NICOLAS PAUGAM


Notre focus consacré à Nicolas Paugam continue, cette fois-ci avec une interview où l’on éclaircit quelques questions qui demeuraient en suspens au sujet de son passé de musicien jazz, de son amour pour la musique Brésilienne, des origines littéraires de ses textes, du devenir de Da Capo, son premier projet…   Le « Qui c’est celui-là » qui lui fût attribué n’aura désormais plus le même sens.

Tu as un parcours assez long, peux-tu nous dire quand as-tu commencé à jouer et à composer ?

J’ai commencé la musique à 18 ans, et ai composé vers 20.

Da Capo a eu son petit succès. Que s’est-il passé par la suite ? Où en est le projet ?

Nous avons fait notre quatrième album en 2013. Le groupe existe toujours mais vit dans l’ombre. Je ne m’en occupe plus : j’ai fini par trouver mon propre univers très différent de celui de Da Capo, c’est mon frère qui gère, et les concerts et les compositions.

Da Capo était signé chez Lithium Records, qui avait pas mal fait bouger les lignes de la pop indé française. Que t’a apporté cette expérience ? Quelles étaient les influences et les points de ralliement qui reliaient les différents groupes signés sur le label ?

Nous étions très différents des autres sorties du label puisque nous chantions en anglais. Ce qui prouve que ce label -et son fondateur Vincent Chauvier- n’avait pas de chapelle et se moquait du qu’en dira-t-on. Il avait aussi une grande culture, cela collait bien entre nous. Il nous avait déjà repérés en 1992 alors que nous commencions à peine. Et puis, signer un groupe après avoir reçu une cassette du Puy-en-Velay, il fallait le faire !! ça ne se voit plus aujourd’hui…. Si, il y a tout de même La Souterraine.

Qu’est-ce qui t’a amené à te lancer dans un projet solo ?

Je me sentais à l’étroit dans Da Capo. Je n’arrivais plus à composer, tout me paraissait mauvais. J’ai donc commencé à étudier le jazz pour m’en sortir puis petit à petit, j’ai repris confiance et j’ai fait  le Tamanoir de mes Rêves en 2008, et ensuite les chansons sont venues. C’est vraiment grâce à l’improvisation que j’ai trouvé et c’est comme cela que je compose… je ne connais plus la page blanche, je m’isole quelques jours et j’ouvre les vannes.

Dans tes premiers enregistrements solo (Le Tamanoir de mes Rêves), tes influences relèvent du jazz manouche, influences que l’on pouvait déjà entendre dans Da Capo. Sur tes compositions les plus récentes, l’influence de la musique brésilienne (et surtout de la MPB) est très claire. Comment expliques-tu cette évolution ?

Je n’entends pas vraiment de jazz manouche dans le Tamanoir de mes Rêves encore moins dans Da Capo, mais comme la musique s’écrit dans l’oreille de celui qui l’écoute… Le jazz manouche m’a permis de gagner ma vie en jouant des concerts mais c’est un style qui ne m’intéresse pas du point de vue de la composition, il me semble que Django l’a sublimé et il est mort en 1953 ! D’ailleurs, Il se dirigeait vers le Bop quand il est mort. Un peu comme Hendrix, qui, lui, allait faire un disque avec Miles Davis. Pour en revenir au Tamanoir, c’est surtout l’influence de Michel Legrand ou Philip Catherine (le guitariste de jazz belge) ou même du jazz klezmer que je perçois. Quand à la musique brésilienne, c’est un amour récent, cinq ou six ans tout au plus : j’ai d’abord écouté Chico Buarque dans son album Perfil, puis le choc Milton Nascimento, la claque que recherche tout mélomane, puis Tom Zé, Louis Gonzag, Edu Lobo, Elis Régina…. je suis loin d’avoir fait le tour.. Et comme eux, je veux faire danser.

Tu as réalisé un petit documentaire sur Georges Mégalos qui a accompagné, entre autres, Stéphane Grappelli . Comment l’as-tu rencontré ? Comment en êtes-vous arrivés à faire un bœuf ensemble ?

Georges est un « musicien pour musicien » comme on dit dans le jargon. Il a accompagné toute la variété française de l’époque (de Johnny Hallyday à Serge Reggiani en passant par Brassens et Michel Warlop). Puis, il s’est retiré à Saint-Flour dans le Cantal. C’est au Puy-en-Velay que je l’ai rencontré, il venait jouer avec les musiciens locaux. Je me souviens qu’il dormait à la maison, moi je commençais à peine la guitare, j’étais sous le charme de ce vieux qui jouait terriblement. En plus, il avait un don pour raconter les anecdotes sur sa vie et on s’amusait vraiment, c’est ce qui m’a donné l’envie de faire ce documentaire sur lui… c’est génial que ce film existe parce que maintenant il sucre les fraises dans un hospice et a tout oublié de la guitare….terrible !

