Pilöt


Est-ce que vous pourriez nous raconter la genèse d’un morceau ?

Antoine : « Keep Me Inside ». C’est un morceau qui a mis deux ans à sortir. Il est sur l’EP qui sort le 20 juin. Entre le moment où le premier riff est arrivé et le moment où on a vraiment trouvé le morceau, il s’est passé près de deux ans.

Victor : Avec 50 étapes.

Antoine : Le morceau a eu 36 versions différentes, avec des couplets différents, des structures différentes.

Alex : Et des voix différentes.

Thomas : Ce qu’on aimait bien, c’était l’intro et la boucle de base. Tout ce qui venait derrière tirait le morceau vers le bas, et on n’arrivait pas à faire en sorte qu’il nous plaise sur 3 minutes 30. A chaque fois qu’on se retrouvait et qu’on se demandait sur quel morceau on pouvait avancer, il y avait toujours ce putain de « Keep Me Inside » qui revenait et qu’on n’arrivait pas à faire avancer.

Victor : On l’a débloqué avec une ligne de voix.

Thomas : Ouais, une ligne de voix qu’avait faite Victor et qui venait d’un autre morceau. On n’a pas gardé le morceau, mais on a gardé la ligne de voix, qu’on a remise au bon tempo…

Victor : … et à la bonne tonalité. C’était de la bidouille d’ordi de fou !

Antoine : On s’est rendu compte que la ligne de voix marchait, et que c’était ce qu’on voulait.

Victor : Elle a fini par structurer le morceau.

De quoi parle ce morceau ?

Alex : Le morceau parle justement d’un accouchement difficile !

Victor : « Keep Me inside », garde moi à l’intérieur.

Alex : Tu te demandes si c’est le bébé qui parle depuis l’intérieur… Il ne veut pas sortir. Et il dit « garde moi avec toi, garde moi avec toi ».

À la fin, il arrive à sortir quand même ?

Antoine et Victor : Je ne sais pas. (rires)

Vous laissez le suspense.

Alex : Quand je crie dans le morceau, c’est la descente. Aaaaaah…

Victor : La chute.

Thomas : Le toboggan ! (rires)

D’habitude vous mettez combien de temps à créer un morceau ?

Victor : Y’a pas d’habitude. C’est entre une semaine et deux ans.(rires) Mais il y a toujours plusieurs choses en cours de travail, soit en début, soit en milieu. Parfois il y a des morceaux qu’on mixe ensemble. Parfois ils ne finissent pas. Il y en a plein qui restent sur le trottoir.

Vous avez des charrettes de morceaux pas finis ?

Victor : Oui, il y a des ordis pleins de débuts de morceaux qui ne seront jamais terminés.

Antoine : On les utilise pour d’autres choses. Pour le studio Manivelle, où on mixe de la musique à l’image. Ça sert toujours. Pour Pilöt, Alex n’aime pas tout !

Victor : Parfois elle dit : « non, je ne peux pas chanter ça. Il est hors de question que je chante là-dessus ! »

Antoine : En résumé, c’est Alex qui sabre les morceaux.

Victor : Mais c’est d’elle aussi que découlera le fait que le morceau soit bon ou pas. C’est la ligne de voix, c’est super important. Il faut qu’elle le sente.

Qui écrit les paroles ?

Thomas : C’est Alex.

Victor : Parfois, c’est le titre de la session d’enregistrement qui donne le titre du morceau. Par exemple, Antoine démarre un morceau, et invente un nom pour le sauvegarder sur son séquenceur.

Antoine : Sur le coup, il faut trouver un nom pour pouvoir sauvegarder. Tu donnes un nom, genre « Colonel Moutarde », et ça se retrouve intitulé « Colonel Moutarde » sur l’album !

Victor : Et Alex finit par prendre le titre super débile qu’Antoine avait trouvé, et ça déclenche quelque chose, ça lui suggère l’univers du morceau — du texte, en tout cas.

Par exemple, pour « Mante Religieuse » ?

Antoine : Ça a été fait à Mantes-la-Jolie. C’est parti de là.

Thomas : Souvent ça part comme ça.

Quels sont vos projets d’avenir ?

Victor : Un EP qui va sortir. En digital, partout. En physique, ce sera uniquement vendu en concert. Il faudra venir l’acheter sur place. Et puis on a quelques dates cet été. Quelques dates en automne qui se profilent. On a plein d’autres morceaux sur le feu. L’idée c’est de finir tout ça, et de sortir notre deuxième album pour janvier 2012. On est en recherche de partenaires, label, etc., pour nous soutenir.

Vous avez des pistes ?

Victor : Ouais. Il faut que ça se concrétise. Le 5-titres sert à ça aussi, à montrer la suite de Pilöt.

L’album reprendra des morceaux de cet EP ?

Victor : Probablement un ou deux. Mais on verra ce qui sortira pour l’album. Si on sort 15 morceaux mieux que ceux de l’EP…(rires) Ce n’est pas sûr !

Thomas : Ce serait bien de pouvoir choisir.

Victor : Oui, l’idée c’est de faire une vingtaine de morceaux pour pouvoir en choisir 12 qui nous plaisent vraiment, qui permettent de créer une cohérence, une progression.

Idéalement, où est-ce que vous voyez Pilöt dans 3 ans ?

