Moloko Velocet


Parlons de la naissance de Moloko Velocet : est-ce que c’est le projet qui est venu avant le groupe, ou le groupe avant le projet ?

Adrien : C’est le projet avant le groupe.

Qui a eu l’initiative ?

Mary : C’est Adrien.

Adrien : C’était la volonté de monter quelque chose suite à un voyage, pendant lequel m’est venue cette envie. Ensuite, je me suis entouré des gens que je connaissais, tout simplement.

Le voyage… ?

Adrien : Pendant quatre mois et demi, j’ai fait un road trip aux États-Unis et au Mexique. Tout seul. C’était il y a deux ans ; j’avais vingt ans.

C’était l’événement fondateur !

Adrien : Pour moi, oui. J’ai été seul pendant quatre mois et demi, ça permet forcément de mieux se connaître. Et puis j’ai fait plein de rencontres qui m’ont inspiré.

Comment est-ce que ça t’a conduit à la musique de Moloko Velocet ?

Adrien : J’ai commencé à écrire des chansons pendant le voyage.

Juste des paroles ?

Adrien : Non, vraiment des chansons. Ou au moins des idées qui sont restées dans un coin de ma tête. Et en rentrant… Je savais aussi que Mary n’attendait que ça ! Elle était très motivée pour lancer quelque chose.

Mary : Adrien avait déjà un groupe, qu’il a quitté en rentrant de voyage.

Adrien : On jouait du punk, on mettait des slims… J’ai eu envie de voir un peu autre chose.

Et aujourd’hui, votre répertoire est constitué de chansons composées pendant ce voyage ?

Adrien : Certaines sont parties, d’autres sont restées…. En tout cas, l’esprit est resté. Pour les compositions qui sont venues plus tard, on a suivi la même ligne.

Ce sont des textes narratifs ?

Adrien : Oui, c’est narratif. Des histoires de voyage, de rencontres. J’ai essayé de décrire des belles choses. La première envie que j’ai eu, c’était de faire quelque chose de beau. Tout simplement. Ne pas me limiter à faire du son…

Tu étais dans quel état d’esprit pendant ce voyage ?

Adrien : Un peu fou !

Pourtant ce que vous jouez est assez paisible…

Adrien : Oui, c’est vrai. Mais derrière ça il y a une espèce d’atmosphère — qu’on peut ressentir, j’espère.

Aujourd’hui vous êtes six musiciens, il y a pas mal de couches, une musique assez dense… Tu arrivais déjà à imaginer comment ça sonnerait avec un vrai groupe ?

Adrien : Ouais, dans l’idée. Mais à côté de ça, je suis content qu’aujourd’hui tout le monde puisse s’exprimer dans le groupe. Ils apportent bien plus que des instruments et des couches…

Aurélien : Dans ce cas de figure, tu as un mec qui a déjà une idée assez précise : « a priori, ça sonnera comme ça, ça parlera de ça, les morceaux ressembleront à ça… » En tant que musicien, ça te donne déjà une direction, il n’empêche que…

Pierre : .. on n’est pas non plus des musiciens de session. Chacun essaie d’apporter sa touche.

Adrien : Même si Moloko vient d’une expérience personnelle, chaque membre du groupe a son vécu et apporte sa sensibilité.

Mary, ça a commencé avec toi…

Mary : Oui, je ne suis même pas sûr qu’Adrien avait envie de faire un groupe au départ. Il m’a simplement dit : « j’ai envie de faire une chanson avec toi. » On a fait une chanson, « Battlefield », puis une deuxième, « Red Sun ». On a écrit les paroles de ces deux chansons ensemble. Et celle qui restera toujours la plus importante pour moi, c’est « Red Sun », parce qu’elle parle vraiment de nous.

De vous deux ?

Mary : Oui. Voilà, Adrien a mis tout ça en musique, et on s’est dit que ce ne serait pas possible d’être juste à deux sur scène. Donc on a invité Arturo à nous rejoindre. Plus tard, Pierre, Aurélien, puis Raph ont rejoint le groupe au fur et à mesure. À plusieurs, c’est clairement mieux.

Pierre : Ca ouvre des portes.

Donc Mary, au début Adrien te dit : « je veux faire une chanson avec toi. » Et il t’explique…

Mary : Cette première chanson, « Battlefield », est assez torturée. Et je pense qu’elle résume bien l’état d’esprit « fou mais posé » dans lequel Adrien était pendant son voyage. La chanson est très calme mais les paroles sont carrément violentes. Je me souviens qu’Adrien m’a dit « on va écrire quelque chose… et ma première idée, c’est un viol avec des armes blanches. » C’est ça que tu m’as dit !

Adrien : Non, non !

Mary : Si !