Avec un parcours musical aussi varié, le risque serait de perdre une partie de ton public d’un album à l’autre. À quel genre de public as-tu affaire ? Est-ce que tu saurais nous dire si tu as un public plutôt fidèle, assez curieux et téméraire pour te suivre dans toutes tes évolutions, ou s’il se renouvelle au fil de tes créations ?

Soyons franc, je pars de rien. Da Capo a un tout petit public et moi, je n’ai joué que du jazz depuis dix ans. Je compose des chansons en français depuis six ans mais je commence juste à les jouer en public (26 septembre 2014 à l’Olympic Café) et je me découvre. Donc, tout est à faire. Mais la matrice est très solide.

Tu es musicien depuis de nombreuses années. Chanter pour un public d’avertis, est-ce plus facile aujourd’hui ou lorsque tu as commencé ? As-tu noté beaucoup de changements dans ta relation au public ?

Je découvre tout cela, être leader, c’est nouveau pour moi. Les montées d’endorphines sur scène, cela me fait sourire… C’est facile !

Venons-en aux textes. Assez difficiles à déchiffrer, ils évoquent plus qu’ils ne disent. D’où tiens-tu cette écriture particulière ?

Les textes sont dans la musique comme la musique est dans le rythme. Je n’écris qu’avec les mélodies et dans la mesure où elles sont alambiquées, les textes le sont aussi. Si j’ai un doute sur une chanson, j’écris les textes, s’il ne sort que des clichés, la chanson n’est pas bonne. C’est une écriture automatique, il y a toujours des phrases qui viennent à la composition même, et souvent cette phrase va donner le sens ou pour le moins une piste sérieuse. Mais je gribouille et rature énormément, beaucoup de repentir comme dans la peinture. Certaines phrases sont magiques, d’autres moins. J’adore les textes de Bashung, Ferré, Nino Ferrer et je lis Witold Gombrowicz, Thomas Bernardt, Francis Ponge… tous de grands stylistes à mon goût.

Bien que l’on sente bien l’ironie dans « C’est Facile », cette chanson est avouons-le assez crispante… Cette voix de crécelle, c’est ta façon d’être destroy ?

C’est ma voix et la crécelle c’est bien aussi. Bouchez-vous le nez en disant «  j’aime l’ail, j’aime l’ail…. » : c’est beau, non ?

Dans Da Capo, vous chantez en anglais. Qu’est-ce qui t’a amené au français ?

L’exigence. Je ne m’y retrouvais pas avec l’anglais. J’aimerais avoir le choix (anglais, brésilien, amharique… ) mais je suis une bille en patois étrangers.

Tes enregistrements comportent de nombreux instruments. Comment t’y prends-tu en live ? Les soli de clarinette sont-ils vraiment dispensables à des chansons comme « Les Serpents de l’Arkansas » ou « L’eau de la Mer » ?

Pas du tout indispensable, c’est pas terrible avec le recul. Live et studio sont pour moi deux univers très différents. Les concerts sont plus rock, plus brut avec des chorus. En studio, c’est autre chose, on rêve tous de faire notre Pet sounds. Le home studio et surtout les VST permettent de voir grand avec peu de moyens, je veux dire par là que l’on peut gérer une infinité de sons avec seulement un clavier-maître. C’est fabuleux mais cela prend beaucoup de temps … j’aimerais beaucoup pouvoir me payer quatre mois de studio et deux claviers sur scène, mais ce n’est pas possible dans l’immédiat.

Tes clips vidéo sont faits avec de petits moyens : on imagine que les acteurs sont tes amis, des membres de ta famille… Parfois des maquettes ou des jouets sont utilisés (par exemple dans le clip de « Tu vois pas pas qu’on s’aime pas »), ce qui ajoute à nos yeux un côté à la fois naïf et auto-dérisoire (attention « auto-dérisoire » est un néologisme qui ne veut pas dire auto-dérision !!!!). Est-ce par contrainte matérielle que ce choix s’est imposé ou au contraire est-ce un parti-pris ?

Il y a bien sûr une contrainte matérielle mais de toute façon, je ne suis pas pour les grosses équipes mais bien pour les idées fortes. Cassavetes a fait Shadows avec six personnes. Au niveau graphique, je suis très inspiré pas l’univers du cinéaste Sergueï Paradjanov et notamment par son chef- d’oeuvre Sayat Nova où chaque image est un tableau.


 

 

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