Revival Kensuke


Si je comprends bien, Hugo et Hadrien, vous êtes les deux instigateurs du groupe ?

Hadrien : Tout à fait. Moi, j’avais Sna-Fu, pour lequel je composais 90% des trucs. Et là, d’une seul coup, j’avais Hugo à côté, qui se mettait à composer des trucs. Et je n’avais pas à lui dire ce qu’il devait faire. Je jouais et il composait des trucs. Pour moi, c’était vraiment nouveau. Avec Hugo, j’ai appris le plaisir d’échanger. C’était chouette de jouer avec les guitares électriques pas branchées, mais il fallait évoluer. On savait que Clément avait envie de faire de la batterie, donc on lui a proposé de venir faire des tests.

Hugo : D’un seul coup, tu joues et il y a une autre dimension…

Hadrien : Ca nous a motivés et très vite, on s’est rendu compte qu’il nous fallait une basse. Raph gravitait autour de nous, on le connaissait bien. C’est un mec dont je connaissais le boulot technique, les possibilités, et la maturité d’esprit. On a commencé tous les quatre (l’arrivée d’Olivier a été un peu plus tardive). On a fait un premier concert, où on s’est dit « ça passe ou ça casse ».

Hugo : Soit on continue, soit on arrête.

Hadrien : En fonction de la réaction du public ! C’est con, même si on était content de ce qu’on faisait, on ne savait pas trop ce qu’on valait. C’était à l’Espace B. Finalement, on n’a eu que des réactions positives. Donc on a poussé le truc. On est devenu un groupe et on a fait le Fallenfest pendant très longtemps. On s’est inscrit une fois, et on a eu la chance d’être apprécié par l’équipe du Fallenfest. Ils ont pu nous faire jouer dans des salles, genre le Trabendo, le Nouveau Casino à Paris… On est très vite passé au statut de groupe qui n’était pas juste en train de faire du bruit dans sa cave.

Hugo : En plus, grâce à eux, on n’est pas devenu un simple « groupe du Fallenfest ». Les organisateurs nous disaient : « ce que vous faites, ça plaît aux gens, c’est original, ça change… Même si, sans chanteur et avec une seule chanson de 26 minutes, c’est assez ardu. »

REVKEN37_TD« Sans chanteur et avec une seule chanson de 26 minutes, c’est assez ardu »

Hadrien : On a été aidé par pas mal de personnes. Le premier concert a eu lieu en mai 2006 à l’Espace B. L’été est passé. J’ai vu le Fallenfest qui venait de naître, qui était gratuit et ouvert aux groupes d’Ile-de-France.

Clément : On ne payait pas pour jouer… contrairement à Emergenza, qui t’oblige à raquer.

Hadrien : On n’avait rien à perdre. Quand tu es un groupe qui n’existe pas, c’est difficile d’avoir des concerts.

Clément : C’était marrant ce concert, l’atmosphère qui s’était dégagée. Instinctivement, les gens ont commencé à à s’asseoir par terre et ils ont écouté de A à Z. Ils étaient captivés. Très réceptifs. C’était un peu comme un jam de jazz : quand on terminait un mouvement, ils applaudissaient et nous, on était encore en train de jouer, donc ça nous galvanisait. C’est un très, très beau souvenir. Techniquement, on n’était pas encore au point, mais il y avait vachement de feeling.

Olivier : Beaucoup d’intention et d’émotion.

Hugo : On a longtemps cherché à retrouver cette osmose. On s’est rendu compte que c’était difficile, même si sur certains concerts, comme à la Flèche d’Or…

Olivier : À la Flèche d’or on a réussi, ouais.

Hadrien : C’est juste que c’est assez difficile, avec la musique qu’on fait…

Hugo : Comme pour tous les concerts, ça dépend de plein de facteurs : si sur scène t’es pas bien, si le public n’est pas réceptif…

Hadrien : … si t’es bourré !

Clément : Mais quand on se regarde… Et c’est ce qu’on cherche à faire, créer d’abord quelque chose entre nous.

Hadrien : L’émotion qu’on a eu pendant ce premier concert, c’est un peu notre point de repère, ce qu’on cherche à retrouver. Et parfois, on y arrive un peu : il y a quelques moments de grâce qui sont vraiment chouettes.

Olivier : En les voyant jouer ce jour là, j’ai eu coup de foudre. Je connaissais Raph qui était un très bon pote à moi. Je connaissais aussi Clément et Hadrien via Sna-Fu. Après le concert, je suis allé les voir et je leur ai dit : « si je peux faire quelque chose, c’est cool. » (rires)

Hadrien : Raph nous parlait souvent d’Olivier. On se disait : « merde, on est déjà quatre quand même »… Et en même temps, comme on voulait faire de la musique un peu différente, bien sûr qu’il y avait de la place pour un nouvel instrument, de nouvelles couleurs, de nouvelles textures.

