Toy Fight


Sébastien Broca : Dans Toy Fight, nous sommes trois à chanter alternativement, à peu près le même nombre de titres chacun. Je fais de la guitare acoustique, de la guitare électrique, et parfois un peu de clavier sur scène. J’ai commencé à jouer de la guitare à l’adolescence, vers 13-14 ans. Avant, j’avais fait un peu de piano. Pendant un moment, j’ai fait de la musique tout seul dans ma chambre en essayant de faire des petites chansons. Quand j’ai rencontré David et Maxime, vers 18 ans, je me suis mis avec eux à faire de la musique plus sérieusement, à écrire des chansons, à essayer des trucs.

Comment es-tu passé du piano à la guitare ?

Sébastien : A l’époque, j’écoutais pas mal de grunge. J’étais un grand fan de Pearl Jam.

Maxime Chamoux : Tu peux nous rappeler le premier album que tu as acheté ?

Sébastien : Ah oui, c’était America’s Least Wanted de Ugly Kid Joe qui contenait le hit absolu “Everything About You”. Un très bon titre pour la plage… (rires) Donc, j’écoutais des groupes à guitare, et je me suis assez naturellement mis à gratouiller, et à prendre des cours.

Et pourquoi être resté dans ta chambre si longtemps ?

Sébastien : Eh bien parce que je n’avais pas rencontré les bonnes personnes ! Je prenais des cours avec un prof qui me faisait travailler des choses assez différentes, parfois de la guitare un peu classique, parfois espagnole. Bon, j’ai quand même fait un peu de musique avec d’autres personnes. J’avais un pote avec qui on a fait quelques chansons. J’étais encore très influencé par Pearl Jam, donc ça ressemblait à du Pearl Jam en plus pop et plus doux. Non, en toute franchise, ça n’était pas terrible. Après, on s’est plutôt bien trouvés avec Maxime et David. On a commencé à jouer assez vite. On a réussi à faire des trucs marrants. On a fait notre premier morceau « The Plot », qui n’était pas formidable mais, pour une première, ça n’est pas complètement honteux.

TF22_LD« On s’est plutôt bien trouvés »

Maxime ?

Maxime : Je fais du piano et des claviers en tous genres. Je chante aussi. Je suis venu au piano quand j’avais 9 ans. Ça vient d’un sentiment de jalousie quand j’étais enfant… J’étais en vacances chez des amis de parents et il y avait un gamin, le fils de ces amis… Il n’arrêtait pas de frimer au piano et il m’énervait. En rentrant chez moi, j’ai dit à mes parents que j’avais envie de faire du piano. J’ai pris des cours pendant 9 ans. En arrivant à Paris, j’ai du arrêter les cours. J’en ai profité pour jouer des trucs qui au départ ressemblaient à des suites, et qui duraient entre 12 et 18 minutes … en 7 parties et 18 sous-parties. (rires) C’est le premier morceau que j’ai fait écouter à Sébastien et David.

Avant, tu étais purement classique…

Maxime : Ah non, j’avais une super prof de piano qui était assez à l’écoute de mes envies musicales, et qui m’a fait jouer assez tôt du jazz et des musiques de film.

C’est de là que tu viens : jazz, musiques de film… ?

Maxime : Non non, mais c’est un peu frustrant pour une prof de piano d’enseigner de la pop, donc j’essayais de faire des trucs qui avaient un minimum d’intérêt pour l’apprentissage du piano. A l’époque, j’étais très brit pop. Oasis est le premier groupe que j’ai écouté. Le premier album que j’ai acheté, c’était What’s the Story Morning Glory ?. J’ai passé mon adolescence à écouter de la brit pop…

En arrivant sur Paris, tu t’es dit qu’il fallait que tu trouves un groupe ?

Maxime : En fait, on a tous atterri dans la même classe. Je me suis installé après le bac. Les filles étaient une écrasante majorité dans notre classe et on s’est retrouvé à cinq garçons. David, Sébastien et moi, on n’a pas trop accroché avec les deux autres. On s’est retrouvé tous les trois à parler musique et quelques mois après, on s’est dit « pourquoi pas essayer de faire de la musique avec ce qu’on trouve sous la main ? »… et on s’est retrouvé dans la chambre de Seb.

David ?