(rires)

Adrien : Non, c’est une espèce de métaphore entre l’amour et la violence.

Il y a trois guitaristes. Comment est-ce que vous vous répartissez les rôles ?

Arturo : À la base, j’avais une guitare acoustique. Donc j’en suis assez naturellement venu à faire les lignes d’accords. Et Pierre avait une Epiphone SG dégueulasse…

Pierre : J’ai été élevé aux pentatoniques blues, donc je fais un peu mon branleur…

C’est pour ça que tu disais (en off) qu’un solo de guitare, ça ne se compose pas !

Pierre : Voilà ! Je pense qu’un solo, ça doit venir des tripes et pas du seul génie musical, d’une tête qui pense…

Aurélien : Moi je pense qu’un solo de guitare ça doit bien se marrier avec les violons qu’il y a derrière !

(rires)

Et toi Adrien, tu joues… ?

Adrien : Moi je joue beaucoup sur des effets.

Pierre : L’élément psychédélique.

Adrien : Je suis sans doute la guitare la moins importante.

Aurélien : En même temps tu chantes, tu as le beau rôle.

Tu veux laisser de la place aux autres ?

Adrien : Ouais ! Je ne suis pas capable de faire des leads, comme Pierre sait en faire. Et je n’ai pas forcément les idées pour créer des rythmiques qui vont apporter une dimension supplémentaire, comme Arturo sait le faire.

Aurélien : Et puis, quand tu parles de « laisser de la place »… Comme on est six dans le groupe,c’est vrai que tu ne peux pas en foutre partout, tout le temps ! Par exemple pour moi, à la batterie — c’est aussi parce que je ne suis pas super affûté d’un point de vue technique — mais j’essaie vraiment de jouersimplement. Je pense qu’il n’y a pas besoin d’en faire plus ! Et je crois que tout le monde essaie de jouer de façon épurée. Le but, c’est que ça se marie bien. Il n’y a pas besoin de démonstration de force !

Il peut arriver que les guitaristes se marchent un peu sur les pieds ?

Arturo : Un peu, ouais. Parfois, c’est tellement compliqué qu’on préfère jouer trois fois la même chose, plutôt que de faire trois choses différentes et que ça soit de la bouillie. C’est pour ça qu’on s’est réparti les rôles : il y en a un qui fait des lignes de basse et des petits solos, un qui fait vraiment de la rythmique, et un troisième qui jongle entre les deux.

Pierre : Dans les moments intenses, il y a deux guitares qui jouent la même rythmique, et on a vraiment le gros son !

Aurélien : Voilà, il y a un côté très flexible au niveau des arrangements. Quand tu veux envoyer du bois, tu peux. Quand tu veux que ce soit aéré, c’est pas compliqué, quelqu’un arrête de jouer. Donc le fait d’avoir trois guitares, c’est quand même très confortable, à condition de bien utiliser la formule.

Il y a des décisions d’orchestration qui doivent être prises : il y a quelqu’un qui prend les décisions finales ?

Raphaël : Moi je dirais que c’est plutôt instinctif. Ca part d’une suite d’accords d’Adrien. Ensuite, chacun connaît sa place dans le « spectre du son », en quelque sorte, et on arrive tous à se positionner instinctivement.

Aurélien : Au début, c’était un peu le bordel. Mais aujourd’hui, c’est beaucoup mieux défini. Il y a eu une sorte de sélection naturelle. (rires) Chacun joue ce qu’il a l’habitude de jouer. Et puis c’est pratique, parce que si chacun des trois voulait avoir son solo pendant le set, ça serait un casse-tête au niveau des réglages du son. Donc oui, tout ça se fait démocratiquement. Et puis quand vraiment ça coince…

Pierre : … c’est Adrien qui a le dernier mot.

Adrien : Vraiment quand il faut trancher. Mais j’essaie autant que possible d’éviter.

Pierre : Ceci dit, tu es un très bon manager de ce point de vue. Vraiment !

Oui, il y a cet aspect « management humain »…

Pierre : Oui, carrément ! On est six !

Aurélien : Et puis on est con.

Mary : Adrien, c’est le baby-sitter.

Il y a des gens qui sont presque philosophiquement opposés au concept d’un groupe de rock sans bassiste…

Adrien : Le clavier joue le rôle de la basse.

Raphaël : Quand on a un synthé comme le mien, tu peux te permettre de l’utiliser pour faire les basses. C’est réputé pour ! J’utilise un Moog Source pour faire les basses, et ensuite je fais des drones avec le MiniKorg. J’ai intégré le groupe en ne sachant pas vraiment ce que j’allais y faire.

