(Please) Don’t Blame Mexico


Vous pouvez nous parler un peu de l’album qui va sortir, Concorde ?

Maxime Chamoux : À la base, j’étais parti pour sortir encore un énième EP (un quatrième) qui allait s’appeler Concorde. Mais il se trouve que cet été, une boîte de promo, Almost Musique, s’est proposée pour bosser avec moi. Mais ils m’ont dit qu’on pouvait bosser ensemble à condition que l’on fasse non pas un EP, mais un album. Et moi, en stock, j’avais… un gros EP, en fait. Donc j’ai incorporé des vieux morceaux en essayant de bosser pas mal le tracklisting pour que ça forme un vrai album, qu’on n’ait pas le sentiment d’entendre un EP avec des pièces rapportées. C’est un peu un cliché, mais je voulais que l’album raconte une histoire. Pour que, quand tu l’écoutes, il y ait un truc qui se déroule, un fil, que ça aille dans un certain sens.

S’il y avait une compétition pour désigner le meilleur album du monde, comment est-ce que tu défendrais Concorde ?

Maxime : Eh bien déjà il y a une belle pochette !!

Qui a fait la pochette ?

Maxime : C’est moi, et Audrey, une amie graphiste. Bon alors, comment le défendre — sans faire preuve de prétention…

C’est une question qui appelait la prétention !

Maxime : Je pense qu’au niveau de l’écriture des arrangements, et au niveau du jeu — de nos jeux à tous — il y a peu de groupes en France (en tout cas parmi ceux que l’on connaît), qui font preuve d’autant d’attention et… presque de maniaquerie. Je pense que Thom et Raph sont pareils, mais je suis quelqu’un qui laisse couler les choses dans pas mal de domaines de la vie. Par contre, quand il s’agit de composer une chanson, je peux vraiment y passer des heures et des heures, et même des nuits, pour que le bon accord se trouve au bon moment, pour optimiser tout ce qui tient à la mélodie… Je suis très loin des grands noms de la pop. Mais on ne peut pas nous enlever le fait d’être hyper attentifs et hyper concentrés sur ce qu’est une chanson pop. C’est du travail, vraiment hyper méticuleux, les chansons de Please.

Raphaël Ankierman : On approuve !

Thomas Pirot : Je pense qu’il y a une inventivité aussi, une certaine originalité du propos. Comment aborder une chanson pop ? Aussi largement que possible : il y a des moments où on dit que c’est de la pop, d’autres où ça n’en est presque plus. Mais il y a cette ligne directrice pop. On a une volonté d’aller chercher un peu partout, dans les textures et les genres musicaux, pour faire sortir l’originalité de la chanson, et mettre un propos en avant par rapport à cette ligne pop.

Maxime : Si je devais convaincre, je dirais qu’il y a un truc que je déteste par dessus tout, ce sont les gens qui se considèrent comme des artistes. Je considère que je suis musicien, et compositeur. J’ai l’impression que chez beaucoup de gens, se dire artiste, c’est se prémunir d’un certain effort. Dire que c’est l’inspiration qui vient, et qu’on l’exprime… Moi, j’aime beaucoup les laborieux ! Le fait de dire que l’on fait de la musique, que c’est un travail, implique une certaine dose de difficulté, et surtout d’exigence. Il y a vraiment des heures passées à se dire : « à quel endroit doit arriver le refrain ? » pour que le résultat fini soit aussi parfait que possible. J’aime beaucoup le fait que, même si on est dans le domaine « artistique » (ce qui me gêne toujours aux entournures), on donne de sa personne. Qu’il y ait un effort, presque physique, qu’à la fin on soit fatigué. Pour moi c’est important.

Donc c’est un album travaillé.

Maxime : Un album de travailleurs.

Tu peux nous parler de votre label ?

Maxime : C’est un petit label parisien, dont Raph est maintenant une des têtes pensantes, et qui s’appelle Sauvage Records. Une petite structure familiale qui abrite des groupes géniaux à Paris, comme Mina Tindle, comme Maison Neuve, comme The Limes. On est tous très amis.

Je me demandais… Quand vous étiez petit, vous vouliez être musiciens, ou vous rêviez d’un autre boulot, comme archéologue, ou chasseur de dinosaures ?

