurélien : Sinon, je suis plutôt pop, rock, folk, mais je n’ai pas trop de barrières. Comme Guillaume, j’aime bien le rap old school. Mais ce qui me touche le plus, c’est quand même les trucs pop. Et il y a un album que j’aime particulièrement, c’estKing for a Day, Fool for a Lifetime de Faith No More. Cet album est hyper éclectique, il est ouvert à tous les styles.

Guillaume : Tout a été fait aujourd’hui. C’est dur d’inventer quelque chose de nouveau. Le seul moyen, c’est de mixer des styles. Je n’ai pas la prétention de dire que ce qu’on fait est nouveau, mais au moins, on essaie d’apporter quelque chose.

Tu as commencé la musique à quel moment, Guillaume ?

Guillaume : J’ai commencé la guitare à 14 ans. C’est mon père qui m’apprenait des morceaux des Beatles. Rapidement après, je me suis mis à la guitare électrique. Je jouais du metal, du hard rock : AC/DC, Sepultura… Tout y est passé. J’ai commencé à monter High Scream avant l’arrivée d’Aurélien. Le but, c’était de monter un groupe et d’apprendre à jouer les instruments en même temps. C’était très formateur. On est rentré dans une dynamique, on se voyait tous les samedis. Le line-up a beaucoup changé avant qu’Aurélien n’arrive. On a commencé à avoir une petite notoriété…

Aurélien : La petite anecdote sur ce groupe, c’est que je suis arrivé sans savoir que c’était aussi violent. J’ai fait un casting pour le groupe sur « Anarchy in the UK » des Sex Pistols, parce qu’on connaissait les paroles et la musique. Et ensuite, Guillaume m’a dit : « la semaine prochaine, tu te ramènes avec ‘Chaos A.D.’ de Sepultura ». Moi, je n’avais aucune idée de comment on faisait pour chanter comme ça !

Guillaume : Le groupe s’est arrêté au moment où je suis parti des Beaux Arts du Havre pour aller à Paris. Et j’en ai eu raz le bol. J’étais dans le cinéma et ça ne me plaisait pas. Les tournages de film, tu passes ton temps à attendre. La musique me manquait beaucoup.

YHE01_LD« Les tournages de film, tu passes ton temps à attendre. La musique me manquait beaucoup »

Qu’est-ce que tu écoutais ?

Guillaume : Au début, c’était super bourrin… la rébellion adolescente ! Et j’ai eu un déclic quand j’avais 11 ans. Je suis descendu en bus chez le disquaire. L’album — le premier que j’ai acheté — c’était Apocalypse 91 : The Enemy Strikes Black de Public Enemy. La pochette m’a fait halluciner. Tu avais les deux mecs du groupe et leurs danseurs habillés en militaires, et puis une cible avec un keuf dedans, je me suis dit « waow, qu’est-ce que c’est que ça ?! » À 11 ans, je me suis pris une grosse claque. Je ne savais pas trop si j’aimais bien. Quand je suis arrivé aux Beaux-Arts, je me suis vachement ouvert. J’ai commencé à écouter de l’abstract hip hop, DJ Shadow et compagnie, et le hip hop moins revendicatif, comme A Tribe Called Quest. Mais je ne suis pas très côte ouest. Dr. Dre, ça me branche moyen. Je suis plutôt bitume du Bronx que piscine de Beverly Hills. Je suis plus axé rythmique. Tout ça m’a mené au funk et à la soul, et j’ai compris d’où venaient les samples de batterie et le hip hop. De là, j’ai moi-même commencé à sampler des instrus. Et la guitare… Je préfère jouer des choses jolies que d’en écouter. C’est assez bizarre. Je ne suis pas sûr que j’écouterais la musique de Your Happy End si je ne faisais pas partie du groupe !

Comment Your Happy End a-t-il commencé à prendre vraiment forme ?

Guillaume : Ce sont les potes. Nous, on n’y croyait pas du tout, mais on avait des potes qui passaient à l’appart et qui nous encourageaient à continuer.

Aurélien : Oui, c’est vrai… Nous on faisait ça d’abord pour le plaisir. On avait l’habitude d’avoir le coup de stress du week-end. On arrivait en disant : « j’ai des paroles marrantes, on va essayer de les caler sur l’une de tes instrus ! » Ou bien : « j’ai fait une chanson d’amour parce que je suis dégoûté de la vie, alors on va essayer d’en faire quelque chose ! » Et là, des gens nous disaient que c’était vachement bien.