Olivier : Moi, pour le coup, j’ai une culture musicale complètement différente de la leur.

Hadrien : Il n’a jamais écouté Explosions in the Sky, donc c’est super intéressant. Il a fini par intégrer le groupe à travers l’enregistrement de 26. C’est Olivier qui a tout fait. On a fait les prises batterie au Capitol dans des conditions hyper foireuses et pourtant, il a réussi à en sortir un son qui n’était vraiment pas dégueu. Ensuite on a tout fait chez Raph, ambiance home studio avec le PC horrible et un bon Protools, Cubase…

Hugo : Et le frère de Raph qui jouait du piano dans une autre pièce, et qu’on entendait sur les enregistrements !

Hadrien : Tous les week-ends pendant un an, on s’est retrouvé. C’était très lent et laborieux, mais résultat, ça a créé une bonne ambiance. Et puis Olivier, par son rôle de producteur, au sens anglais du terme…

Clément : d’arrangeur !

Hadrien : … puis par ses idées et ses riffs, est naturellement devenu un membre du groupe. Ca a mis du temps pour qu’on puisse gérer l’acoustique sur scène, mais maintenant, le piano est en train d’arriver. Donc, je dirais que le groupe existe dans son line-up actuel depuis un an. Je pense qu’il y a la bonne alchimie.

REVKEN10_LD« C’était très lent et laborieux »

Olivier : Ce qui marche très bien, c’est qu’on a tous une assez forte personnalité musicale. Revival, c’est hyper participatif. Il y en a un qui lance une idée, et chacun tricote ce qu’il veut autour. Ca marche bien, parce qu’on se comprend assez vite, et qu’on est assez réceptif à l’émotion que veut provoquer celui qui lance l’idée.

Hadrien : Ca, c’est vraiment une chance. Parfois, tu joues avec des gars et juste… ça ne passe pas.

Olivier : Soit ça se bouffe quand il y a de trop fortes personnalités musicales, soit… ça devient fasciste.

Hadrien : Non, mais on est parfois obligé d’être un peu facho dans le groupe, parce qu’il arrive que quelqu’un sorte une bonne idée, mais c’est juste « pas ça. » (rires) Ou alors ce qu’on fait, comme on a la possibilité d’étendre les morceaux, c’est que si un riff ne colle pas à tel endroit, on le retravaille, et on peut le replacer ailleurs. Les compos de début sont souvent des binômes, genre Hugo et moi ou alors Raph et Pasch. Il y a ces deux pôles de composition — même si Pasch et moi, on a commencé à composer quelque chose ensemble. Le binôme propose une idée, Clément met la partie rythmique et c’est parti. Bon, ce n’est pas aussi simple que ça ! « 26 », on a galéré super longtemps pour la mettre en place. Aujourd’hui, elle nous paraît simple et logique, mais qu’est-ce que ça a été difficile pour se mettre d’accord ! Et pour retenir les plans, aussi ! On a cette chance de pouvoir communiquer musicalement — ce n’est même plus humain, c’est purement musical. On se regarde, on s’écoute. Quand quelqu’un joue une fausse note, pas besoin de le dire, on s’en rend compte, et on continue. On ne compose pas non plus en jammant. Pas de boeufs de 3 heures en fumant des joints, c’est pas trop l’ambiance. Ce qu’on fait, c’est assez technique, quand même. On se casse la tête pour trouver des structures. Quand on peut éviter le 4/4, on essaie de le faire… On a beau ne pas avoir les mêmes cultures musicales, les émotions que l’on veut faire passer sont souvent les mêmes. Quand un mec amène son riff, on lui donne un nom un peu marrant, et on est tous d’accord : « mais oui, bien sûr ! » Ca nous fait tous penser à la même chose. On va tous dans la même direction.

REVKEN38_TD« On se casse la tête pour trouver des structures »

Est-ce que le fait de ne pas avoir de chanteur joue à ce niveau ?

Hadrien : C’est sûr que tu écoutes beaucoup plus ce que font les autres musiciens.

Clément : Parce que le chanteur est obligatoirement en avant dans un groupe. C’est « le chanteur et ses musiciens ».