David Simonetta : Je chante, je fais de la guitare. À la base, je suis clairement le moins bon musicien des trois. C’est-à-dire que j’ai eu le tort d’apprendre la guitare de façon totalement autodidacte. Ça a ses pour et ses contre, mais pas mal de contre au bout d’un moment ! A l’époque, j’étais fan de Pascal Comelade. Mon éducation s’est faite d’abord par les Beatles… avant qu’il n’y ait la révélation Pascal Comelade. C’est assez étrange à dire, mais c’est comme ça. Donc je faisais des choses assez artisanales dans ma chambre, sur 4 pistes, qui se voulaient être un croisement entre Mogwai et Pascal Comelade.

Sébastien : Tu oublies Laurent Voulzy

David : Ah oui, et je maintiens ! Laurent Voulzy, c’était mon premier concert. Si on se lance là-dessus, je pense que j’ai de bonnes casseroles à sortir (rires). Mais il se trouve que j’ai toujours un intérêt pour Laurent Voulzy. On en parlait il n’y a pas longtemps : il y a une réhabilitation d’Alain Souchon. Qui compose les morceaux ? C’est Laurent Voulzy.

TF09_LD« À la base, je suis clairement le moins bon musicien des trois »

Pourquoi la guitare ?

David : Je n’en sais rien. J’y suis venu assez tard. Petit, je dessinais plutôt que je ne jouais de la musique. C’est venu au lycée. Avec des amis, on avait décidé de monter un groupe avant même qu’aucun de nous ne sache maîtriser un instrument. On trouvait que le concept même de monter un groupe était assez cool. On avait un concept clair mais on n’a jamais joué une seule note ensemble. Le groupe s’appelait Spoon & Coffee Structure Cabaret. Il y avait tout, le nom des morceaux…

Sébastien : Quel nom complaisant…

David : … C’était complètement pédant ! Donc, on avait ce concept de groupe qui n’a jamais joué une seule note, mais on avait chacun acheté nos instruments.

Maxime : Donc le groupe pédant bourgeois quand même ! (rires)

David : … Sauf que moi, justement, j’étais en pleine rébellion contre la bourgeoisie, et j’ai décidé en achetant ma guitare de persévérer. Donc j’ai continué ce groupe tout seul.

En tant qu’auditeurs, quel est votre rapport à la musique ?

Sébastien : David et Maxime sont de très gros consommateurs de musique, et de vrais érudits. Davantage que moi. J’écoute les trucs qui me plaisent, mais je n’ai pas suffisamment de curiosité pour pousser plus loin.

Maxime : J’étais comme ça à la base. J’aime beaucoup acheter plein de CDs et maintenant avec mon boulot chez VoxPop, je reçois plein de CDs promo. Maintenant, je suis obligé de me tenir au courant…

David : Moi, c’est moins exhaustif. Quand je découvre quelque chose, je vais n’écouter que ça de façon totalement boulimique. Je suis très monomaniaque. Quand je découvre un groupe que j’aime, j’ai envie de tout connaître. Il y a vraiment eu des phases dans ma vie où je n’écoutais qu’un artiste pendant un an…

Dernièrement… ?

David : Dernièrement, c’était la musique brésilienne. Mais j’ai eu des phases Tim Buckley, Kate Bush.

Maxime : Tim Buckley, ça a été long !

David : Quand je disais que ça pouvait être long, ça peut vraiment l’être !

Maxime : C’était un peu chiant à la fin.

David : Je me suis laissé pousser les cheveux, je me faisais des bouclettes, je parlais avec un vibrato toute la journée. (rires) Et puis il y a un moment de saturation, et j’arrête d’écouter.

Et Seb, à propos de ton évolution musicale… Tu écoutes toujours Pearl Jam ?

Sébastien : (rires) Non plus du tout, mais je ne renie pas. J’ai les goûts les plus « indé » des trois. Mes marottes restent Belle & Sebastian, Radiohead, Divine Comedy. J’écoute principalement des choses estampillées « rock » ou « pop indé ».

En français, en anglais ?

Sébastien : En français, pas du tout. Mon père détestait la chanson française. J’en ai gardé une sorte d’indifférence polie.

TF02_LD« Mon père détestait la chanson française. J’en ai gardé une sorte d’indifférence polie »

Et toi Maxime, ton parcours d’auditeur ?