Raphaël Ankierman : Moi je voulais être inventeur !

Maxime : Ca ne m’étonne pas !

Inventeur comme Géo Trouvetout ?

Raphaël : C’est ça. Inventer des trucs pour faciliter la vie des gens. J’ai toujours ce projet en tête, hein ! Je sais que je ne le ferai pas, mais…

Thomas : Moi, je crois que vers cinq ans je voulais être chef-déménageur.

Chef-déménageur !?

Thomas : Ben oui, parce qu’en fait j’avais fait un déménagement et je trouvais ça vachement cool. Mais on m’avait suggéré que chef, c’était un peu mieux, donc je voulais être chef-déménageur.

(rires)

Thomas : Mais sinon, après, j’hésitais entre être basketteur et musicien. Justement, je ne savais pas trop.

Tu as essayé quelques paniers, et tu t’es dis que, finalement…

Thomas : C’est un peu ça… Mais je voulais être musicien depuis assez tôt, quand même.

Maxime : Moi, au début, je voulais être footballeur. J’ai fait du foot, donc…

Thomas : Je pense que tu avais plus de chances d’être footballeur que moi basketteur, quand même…

Maxime : Ben non, je crois pas… (rires) Donc après j’ai arrêté. Ensuite j’ai voulu être scénariste. Au début de l’adolescence, je voulais écrire des histoires pour les films, tout ça… Et puis ensuite je me suis rendu compte que je n’en avais jamais fait. Je disais vouloir être scénariste sans avoir jamais rien écrit, donc c’était un peu nul.

C’était l’idée d’être scénariste qui te plaisait ?

Maxime : C’est ça. Et puis en fait, chemin faisant, avec le piano…

Et tu trouves que c’est un peu le même boulot ? Qu’écrire des chansons, c’est écrire des histoires ?

Maxime : Ah non ! Non, pas du tout ! Non, parce qu’il y a des musiciens que j’admire particulièrement, mais qui n’ont jamais eu vocation à écrire des histoires. Le souci des paroles, c’est quelque chose qui m’est venu assez récemment. Mais ma priorité, ça a toujours été la mélodie, et ça l’est encore — clairement.

Oui, mais je ne parlais pas seulement des paroles. Je disais ça dans le sens où écrire une chanson c’est aussi évoquer des images, emmener les gens quelque part…

Maxime : Dans ce cas-là, d’accord. Provoquer des images, des flashs de couleurs ou de… de n’importe quoi, très bien ! Et si en plus tu peux raconter une histoire qui tient, c’est très bien, mais pour moi ce n’est pas une priorité. Mes paroliers préférés, ce ne sont pas forcément Ray Davies ou Jarvis Cocker, des mecs qui racontent des histoires. C’est plutôt Bill Calahan, des gens comme ça, qui arrivent à pointer exactement un feeling. C’est une sorte d’exigence de vérité. Même si ça paraît complètement pompeux ! Il y a une acuité dingue dans ce que Callahan écrit. Il dit le mot exact, qui n’est pas forcément le beau mot, mais qui est le mot juste, le mot vrai, par rapport à ce qu’il essaie d’exprimer. Ça, c’est un truc que je trouve très fort. Si j’ai une ambition dans les paroles, c’est de réussir un jour à m’approcher de ça. Même si c’est dur…

Et pour les sonorités ? Tu choisis les mots pour ce qu’ils veulent dire, pour leur « exactitude », mais je suppose que tu fais aussi attention à ce que la sonorité du mot colle à la mélodie ?

Maxime : Forcément. Mais ça dépend des morceaux. Sur certains, quand tu trouves la mélodie, que tu composes des lignes de voix, il y a des mots qui te viennent tout de suite, et ils vont influer sur la teneur et le sens de la chanson. Il y a aussi des fois où (comme pour « The Behinders ») tu as une histoire en tête et où tu te dis : je veux que la prochaine chanson que j’écrive parle de ça, parce que ça m’a tellement marqué… À ce moment-là, tu fais infléchir la ligne de voix, la mélodie, pour que ça tienne, pour que ce soit cohérent.

Est-ce que vos instruments ont des petits noms ?

(Tous) : Non !

(rires)

Thomas : C’est souvent les guitaristes qui en donnent.

Maxime : Peut-être Laurent….