Hugo : D’ailleurs, Pasch avait fait un test au chant, quand il avait voulu rejoindre le groupe. Et là, on s’est dit : « ah non ! Absolument jamais de chanteur ! » (rires)

Hadrien : C’était incroyable, parce qu’il y avait un riff et du chant, et on n’entendait plus que le chant ! On s’est dit que c’était pas possible, parce que ce riff était génial sans la voix, et il devenait juste « bof » avec.

Olivier : Les instruments devenaient un simple accompagnement…

Hugo : Pourtant, on n’exclut pas de faire des parties vocales avec des chœurs, par exemple. Des trucs hyper seventies !

Hadrien : Sur la « 26 », il y en a sur la fin. C’est très discret. Le chant n’est pas exclu, mais le chanteur est complètement exclu. Il n’y aura pas de paroles… On veut vraiment que les gens se focalisent sur la musique et je crois que jusque-là, ça a très bien fonctionné. Les gens nous font parfois la remarque, genre « je n’avais jamais fait gaffe aux musiciens dans un groupe. Maintenant, quand je vais en concert, je ne regarde plus uniquement le chanteur. J’aime bien regarder ce que fait le bassiste, ce que fait le guitariste… » C’est un truc que moi, j’ai du mal à comprendre, mais c’est parce que je suis zikos. La plupart des gens, quand ils vont en concert, ils regardent le chanteur, et ils n’en ont rien à foutre des autres. C’est comme ça ! C’est comme ça aussi qu’on leur vend le truc : les musiciens sont là pour accompagner le chanteur. Et très bien, c’est le format qui fonctionne ! Mais pour nous, c’est hyper, tip-top cool, les gens se mettent à s’intéresser aux musiciens ! Ca, c’est chouette, même si c’est pas notre but à la base.

REVKEN32_TD« Absolument jamais de chanteur ! »

Ca s’est fait naturellement, le choix de pas avoir de chanteur ?

Hugo : Au début on cherchait un chanteur, mais on ne l’a jamais trouvé.

Clément : Mais vous n’aviez pas proposé ce rôle à un cousin ?

Hadrien : Oui on avait proposé à un cousin qui avait un peu une voix qui pouvait un peu s’approcher de celle de Cedric Bixler (de Mars Volta). Une voix un peu… Ce n’est pas qu’il chante faux… mais il arrive à faire des trucs complètement barrés. On se disait alors que ce pourrait être marrant, dans le cadre d’un projet qui se rapprocherait davantage de At The Drive-In. Et quand on a voulu composer, il n’a pas pu, il n’avait juste pas le temps. Et finalement tant mieux ! Enfin ce n’est pas contre lui, mais c’est tant mieux que l’on n’ait pas mis de chant. Après ce n’est pas exclu. Moi j’ai déjà des potes qui m’ont dit : »Cela pourrait-être marrant que vous fassiez des featuring avec une chanteuse ou un chanteur. Et vous, vous ne vous occuperiez que de la partie musicale ». Mais dans ce cas là, ce ne serait pas Revival Kensuke, ce serait « Revival Kensuke compose pour un chanteur. »

Olivier : Pour Natasha…

Hadrien : Ouais, exactement ! Putain, Natasha St Pier… !

Clément : Ou Grand Corps Malade …

Grand Corps Malade, là ce serait assez osé !

Olivier : Un autre truc qui est sympa, c’est qu’on ne se pose pas de limite. On assume tout ce qu’on fait, c’est à dire… « Ca fait un peu trop manga ce qu’on joue », ou « trop américain », ou « trop niais »… machin. Nous on sent fout, putain !

Hugo : Oui c’est vrai qu’il y a ça aussi ! Il y a des trucs super beaufs parfois…

Hadrien : Oui, super beaufs parfois, complètement stupides… Mais on joue, on est là… Et en fait, si tu mets le feeling, l’intention dedans, ça marche !

Olivier : Et surtout pas de chant !

(rires)

Hugo : À ce propos, l’un des morceaux qu’on a joués dernièrement s’appelle « Redneck Telephone », parce que…

Hadrien : Le côté redneck, quoi. C’est de la musique de campus.

Hugo : Oui de la musique de campus ! Tu imagines le quaterback qui attrape la ballon, les cheerleaders, etc… On assume !

(en choeur) : On assume !

Votre première répét ?

Hugo : La toute première répét’, je me souviens… Alors c’est très bizarre. C’était à la Luna, avec Hadrien, moi… et Charles, le batteur de Sna-Fu. Et on avait enregistré ça sur MD. Ca doit dater de… décembre 2005 ?

Clément : Je suis pas au courant de ça, moi ! (rires)

Hugo : C’était pas du tout organisé comme une répét’. On était juste allé à la Luna, et on avait fait de la musique, je ne sais plus pourquoi..

