Toy Fight


Parlons un peu du premier concert.

David Simonetta : Il y a eu deux « premier concert ». Il y en a un qu’on peut passer sous silence ! C’était à l’époque où nous n’étions que trois. Ca s’est fait dans une espèce de théâtre pour enfants. Notre batteur était un mini-disc branché sur les enceintes.

Maxime Chamoux : Le public était constitué essentiellement de nos familles et de nos amis proches, donc ce n’était pas un vrai concert.

David : La moitié des trucs était sur mini-disc. On va dire que scéniquement, ça n’envoyait pas le steak ! (rires)

TF14_LD« Ca n’envoyait pas le steak ! »

Et alors, le vrai premier concert ?

David : Ca, pour le coup, c’est un très bon souvenir.

Sébastien Broca : Notre premier concert avec tout le groupe de Toy Fight, c’était au Réservoir en septembre dernier. Il y avait toujours uniquement nos amis et nos parents ! (rires)

Maxime : On avait un peu le cliché en tête du premier concert foireux. On s’en est bien sorti.

Donc en septembre, vous étiez tous les cinq…

David : … tous les six !

Sébastien : C’est vrai qu’on n’a pas beaucoup parlé de la sixième membre. Pauline alias Mina Tindle. Elle chante sur certains morceaux et elle fait un peu de clavier sur scène. Elle n’apparaît pas beaucoup sur l’album. Mais elle est avec nous sur scène.

À quel moment est-elle arrivée ?

Maxime : Elle a toujours été plus ou moins là. Même sur de très vieux morceaux comme « Victim’s Hairdo », l’un des premiers titres qu’on a enregistrés, c’était déjà un duo à la voix entre Seb et Pauline.

David : En fait, c’est une très vieille amie. Il se trouve que j’ai continué à faire de la musique avec elle, parce que j’ai un autre groupe qui s’appelle The Limes dans lequel elle chante davantage.

Pour revenir au premier concert… Vous avez commencé l’enregistrement en septembre 2007, et vous n’avez fait aucun concert pendant cette année.

Maxime : Mine de rien, on a mis huit mois à enregistrer l’album, mais ça a été assez intensif. On a quasiment passé un an dans deux appartements, l’appart que louaient en colocation Seb et David, et l’appart que louait ensuite David tout seul. Même si on a mis très longtemps, c’est une période où on se voyait quasiment tous les jours. Il ne nous est pas venu à l’idée une seule fois de répéter pour du live, parce qu’on était tellement dans l’album…

Sébastien : … On a vraiment voulu faire les choses l’une après l’autre.

TF17_LD« une très vieille amie »

À ce jour (février 2009), vous avez joué assez peu de concerts : pourquoi ?

Sébastien : Ce n’est pas toujours facile de réunir tout le monde, chacun ayant ses occupations de son côté. C’est un peu la raison principale.

Maxime : En plus, pour Jean et moi, il y a aussi le fait que l’on connaît les salles un peu merdiques à Paris. C’est vrai que c’est un truc snob, mais il y a cette tendance à éviter les endroits où on sait que ça sonnera mal et qu’on sera mal reçu. C’est vrai que si on avait voulu, on aurait pu faire plus de concerts. Mais il y a des lieux où la musique de Toy Fight, qui demande à ce que tu entendes bien tout ce qu’il y a dans les arrangements, ne passe pas.

Sébastien : Dans les mois à venir, ça sera amené à changer, parce qu’on a déjà pas mal de dates prévues.

Quelle a été votre approche du concert ? Est-ce que vous avez essayé d’adapter les morceaux ? Ou de les retranscrire fidèlement ?

Sébastien : C’est variable selon les morceaux. Pour certains, on s’est dit que la version studio marchait bien sur scène et pour d’autres, on a plus ressenti le besoin de retravailler…

Maxime : Pour les concerts de février, on a été dans cette réflexion : savoir comment adapter les morceaux de l’album à la scène (« Where The Avalanches Are », « Golden Make Up »). Du coup à l’International, il y a des gens qui nous ont dit : « ah, mais ceux-là, vous les avez encore réadaptés ! »

Et maintenant, vous avez un set assez défini ?

Maxime : Maintenant, on a envie d’apporter de nouveaux morceaux. On s’ennuie assez vite en fait.

David : Le problème, c’est que dès qu’on commencer à s’ennuyer, on change les morceaux. Autant en rajouter des nouveaux, ça nous évitera de toucher aux anciens ! (rires)

Maxime : On a une petite dizaine de morceaux issus de l’album qui commencent à marcher correctement sur scène. C’est vrai qu’en tant que compositeurs, on a envie d’injecter un peu de sang neuf et apprendre des nouveaux morceaux à Bertrand, Jean et Pauline.

Eux ne rentrent absolument pas dans le processus de composition ?