À l’époque…

Aurélien : On était cinq, et c’était déjà un clavier qui faisait les basses, puisque Mary chantait en jouant du clavier. Elle faisait des choses un peu rudimentaires, pour compléter le son — ce que font quand même beaucoup de bassistes ! Et je salue d’ailleurs leur courage, parce que les bassistes qui en foutent partout, c’est vraiment insupportable. Donc Raph a intégré le groupe, et ça s’est fait naturellement.

Pierre : Ca a vraiment donné du liant.

Aurélien : Et puis Mary est moins emmerdée, parce que quand tu as le nez dans le clavier et que tu dois chanter en même temps…

On te voit encore aller aux claviers sur un morceau…

Mary : Oui, ce qui permet à Raph d’aller jouer de la douze cordes.

Et là vous avez quatre guitares !

Aurélien : Pour la photo !

(rires)

Adrien : Là, c’est pour les gros paysages !

Pour les paysages ! Quand vous jouez maintenant, Adrien, ça te rappelle encore les paysages de l’époque ?

Adrien : Ouais, carrément ! Disons que ça met dans une ambiance. Et une ambiance, c’est quoi ? C’est un lieu, une lumière, quelque chose qui se passe, un sentiment… On essaie de re-construire ça avec des instruments.

Il y a un type particulier de paysage ?

Adrien : Euh… Non, ça peut être n’importe quoi. Si tu écoutes et que ça t’évoque la forêt, alors ça peut être la forêt !

Aurélien : Tu crois qu’on peut vendre ça à des agences de voyage ?

(rires)

Pour ce qui est du chant, Adrien, Mary : vous chantez à l’unisson ?

Mary : Ca dépend.

Adrien : C’est un point d’amélioration, sur lequel on travaille pas mal. Avec également l’intégration de Pierre à la voix, de plus en plus.

Pierre : J’essaie de faire des chœurs, je me place là où il y a de la place ! Et puis je pousse Adrien et Mary à essayer de faire des harmonies vocales. C’est difficile, mais je pense que sur certains morceaux, ça peut s’avérer payant.

Adrien : Il faut aussi être conscient de ses limites…

Quelles sont vos limites ?

Aurélien : Freddie Mercury n’est pas dans ce groupe !

(rires)

Adrien : Les limites, ce sont les limites techniques de chacun. Après, le fait d’en être conscient est justement un atout. On ne va pas essayer de faire des envolées sur cinq octaves, parce qu’on sait que ce serait moche. On sait ce qu’on sait faire. Reste à bien le faire.

Toi, Mary, tu avais déjà chanté avant Moloko Velocet ?

Mary : Non. Quand Adrien m’a proposé de chanter en rentrant de voyage, ça m’a paru vraiment cool. On se connaissait depuis un an et demi, je crois, et je suivais ce qu’il faisait dans son précédent groupe. Je me disais « pourquoi pas ». En fait j’avais été dans un autre groupe, il y a très, très longtemps. J’étais guitariste. Ca a duré six, huit mois. Mais je ne suis pas du tout chanteuse à la base.

Pierre : Mais tu n’avais pas fait deux, trois chansons avant ça ?

Mary : Si, j’avais chanté avec Aurélien !

Aurélien : Adrien et moi, on adorait tous les deux des trucs comme My Bloody Valentine. J’avais un 4 pistes cassette tout pourri, un petit fût qui faisait de la reverb. On s’est dit, « on va faire des chansons »… Et c’était franchement chaotique ! (rires)

Adrien : On a fait quatre, cinq répéts à trois.

Avec Mary ?

Adrien : Oui, avec Aurélien et Mary.

Mary : Mais je ne me souviens plus !

Aurélien : Non, mais c’était le bordel ! J’ai d’abord fait des prises sur 4 pistes avec Adrien à Roubaix, et ensuite je suis venu chez toi pour qu’on enregistre du chant.

Mary : Aurélien a essayé de me faire bosser les aigus, c’était impossible !

Aurélien : J’avais commencé à écouter les Raveonettes. Et je me suis dit : « ce serait merveilleux que dans le groupe on ait deux voix, une qui fasse les graves et l’autre les aigus. » Je fais ma chanson à la con, je dis « tiens, Mary, prends les aigus ! » Bon, ça ne marche pas. Je lui envoie le truc sur MSN, et je lui dis : « vas-y quand même, chante au-dessus des morceaux, on va voir ce que ça donne ». Et j’ai pris la voix du haut ! Du coup, j’ai quelque part chez moi une super cassette avec trois guitares enregistrées directement dans le 4 pistes avec de la reverb dégueu, une batterie qu’on n’entend pas, et c’est moi qui fais les aigus !

Pierre : Une voix de femme dans les graves et une voix d’homme dans les aigus.

Aurélien : En fait je chante toujours comme ça aujourd’hui.

Comme Nico Sushi ?

Aurélien : Nico Sushi sans les couilles !

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