Clément : Non mais qu’est-ce que Charles… !? Avec Revival… !

(rires)

Hadrien : On avait juste besoin d’une partie de batterie, et comme Charles est vraiment bon à la batterie, il pouvait en deux secondes comprendre le rythme et nous mettre les rythmiques de bases. On avait juste besoin de quelque chose de rythmique. Et donc on avait fait ça. C’est effectivement la première répét’ de Rev Ken.

Hugo : Mais sinon, la première répét’ avec Clément et Raph, c’était à Sainte Marthe, à Belleville.

Hadrien : Après, mon souvenir de ces premières répét’, c’est quoi… ? C’est que ce ne sont pas de très bons souvenirs… Déjà c’était quasiment la première fois pour Hugo qu’il faisait des répét’. Donc tu sais, il lui a fallu apprendre tous les trucs débiles : apprendre à régler ton son en fonction des autres, mettre un son clair, mettre un gros son…

Clément : J’étais là moi ?

Hadrien : Ouais Clém’ t’étais là !

(rires)

Et il y avait déjà des morceaux composés ?

Hadrien : On avait deux morceaux, dont un qu’on a complètement abandonné, et un autre que l’on joue très rarement.

Hugo : En fait, il y a un morceau où Olivier ne sert à rien, donc c’est pour ça !

Olivier : Oui, mais il est vachement bien…

Hadrien : Il est bien mais on n’a pas encore trouvé le moyen d’intégrer un cinquième membre dessus…

Olivier : Peut-être qu’il n’y a pas besoin d’en intégrer un ?

Hadrien : Faut voir ! Et donc ensuite, les premières répét avec le Revival complet, c’était à Vaucresson.

Hugo : Est-ce que tu t’en souviens Pasch ?

Olivier : Euh… moi les premières répét, je ne jouais pas, je regardais !

Hadrien : C’est ça ! Exact ! Il venait, il regardait pour pouvoir intégrer les trucs… (rires) Non mais c’est vrai, c’est important avant de commencer à jouer.

Olivier : Pour m’imprégner.

REVKEN36_TD« De la musique de campus… On assume ! »

Et maintenant, vous répétez… ?

Hugo : Normalement, tous les mardis.

Olivier : C’est un gros problème ça !

Hadrien : Oui, c’est le gros problème pour avancer, pour nous… Vous avez pu le voir, notre musique est parfois prise de tête au niveau des mélodies, il y a des choses un peu alambiquées… Surtout au niveau structure, il faut que l’on arrive à se mettre d’accord. Parce que pour faire jouer trois grattes, plus une basse, plus une batterie en même temps… Moi ça me demande vraiment du taff pour être bon après sur scène, et même pour être bon en répét’.

Olivier : C’est surtout au niveau du son en fait. Avoir un son vraiment propre à nous.

Hadrien : Donc pour l’instant, normalement, on répète tous les mardis. Mais comme le local où on répète dépend d’une mairie, ça saute tout le temps ! Parfois on ne répète qu’une fois par mois…

Hugo : Parfois on ne répète pas !

Hadrien : Parfois on ne répète pas parce que notre créneau saute. « Ah bah, oui, il y a atelier théâtre… Ah bah non, il y a un conseil d’administration à la mairie… » Parce qu’en fait, c’est dans le même bâtiment que la mairie.

Clément : Parce qu’ils ont été malins. Ils ont refait tout le bâtiment mais ils n’ont pas insonorisé le truc !

Hadrien : Donc bon, c’est un peu la contrainte, et c’est ce qui nous freine. Nos discussions tournent un peu autour de ça ces derniers temps : trouver un local pour pouvoir répéter au moins une fois par semaine. Parce que sinon on n’avancera pas : sur les nouveaux morceaux, sur la technicité, sur le fait de jouer bien tous ensemble, de régler son son … On a tous des têtes d’amplis qu’on on n’utilise jamais, parce que c’est trop la galère… Ce serait bien d’avoir un local pour y poser notre matos. Mais oui, de toute façon… Enfin moi c’est ce que je pense, on ne répète pas assez.

Olivier : Ca, c’est clair !

Hadrien : En ce moment, Sna-Fu c’est un peu calme mais quand ça va reprendre, plus les répèt de Revival, plus la vie de chacun… Mais de toute façon on ne pourra jamais répéter quatre fois par semaine, comme certains groupes que je connais. Les mecs, ils répètent quatre fois par semaines et… ils jouent bien, quoi ! (rires) Non, je ne dis pas qu’on joue mal, mais on pourrait vraiment jouer mieux si on répétait plus. C’est ça notre gros problème.

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