Maxime : Comme je le disais, j’ai commencé avec Oasis et la brit pop. J’ai eu une phase un peu difficile à la fin de l’adolescence, avec des groupes pour lesquels j’ai encore une sympathie, dont Deftones et Tool. En arrivant à Paris, David m’a dit ce qu’il était bien d’écouter et ce qui ne l’était pas… Il m’a fait connaître pas mal de trucs. Dernièrement, j’écoute beaucoup de pop indé, avec une nette préférence pour l’américain en général. Depuis deux-trois ans, pas mal de musique brésilienne aussi, et pas mal de hip hop. La saturation, pour moi, elle arrive en ce moment avec le rock indé. J’ai du mal à en écouter. J’ai un plus grand intérêt pour la soul et le hip hop. Mais c’est juste une phase.

David : Pour le coup, la saturation avec la pop indé, ça fait un an et demi, deux ans que je l’ai ressentie. Au début, j’étais très pop. Pour le plus cheesy, ça allait de Laurent Voulzy à Queen — la première période de Queen, j’adore. J’aimais Queen, les Beatles et Divine Comedy, les truc pop extrêmement arrangés.

Maxime : Ce qu’on appelle un peu de la pop de tapette ! (rires)

David : Un peu pop de tapette. Mais au moins, moi, je ne portais pas un bandeau de ski et des baggies quand j’étais ado ! J’ai écouté Sonic Youth. En revanche, pas du tout les années 90. J’ai grandi dedans, mais je détestais. Je déteste le trip hop, le grunge et une grande partie de la britpop. La dance, ça me filait des boutons. En même temps, j’ai plus tendance à réhabiliter Gala que Nirvana ! (rires) Comme j’étais complètement boulimique et que j’achetais plein de CDs, ça m’a permis de découvrir un peu de tout : les années 60, les années 70… mais pas les années 90. Après, j’ai commencé à découvrir des musiques d’autres pays, hors États-Unis et Angleterre, et à me rendre compte qu’il y avait des trucs extraordinaires.

TF33_LD« J’ai plus tendance à réhabiliter Gala que Nirvana »

Parlons un peu de l’histoire du groupe…

Sébastien : Toy Fight était mon premier groupe.

Maxime : Pour moi aussi. C’était la première fois que je faisais de la musique autrement que tout seul devant un piano.

Sébastien : On s’est rencontré dans le cadre de nos études en prépa littéraire.

David : Le premier contact que j’ai eu avec Maxime…. Il portait un T-shirt Radiohead, et moi un badge Mogwai.

Maxime : Ce n’était pas un badge « Mogwai » d’ailleurs, mais « Rock Action » (le troisième album du groupe, ndlr). Le premier contact ressemblait à peu près à ça : « Ton badge, c’est Mogwai ? »

David : Et moi, je lui ai répliqué : « Ton T-shirt, c’est Radiohead ? »

(rires)

Maxime : Et voilà, c’était parti. Si je n’avais pas connu le titre de l’album de Mogwai, peut-être que Toy Fight ne serait jamais né.

Comment est-ce qu’on gère l’emploi du temps de prépa quand on a un groupe ?

David : À la fin de l’année, on n’a pas le concours.

Sébastien : En 2002, en hypokhâgne, on avait un peu de temps. L’année suivante, en khâgne, c’était un peu plus chaud. À la base, l’idée était de faire des morceaux de manière vraiment collective, de composer des trucs à trois, de les enregistrer sur 8 pistes, et de tenter des trucs. Ce qui nous faisait marrer, c’était de faire des morceaux et de les arranger.

Comment se passent les premières répétitions ?

Maxime : Il n’y avait pas de répétitions. On enregistrait, c’est tout.

Sébastien : Ca se passait dans ma chambre, parce que j’avais le matos pour enregistrer et parce que j’avais un piano.

Maxime : On ne fonctionnait pas en tant que véritable groupe, parce qu’on ne jouait jamais ensemble… On fonctionnait presque comme un groupe electro.

Sébastien : Oui, on enregistrait piste par piste et on faisait les arrangements en construisant les morceaux.

TF13_LD« On fonctionnait presque comme un groupe electro »

Donc la première fois que vous avez joué ensemble, vous avez directement enregistré un morceau ?

Sébastien : Quasiment.

David : La première qu’on a faite, c’est « The Plot ».

Sébastien : Oui, mais après, on composait un minimum avant d’enregistrer !

