Minor Sailor


Donc Minor Sailor est né d’une frustration…

Jeremy : Les relations dans mon précédent groupe étaient rendues problématiques par notre difficulté à accoucher de quelque chose. Il y a eu une réaction naturelle face à ça…

Pendant mon projet électronique/electronica, j’ai commencé à faire des trucs tout seul sur l’ordinateur, à explorer de nouvelles pistes plus expérimentales. J’ai fait écouter le résultat autour de moi. Avec Maya, on a monté un projet fondé sur une forte interaction entre des photos et de la musique. Les morceaux sont arrivés d’eux-mêmes sans prise de tête. L’interaction entre l’imagerie et la musique est essentielle pour nous : les deux s’influencent.

Minor Sailor est donc ton projet ou l’as-tu monté avec Maya ?

Jeremy : Le projet est vraiment venu de nous deux, parce que c’était devenu notre quotidien, un quotidien créatif. J’arrivais tous les jours avec de nouvelles idées de morceaux, je faisais des essais sur le synthé. Le weekend, on partait faire des photos. Tout s’est fait naturellement, ça partait de notre quotidien et c’était donc moins froid que ce que j’avais connu avant.

MINORSAILOR45_LD« C’était devenu notre quotidien »

Y a-t-il une petite histoire derrière le nom du groupe ?

Jeremy : Pas vraiment. « Minor », c’est pour évoquer quelque chose qui n’a pas pour objectif de s’imposer. On n’est pas un groupe de teenagers péteux qui va faire la meilleure musique du monde. On a une approche plus réservée. Il y a aussi un côté rêveur, parce que les accords mineurs sont toujours un peu plus tristes, un peu plus mélancoliques. « Sailor » suit la même idée. Les marins évoquent quelque chose de lointain et mystérieux.

Au niveau musical, vous êtes-vous mis d’accord sur le style ?

Jeremy : Il n’y a pas eu de réflexion. Il n’y a pas de moment où on s’est posé en disant qu’on allait aller dans telle ou telle direction. Quand on écoute les premiers morceaux de Minor Sailor, il y avait une démarche beaucoup plus électronique. Il y a même eu des morceaux qui étaient dans la veine d’Autechre, uniquement faits avec des boîtes à rythmes. Au fur et à mesure, ça a évolué, mais c’est difficile d’avoir du recul parce que c’est quelque chose qu’on vit au quotidien.

On a des références communes, en musique, en photos, en vidéo, en littérature. Pour moi, la musique s’est imposée, parce que c’était ce qui me paraissait le plus évident pour s’exprimer. Pour Maya c’est la photo. Mais on n’est pas fermé à la vidéo, d’ailleurs, depuis le début, on participe à des courts-métrages.

Les premiers pas ?

Jeremy : Maya et moi, on a fait deux concerts. On voulait jouer ensemble sur scène. Le set sur lequel on travaille en ce moment, je suis tout seul… et pas tout seul. C’est là toute l’ambiguïté de Minor Sailor : c’est un projet musical, mais pas seulement. C’est un projet photo, mais pas seulement…

Donc, maintenant, je suis seul sur scène et Maya projette des photos en direct.

La première composition ?

Jeremy : « Prison ». C’est un morceau que j’ai fait en un après-midi en me réveillant d’un cauchemar. C’est marrant, parce que d’habitude, l’accouchement d’un morceau passe par plusieurs étapes ; c’est moins instinctif. Là, en un après-midi, j’ai posé les bases de ce cauchemar.

Le morceau commence avec du piano et finit avec des boîtes à rythmes TR 808 et 909 qui sont typiques de la house de Chicago et de la techno de Detroit. Elles sont filtrées, passées au delay et les sons sont retravaillés à l’ordinateur. C’est plus une approche électronique.

Le premier concert ?

Jeremy : Février dernier. C’était dans un bar parisien à la Plage. C’était cool et on était super excités de faire un concert. On était trois groupes à jouer. Il n’y avait pas de technicien de son, un seul baffle qui marchait et pas de basse, donc que des aigus. On a donc passé beaucoup de temps à essayer de régler le son pour avoir quelque chose de potable. On avait apporté plein d’instruments pour deux personnes, donc c’était plutôt costaud à mettre en place. On a passé tellement de temps à régler le son qu’on a eu moins de temps pour jouer. Les gens avaient répondu à l’appel mais d’un point de vue musical c’était une catastrophe : je tremblais beaucoup et je regardais mes pieds ou bien la lumière dans le fond. Je me brûlais les lèvres sur le micro, parce que le système électrique était pourri. Je me prenais du jus à chaque fois que je chantais !

MINORSAILOR54_LD« Je regardais mes pieds ou bien la lumière dans le fond »

Quelle est votre approche de la scène ?

Jeremy : Pour le coup, si la musique est venue de façon spontanée, pour la scène, ça a été beaucoup plus problématique. Je suis quand même très timide. On s’est pas mal posé de questions : est ce qu’on devait faire des live laptop + vidéos, inclure des instruments, ou bannir complètement le laptop du set… ?

Le live a forcément une grande importance, parce que c’est un très bon moyen de repenser ton travail et de sortir un peu de ta bulle. Quand on passe des heures sur un son de batterie et qu’après on découvre que ce sera difficilement reproductible en live… c’est là le problème.

Se décider sur le live a été une grosse prise de tête pour moi. Dans mon ancien groupe, on avait eu l’expérience de jouer en concert dans des endroits où on écoute de l’electro et j’ai eu la mauvaise expérience de voir des groupes que j’aimais bien faire des concerts Ableton Live, « play and pause ». J’avais vraiment peur de tomber dans cet écueil. C’est sécurisant, mais le but serait d’avoir une approche différente.

J’avais pensé avoir un laptop et des effets analogiques en passant par une table de mixage et tout remixer en direct. Ca ne m’a pas botté plus que ça. J’avais envie de bannir le laptop pour un moment. Reste à voir ce que ça donnera…

Le premier studio ?

Jeremy : On est sur une approche home studio. On avait pensé rentrer dans un studio pour le premier EP et faire quelque chose de plus abouti, mais il y a vraiment la peur de manquer de temps pour explorer. Et finalement, ça ne s’est pas fait.

Il va sûrement y avoir un studio cet été. On a prévu le coup : on ne veut pas d’un mixage qu’on ne contrôlera pas. Aujourd’hui, tu peux vraiment t’arranger : dans ton entourage, tu vas trouver quelqu’un qui a un bon micro, une bonne table de mixage, quelqu’un qui sait utiliser le matériel…

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