David : C’est déjà tellement le bordel à trois… Donc non.

Sébastien : Ils ne rentrent pas dans la composition, si ce n’est pour leur partie respective.

La genèse de « High Noon » ?

David : « High Noon », l’histoire est marrante déjà, parce que c’est grâce à ce morceau là qu’on a été signé. Il y avait un blog musical, Gorilla vs. Bear, qui est très influent aux Etats-Unis et il y ont publié un post sur ce morceau. A la base, le morceau s’appelait « Crystal Bass Terror ».

Sébastien : Un nom pourri, mais dont on ne donnera pas la clé. (rires)

David : Il se trouve que c’est là que Christof de City Slang nous a découverts. Il avait eu une discussion avec un ami et lui disait « la musique en France, c’est pourri »… Son pote lui a dit : « sur Gorilla vs. Bear, ils ont posté un truc, c’est pas mal, tu devrais aimer »… La seule condition que City Slang avait posé à la réalisation du disque, c’était qu’il y ait ce morceau. L’idée dans ce morceau, c’était de mettre tout ce qu’on kiffait à l’époque, sans aucun complexe. C’était le morceau référencé par excellence, c’est-à-dire qu’il y avait du New Order, du Arab Strap, un final à la Mogwai… L’idée était de mettre tout ce qu’on aimait sans notion de bon goût, mais ça a marché. On était très content. Plus tard, on a du retravailler le morceau, et pareil, on retrouve plein de petites références à ce qu’on aime — sauf que les goûts ont évolué… C’est la même chanson, mais ça n’a rien à voir avec la première version. Cette fois, il y a du Maison Neuve, il y a des cuivres à la Go ! Team, il y une basse à la Joy Division, des chœurs à la Animal Collective…

Sébastien : Il y a eu une période où on savait qu’on devait le refaire, parce que c’était les exigences de City Slang. Mais juste, on n’y arrivait pas. Avant de réussir la version de « High Noon » que vous connaissez, David a aussi tenté une version épurée, acoustique, en changeant encore une fois les accords.

Maxime : Seb et David habitaient ensemble et on a passé une après-midi entière à essayer de refaire « Crystal Bass Terror »/ « High Noon », qui sont des morceaux jumeaux, en version un peu new wave, et on a échoué.

Sébastien : À la fin de l’après-midi, David a pris des accords à la guitare acoustique et fait une version country et débonnaire. Finalement cette version est restée, et c’est devenu « The If Song » sur l’album.

David : Ca a quand même suscité un mouvement de réaction de la part des deux. Ils se sont dit : « ça va pas être ça ». (rires)

Maxime : C’est vrai qu’on voulait quand même en faire quelque chose de tubesque, parce qu’à la base, c’était la condition de City Slang. Donc on a sorti la boîte à rythmes et encore une fois, ça a échoué. Et pareil, de façon un peu symétrique, un jour, à la fin de la journée, je me propose, avec juste les arrangements qu’on avait, de jouer de la manière la moins synthétique possible : donc moi au piano, au lieu du synthé, et guitare acoustique au lieu de l’électrique. On a enregistré avec un micro au milieu de la pièce la chanson telle qu’on la sentait, de la manière la plus dynamique possible, mais en acoustique. Et on chantait comme on l’entendait spontanément. Cet embryon qui allait devenir « High Noon » était super bien. C’était vachement plus sec, plus nerveux. On a trouvé le truc. Ensuite, il a juste fallu tirer un peu le fil pour pouvoir structurer le morceau.

Sébastien : Pour synthétiser tout ça, tout est parti d’un morceau, « Crystal Bass Terror », new wave et putassier, qui est finalement devenu deux morceaux, « The If Song », country et débonnaire, et « High Noon ». Les deux morceaux sont sur Peplum.

TF12_LD« On a trouvé le truc. Ensuite, il a juste fallu tirer un peu le fil »

Ca a dû être un peu casse-tête de savoir dans quel ordre les mettre sur l’album.

Maxime : Pas tant que ça. On a adopté une solution ludique, puisque les deux morceaux sont séparés par mon interlude. On s’est dit qu’il ne fallait pas que les deux morceaux se suivent…

David : … En même temps, s’ils étaient trop loin, personne n’aurait vu le rapport.

Parlons un peu de la tracklist de l’album. Sur Peplum, chacun de vous a son interlude. D’où vient cette idée ?

Maxime : Il y a eu un moment, pendant l’enregistrement de l’album, où nos constants débats et discussions, au-delà de nous prendre la tête, sont devenus une blague. J’étais dans le métro et je me suis dit : « tiens, mais pourquoi ne pas se ménager chacun un encart dans l’album où on fait ce qu’on veut, où on a carte blanche et personne n’a droit de regard sur ça ? » Et en allant dans le fond du truc… c’est une pure crise d’ego. Ca va jusqu’à appeler les interludes par nos noms. On avait chacun trente secondes, chacun avait le loisir de faire ce qu’il voulait.