Alex : A New York ! (rires)

Antoine : C’est dur de répondre, de se projeter autant.

Thomas : A l’international en tout ca !

Vous avez déjà joué à l’étranger ?

Thomas : Oui. On a fait une tournée européenne : Belgique, Allemagne, Pologne, Suisse.

Victor : C’était chan-mé ! Beaucoup de camion, mais c’était bien.

Le public était différent de la France ?

Thomas : Même en France, il y a des publics différents. Tu n’as jamais vraiment le même accueil, si c’est un bar où les gens s’assoient, ou si c’est une vraie salle.

Victor : En Pologne, à Poznań, c’était un public d’étudiants. Vraiment super. Le lendemain, on a joué à Varsovie. Les gens étaient un peu plus guindés, c’était un peu chiant.

Thomas : On a joué dans un théâtre, les gens étaient assis.

Victor : Ouais, bizarre… Après, tu te retrouves en Belgique, dans un bar miteux du centre-ville.

Antoine : C’était mythique !

Victor : Ouais, mythique et miteux ! Enfin, c’était bien roots, tu vois. Pas de loges, les chiottes sont toutes taguées. (rires)

Alex : La différence, c’est surtout entre les festivals et les concerts en salle. Ça n’a rien à voir.

Et vous préférez… ?

(Tous)  : Les festivals.

Alex : Il y a plus de vie, c’est dehors, t’es moins confiné.

Thomas : Il y a des groupies avant et après ton concert.

Antoine : Il y a une espèce de chapiteau où tout le monde mange. (rires).

Victor : Souvent, tu te retrouves devant 2000 personnes, et ça c’est cool aussi. Ça t’envoie du bois.

Antoine : T’as pas de mur. Le son ne rebondit pas, c’est très particulier.

Victor : Oui, le ressenti est différent.

Thomas : Qu’il fasse jour ou qu’il fasse nuit, et on a fait les deux en festival, c’est quand même plus agréable de jouer dehors.

Victor : Ça ne t’empêche pas d’avoir un public pourri, mais c’est sympa quand même.

Musicalement, comment vous voyez le groupe évoluer ? Vous disiez tout à l’heure que vous aviez déjà eu une belle évolution par rapport à vos débuts.

Antoine : On essaye d’évoluer tout le temps. Ce qui nous plait vraiment dans la musique, c’est de chercher. Donc ça dépend des influences du moment. Si on commence à écouter un style, et que ça nous fait marrer, deux mois après on va se retrouver dans cette couleur-là. Ça évoluera forcément, mais où, je ne sais pas. Peut-être qu’un jour on va chanter en français…

En français ? Carrément ?

Antoine : Ouais, ce n’est pas impossible.

Victor : Ce n’est pas impossible qu’on fasse quelque morceaux, ouais.

Alex, tu n’as pas l’air convaincue.

Victor : J’ai dit « peut-être un jour » !

Alex : Ouais, ça va être dur.

Antoine : Faire sonner la langue française, c’est particulier.

Victor : C’est dur, ouais.

Alex : Le phrasé… Ce ne sont pas les mêmes sons, les mêmes sonorités, les mêmes phonèmes, c’est complètement différent. C’est comme manger un bonbon ou manger un lapin. (rires)

C’est vrai que ce n’est pas pareil !

Victor : La couleur de ton morceau n’est pas du tout la même, c’est sûr. La langue française, ça te reconstitue une esthétique.

Alex : Moi, je ne dis pas non. Il ne faut jamais dire « jamais ».

Vous écoutez quoi en ce moment ?

Victor : Moi, le dernier truc qui m’a fait marrer, c’est Excision, un DJ de dubstep carrément horrible, mais qui fait du gros son ultra-violent, ultra-digital, que je trouve trippant. Ça me fait danser. C’est ma dernière petite découverte-plaisir.

Antoine : J’écoute des trucs assez variés. J’aime bien des trucs du genre Saul Williams. Sinon, j’écoute beaucoup de styles de musique hyper variés. Je ne reste pas forcément attaché au rock.

Victor : Tu nous as fait écouter The Skull Defekts.

Antoine : Ouais, c’est bien, ça. Un groupe américain intéressant. Démarche très minimaliste, assez tribale.

Thomas : Skull Defekts, ça m’avait bien fait tripper. Il y a quelques morceaux des Black Lips qui, en ce moment, me font vraiment kiffer. Cette ambiance ultra garage désaccordée, et en même temps mélodique, j’aime bien. Après, on oscille tout le temps, on ne sait jamais vraiment comment se positionner. Tous les deux mois, on arrive avec un truc plus électro, puis la fois suivante avec un truc plus rock. Et puis on arrive vite à saturation de la guitare, alors on repart vers l’ordinateur. Finalement, l’ordinateur, on trouve que ça manque de vie, alors on repart vers la guitare. On oscille un peu entre ces deux mondes.

Alex : J’aime bien la musique classique, Beethoven, Mozart, les chorales religieuses. Sinon, No Age, Japanther, ce sont mes groupes préférés. Très punk, noise.

Au niveau de la voix, est-ce qu’il y a une chanteuse en particulier qui t’inspire ?

Alex : J’aime beaucoup P.J. Harvey. C’est banal, mais c’est quand même une belle voix et une belle personne. Impressionnant.

Interview par Jérôme de Larosière


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