Justement : il y avait Laurent, dans (P)BDM…

Maxime : Dans Mexico, il y a eu un line-up un peu évolutif… Enfin, ça s’est stabilisé, maintenant.

Thomas : Pour combien de temps ?

Maxime : Ah, je voulais justement vous parler, après… (rires) En fait, Laurent a été le premier membre « officiel » de Mexico, avec moi. Mais il se trouve qu’il a aujourd’hui deux projets qui lui prennent déjà beaucoup de temps — Eldia et Franz Is Dead. En plus, sa compagne est suédoise, et il a eu une petite fille il y a un an et demi. Au printemps dernier, il a décidé de passer six, sept mois en Suède, pour faire découvrir à sa fille la culture de sa compagne. Donc il nous a dit tout de suite qu’il préférait arrêter avec nous, plutôt que de continuer et de finir par nous dire : « je n’ai plus le temps ».

Raphaël : Et puis il y a aussi Eldia. Avec ce groupe, il venait de sortir un album, et il préférait s’y investir à fond. Se consacrer vraiment à la Suède et à Eldia.

Mais officiellement, il est juste parti pour six-sept mois, ou pour de bon ?

Maxime : Je ne sais pas… Là, je pense qu’on va continuer à trois. Après, sur les enregistrements, je pense que quand on aura besoin d’une guitare, il sera là. C’est un guitariste hallucinant. Donc mon premier choix ira vers lui.

Thomas : Quand on aura besoin de blagues, aussi.

Maxime : De blagues, et d’un fumeur. Parce que là on est clairement en manque de fumeurs, dans le groupe. Donc pour l’instant, non, ce n’est pas prévu. Mais encore une fois, on ne sait jamais.

Vos familles, elles sont venues vous voir en concert ? Comment elles considèrent le fait que vous fassiez de la musique ?

Maxime : Mes parents suivent ça d’assez loin, mais ils sont hyper encourageants. Je leur ai fait écouter un album. C’est marrant, ce qui leur plait le plus sur l’album, ce sont les morceaux que je pensais qu’ils allaient le moins aimer. Les morceaux un peu plus risqués, un peu plus noirs… « Elephant Man », par exemple. Ca m’a surpris. Je pense que la musique est un monde dont mes parents ne comprennent pas forcément tous les tenants et les aboutissants… Mais c’est un soutien assez serein et assez joli. Parce que c’est difficile d’être musicien aujourd’hui, de faire ce choix, de prendre ce risque. C’est vrai qu’ils ne m’ont absolument jamais mis la pression pour que je fasse un métier qui rapporte vite de l’argent, alors que je suis le premier et le seul musicien de la famille. Ça me touche beaucoup, l’attitude qu’ils ont par rapport à ça.

Raphaël : Je n’ai pas entendu ce que tu as dit : tes parents aiment bien « Elephant Man » ?

Maxime : J’ai entendu ma mère fredonner « Elephant Man » la dernière fois !!

(rires)

Raphaël : Moi je suis un peu secret par rapport à tout ça. Mais pas seulement par rapport à Please, c’est un peu le cas pour toutes mes activités. Mes parents sont très cool et m’aident dans tout ce que je peux faire, mais je suis un peu secret. Pas parce que j’ai honte ou quoi que ce soit, mais… En fait j’ai peur que ça ne leur plaise pas, alors ils ne sont pas trop au courant.

Thomas : Moi, ce que j’ai décidé de faire dans la vie, c’est de la musique ; mes parents essaient de suivre un peu ce qui se passe à ce niveau-là… Je crois que (Please) Don’t Blame Mexico, c’est le groupe qu’ils connaissent le moins parmi les trois dans lesquels je joue. Je crois qu’ils ne sont jamais venus voir Please. Faut dire qu’on n’a pas non plus fait de tournée vers chez eux. Mais ma mère est fan de Mina Tindle.

Maxime : Forcément !

Thomas : Comme toutes les mamans… Et mon père est assez fan de Nelson. Par contre, je pense que si je leur dit que j’ai eu une interview sur (Please) Don’t Blame Mexico, ils vont aller voir sur le site.

Maxime : Ah oui, oui, oui ! Tu leur diras, hein, pour qu’ils s’intéressent un peu à Please !

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