David : C’est Seb qui a commencé et on s’est bien foutu de sa gueule quand il a terminé. Il faut savoir quand même qu’au début, son interlude s’appelait « Apples and Nuts : Music for Social Democrats ». (rires)

Sébastien : En fait, il y a une raison derrière. C’était le titre cliché de l’image que me renvoyaient mes acolytes. C’est vrai que quand j’habitais avec David, je mangeais souvent des pommes et des noix à la fin des repas (rires). Et par ailleurs, j’ai une ascendance suédoise… La Suède, patrie de la social-démocratie. (rires)

Et comment s’est fait la répartition des morceaux ?

David : Dans la douleur !

Maxime : En fait, on savait ce par quoi on voulait commencer et ce par quoi on voulait finir. En fait, cette tracklist, c’est une synthèse de nos trois tracklists en fait. Chacun fait sa tracklist… Oh ! les geeks… (rires)

Sébastien : Après, on a discuté et on a fini par voter, comme d’hab. À 4h du matin, c’était plié.

TF18_LD« On a fini par voter, comme d’hab »

Donc « High Noon », c’est votre premier single. Est-ce votre choix, ou celui de City Slang ?

David : En fait, quand on a remis l’album fini à City Slang, ils n’avaient pas encore écouté une seule note. Ils ont voulu n’avoir strictement aucun contrôle sur l’enregistrement, ce qui est tout à leur honneur. On leur a remis l’album fini. Christof a juste mis un veto sur le mix, comme on l’a dit, et nous a fait changer deux chansons dans la tracklist, mais il n’a rien viré, ni ne nous a demandé d’en rajouter. Même une chanson qu’il aimait beaucoup, « Victim’s Hairdo » (qui était sur l’EP), on a décidé de ne pas la mettre sur l’album. Il a respecté ce choix. On a dit à City Slang qu’on pensait à « High Noon » comme premier single…

Maxime : … Ils étaient assez surpris d’ailleurs.

En dehors de la musique, quelles sont vos autres passions ?

Maxime : Je vais te dire le foot.

Sébastien : C’est que je voulais dire aussi.

David : Par contre, moi, pas du tout.

Maxime : Et puis, c’est moins vrai pour moi peut-être que pour David et Seb, mais on a tous gardé des contacts avec la philo.

Vos auteurs préférés ?

David : Ah, c’est sympa comme interview ! Vas-y Seb.

Sébastien : J’aime beaucoup Cornelius Castoriadis. Je vais me faire traiter d’horrible gauchiste en disant ça. Sinon…Non en fait, je n’en ai qu’un.

Maxime : C’est peu original de dire ça, parce que c’est la mode en ce moment. Quand on s’est rencontré en prépa, j’ai découvert Michel Foucault, que j’ai beaucoup lu depuis.

David : Moi, c’est plus ancien. Il y en a beaucoup, mais celui sur lequel j’ai le plus travaillé, c’est Gottfried Leibniz.

Est-ce qu’on peut dire que cet intérêt pour la philo et toutes les choses littéraires dans l’ensemble est une influence ?

David : Vraiment pas du tout !

Sébastien : Je dirais qu’il y a une séparation absolue… Ou alors à un niveau très souterrain, mais je n’ai pas l’impression.

David : Quand on faisait de la musique en prépa, c’était pendant dans nos heures creuses. Ce n’était clairement pas de la musique d’intello. On a connu pas mal de gens qui étaient en philo et qui voulaient que la musique soit une extension de leur pensée. Pas pour nous. Après, ça ne veut pas dire que je trouve que notre musique est débile, mais je ne crois pas qu’il y ait vraiment de liens entre les deux.

Maxime : Les gens qui voient le fonctionnement interne du groupe vont avoir une réaction du genre « bon Dieu, qu’est-ce qu’ils se prennent la tête pour des micro-détails ! ». Donc voilà peut-être la seule façon dont ça transparaît dans notre musique : une certaine joie à se prendre la tête.

Sébastien : On a l’habitude d’intellectualiser tout ce qu’on fait et de débattre préalablement pendant des heures.

Maxime : De la philo, on a gardé le goût du débat…

David : … le côté relou de la philo.

Comment est-ce que vous vivez le fait de jouer dans Toy Fight ?

Sébastien : Quand on a commencé, c’était une vraie activité récréative.

Ça l’est toujours aujourd’hui ?

Maxime : Forcément, dès que tu commences à signer des contrats avec une maison de disques. Inconsciemment, quelque chose s’opère et tu te dis : il faut qu’on assure, qu’on écrive de bonnes chansons. Ca officialise la chose. Maintenant, il faut que ce soit bien.

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