Guillaume : Parce qu’à la base, on n’a pas trop confiance en nous. Il a fallu que des gens extérieurs nous disent qu’il fallait qu’on fasse quelque chose. Ils étaient « émus » par ce qu’on faisait. Ce sont toujours eux qui ont été le moteur. Moi, de mon côté, je gagnais un peu de thune sur Paris (plus que maintenant !), et j’ai pu investir dans du matos d’enregistrement : c’est à ce moment-là qu’on a commencé à se faire un premier maxi de quatre titres, un premier jet, en 2005. C’était juste nous deux, dans notre chambre. Et on a enregistré le CD directement, sans jamais avoir joué en live.

Aurélien : D’ailleurs, le CD, je crois bien qu’on l’a enregistré parce qu’il y avait un concours dans le journal local. Un truc organisé par la mairie.

Guillaume : On s’est dit : « tiens, pourquoi ne pas le faire ? » Et on a fait ça sans Mick [Mickaël Mayeu, leur ingé son], uniquement avec deux guitares. En deux secondes on l’a envoyé et ils nous ont dit qu’on était pris, et qu’on jouait dans deux semaines ! On était paniqué, mais on l’a fait quand même. Carrément foireux ! Mais les gens étaient contents. Alors on a continué et on a commencé à se monter un répertoire un peu plus consistant. Et moins éclectique finalement, on a un peu recentré les choses.

Guillaume : Au départ, ce n’était quasiment que de la guitare.

YHE05_LD« Je suis plutôt bitume du Bronx que piscine de Beverly Hills »

Il n’y avait pas encore toute la partie electro ?

Guillaume : Absolument. La touche vraiment electro est arrivée vers 2006. Comme je le disais, j’ai acheté tout ce matos, et le temps que je le comprenne un peu, que j’assimile un peu comment on s’en servait… ça a duré un moment. Au début, les concerts, c’était hyper archaïque. J’avais des séquences de batterie sur la boîte à rythmes, et lorsque la chanson commençait, j’appuyais ! Sauf que parfois, au bout de trois minutes, ça se décalait un peu. Donc on s’est rendu compte que c’était difficile. On s’est dit : les mecs qui font du hip-hop mettent ça sur cd, pas de tabou. Alors je l’ai mis sur cd. C’est quand même beaucoup plus simple. Et moins casse-gueule. Si tu veux, normalement, j’utilise cette vieille boîte à rythmes, qui a un vrai son crade. C’est une grosse boîte qui fait tous les sons hip-hop 80’s et 90’s… mais ça ne sert à rien que je l’utilise sur scène.

Et le fait de rester à deux ?

Guillaume : On ne l’assume pas trop !

Aurélien : En fait, ça a ses avantages et ses inconvénients. Déjà, au niveau des disponibilités, c’est plus simple. On est tous les deux à fond sur le groupe — ce qui n’est pas forcément le cas quand on est six ou sept. Et au niveau des compositions, il y a moins d’embrouilles.

Guillaume : Et puis aucun de nous deux n’a véritablement de carrière professionnelle. Nous tout ce qu’on veut faire, c’est de la zic. On ne voudrait pas être avec des gens moins investis que nous.

Quel a été le premier morceau de Your Happy End ?

Guillaume : Je dirais « Weigh Down ».

Aurélien : « Weigh Down ».

Guillaume : Le morceau qu’on vous a joué sur les rails ! C’est vraiment le premier morceau représentatif de notre univers, puisqu’il intégrait aussi bien de l’électronique que des guitares électrique et acoustique. « Weigh Down », on l’a vraiment créé ensemble. Limite 50/50. On l’a enregistré pour le tout premier maxi et on l’a refait pour l’album.

Ce « premier maxi », c’est donc celui que vous avez fait à l’arrache ?

Guillaume : C’est le tout premier jet, oui.

Aurélien : Pour les potes…

Guillaume : Celui-là n’a même pas été envoyé. On l’a filé aux potes, à la famille… Et le « vrai » premier maxi, qu’on a fait un an plus tard, a été envoyé et a eu quelques chroniques, notamment dans Rock&Folk. On a eu des retombées qui nous ont aidés — en tout cas à être connus dans la région. On a fait les plus gros festivals de la région. On a été pré-sélectionnés pour le printemps de Bourges…

Aurélien : Il y a eu un petit déclic ! Comme le disaient lesInrockuptibles, on était dans les 80 pré-sélectionnés. Ce qui n’est pas rien ! On était super contents. Et même à deux doigts d’être pris pour la compilation finale, alors oui, ça fout un peu les boules. Mais déjà c’était une victoire, quelque part.

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