Maxime : Mais combien de fois on arrivait au deuxième refrain et on se disait : « et comment on va finir le morceau ? »

David : Surtout, on n’a jamais fait de reprises ensemble. On n’a pas commencé en essayant de créer une dynamique comme ça. C’est plus un processus de composition à la base, plutôt qu’une dynamique de groupe. D’ailleurs, on en a bavé quand il a fallu passer ça au stade de véritable groupe avec un bassiste et un batteur. On a commencé à apprendre que ça ne pouvait pas fonctionner pareil, qu’il y avait des trucs à revoir.

Vous avez composé les premiers morceaux sans penser qu’il allait y avoir un batteur et un bassiste…

David : Il n’y en avait pas, donc, oui.

Maxime : Le premier album de démos, Anagram Dances, c’est exclusivement de la boîte à rythmes.

David : Ca faisait partie de la composition. Parfois, la boîte à rythmes commençait au bout de trois minutes.

Maxime : Parfois, on partait même de la boîte à rythmes pour faire le morceau. Pour la première mouture de « Golden Make-Up », on est parti sur un pattern de boîte à rythmes.

Sébastien : Comme on composait très peu avant d’enregistrer, c’était un travail d’editing, en coupant, en reconstruisant les morceaux une fois qu’on les avait déjà enregistrés.

Est-ce que les titres de cet album autoproduit étaient dans la même veine que les morceaux que l’on trouve sur « Peplum » ?

Maxime : Oui et non. On avait peut-être davantage de références en commun ; on se rejoignait sur des groupes. On avait un tiercé de groupes dont on était fan tous les trois : The Flaming Lips, Arab Strap et Super Furry Animals. On faisait ouvertement de la pop dans cette lignée là.

Sébastien : Avec les limitations dans lesquelles on la faisait, c’est-à-dire qu’il y avait un côté un peu bricolé dans ma chambre. David avait son côté un peu « comeladien », donc il aimait bien jouer des instruments, taper sur des boîtes de conserve et ces trucs-là… (rires)

David : Ca, c’est fait !

Maxime : Les chansons s’en ressentaient. De la pop psyche avec un arrangement. Puis il y a eu le hiatus.

Le hiatus ?

Sébastien : C’est arrivé fin 2004, en fin de khâgne. David a continué ses études. Avec Maxime, on a arrêté la prépa. On avait moins de temps à consacrer à Toy Fight, donc on l’a mis un peu entre parenthèses. Puis Maxime, qui était le plus motivé pour continuer dans la musique, s’est lancé dans d’autres projets. Il y a eu deux années pendant lesquelles nous n’avons pas joué ensemble.

Maxime : Au départ, l’album de démos, on l’a enregistré pour avoir une trace de Toy Fight en se disant : « on arrête parce qu’on ne peut plus continuer, mais on voudrait avoir un album-souvenir ». C’est pour ça que quand il est sorti sur notre page myspace, les blogs qui en ont parlé disaient : « voilà, c’est Toy Fight, c’est leur premier et dernier album, parce que le groupe a déjà splitté ». Ca n’était pas du tout une blague ou un coup marketing, parce qu’effectivement, on le vendait et on n’existait plus.

TF07_LD« On voulait avoir un album-souvenir »

Vous étiez dans l’idée d’une séparation définitive ?

Maxime : Ce n’était pas vraiment réfléchi.

Sébastien : Vu qu’on était très potes, c’était juste qu’on n’avait plus trop le temps de faire de la musique. On n’a pas splitté en mauvais termes, ni après une bagarre. (rires)

Maxime : À la base, comme on n’était pas un groupe, quand on a arrêté de faire de la musique, on n’a pas rompu un cycle de répétitions hebdomadaires. On ne faisait pas de concert. On a juste arrêté de composer des morceaux.

Et pourquoi pas de concert ?

David : Déjà, ça ne nous intéressait pas à l’époque.

Maxime : Le groupe snob !

Sébastien : Ce qui nous motivait à l’époque, c’était une quête de la bonne chanson, plus que la volonté d’exister en tant que groupe et de faire des concerts.

La fin de ce hiatus ?

Sébastien : Déjà, il y a eu une période où on s’était remis ensemble juste le temps d’un été pour finir quelques chansons, ce qui nous permettait de constituer notre album auto-produit.

Maxime : On s’est retrouvé en 2006 pour terminer l’album. On s’est pris une semaine à Lyon pour enregistrer trois nouveaux morceaux.

Sébastien : On pensait vraiment en rester là, et c’est le fait que City Slang nous ait contactés qui nous a poussés à nous y remettre. Vraiment un gros coup de chance.

Pages : 1 2 3 4

</