Lilt


Sur votre esthétique visuelle, est-ce que vous êtes toutes les deux d’accord ?

Camille : On en discute beaucoup, ce n’est pas évident. On n’a pas forcément la même esthétique, d’emblée.

Aude : On arrive à se mettre d’accord, mais…

Vers quoi est-ce que vous tendriez, chacune ? Sans essayer de tenir compte de l’opinion de l’autre ?

Camille : Je pense qu’Aude tendrait vers quelque chose d’épuré et d’étrange. Et que moi je tendrais vers un gros bordel.

Aude : Comme on doit le faire à deux, je ne sais pas. On se tempère sur certaines choses. Moi je fais très attention aux trucs qui peuvent paraître trop connotés, qui rappellent trop directement un univers précis. Je n’aime pas ça, je trouve ça trop facile.

Camille : Par exemple : les casquettes de nazi, c’est pas possible. (rires) Déjà on fait du folk, alors par exemple on ne va pas faire une pochette avec des guitares en bois, des petits oiseaux et des enluminures !

Aude : Exactement ! Dans ces cas là, moi je dis : « C’est mort ! Pas de tresses, pas de petits oiseaux ! »

Camille : Pas de fleurs dans les cheveux ! On essaye d’éviter les clichés.

Aude : J’adore les clichés, mais pas que l’on se vautre dedans sans s’en rendre compte.

Camille : Donc on se vautre dedans en s’en rendant compte !(rires) Non mais par exemple, dans le clip de “Burning House”, il y a un squelette. Moi je voulais beaucoup l’utiliser, et Aude non, et elle avait raison. Parce que sinon on aurait peut être tendu vers quelque chose beaucoup plus évident : « la Mort, nanana… » Aude fait plus attention à ce que ça raconte. Moi, si j’ai envie de mettre un squelette, j’ai envie de mettre un squelette ! Je ne réfléchis pas à ce que ça va faire, je veux un squelette !

Aude : Tu proposes beaucoup plus de choses, et moi je tempère souvent. (Enfin, je caricature, c’est parfois l’inverse…)

Camille : Aude m’aide vachement à ne pas faire les choses n’importe comment. Et je pense que j’aide un peu Aude à exprimer les choses pour lesquelles elle est super douée d’emblée, sans forcément oser les faire.

Aude : (voix faussement sensuelle) Ah ! Camille !

Camille : Ma ! Aude ! Jé sais !

Aude : Mais moi aussi je lui fais des compliments ! Hors interview, quand elle improvise des chansons !

Vous n’improvisez pas sur scène ?

Aude : Non.

Camille : Je me suis posé la question. On a failli le faire, mais Aude était complètement contre. Du coup on ne l’a pas fait.

Elle t’a tempérée.

Camille : Elle m’a complètement tempérée. (rires) Non, mais s’il n’y avait que moi, qu’on soit clairs, Lilt ça n’existerait même pas, ce serait un répandu de n’importe quoi. Heureusement qu’Aude n’a pas dit oui à toutes les propositions qu’on nous a faites ou qui me sont passées par la tête !

Aude : Et vice versa avec moi, ça n’existerait pas parce que je n’aurais dit oui à RIEN ! (rires)

Camille : S’il n’y avait qu’Aude, Lilt n’aurait même pas été conçu, il n’y aurait pas eu pénétration, rien ! Lilt, ce serait une bite molle dans un slip ! (rires) Mais si c’était moi, Lilt, ce serait un éjaculateur précoce.

L’impuissante et l’éjaculatrice précoce : Lilt.

Camille : Tu sais que la première fois qu’on a regardé une vidéo de concert, on était pourtant contentes de ce qu’on avait fait, mais on était atterrées devant la vidéo.

Aude : On était assises…

Camille : … et on se balançait plus ou moins d’avant en arrière.

Aude : Camille avait l’air extatique, le regard vers le haut, en se balançant un peu, souriant et fermant les yeux. Thérèse de Lisieux en plein orgasme spirituel !

Camille : Tandis qu’Aude se balançait d’avant en arrière d’un air mutique en chantant les chansons sans bouger les bras ! (rires)Elle avait l’air d’une autiste totale !

Aude : On était traumatisées en voyant ça, on a essayé d’y remédier. Déjà on s’est levées.

Camille : Comme ça on bouge plus les pieds que le tronc…

Vous chantez en anglais : c’est parce que tu avais envie de changer de ce que tu fais en solo, Camille ?

Camille : Pas du tout. De toute façon, Lilt, ce n’est pas du tout relié à ce que je fais toute seule, de la même manière que ce n’est pas relié à ce que fait Aude. C’est juste une envie qu’on a vraiment à deux.

Aude : On chante en anglais.

Camille : Parce que ça vient comme ça. C’est vraiment la principale raison.

Aude : C’est venu comme ça, on avait envie.

Camille : On trouve ça joli.

Aude : On ne s’est jamais dit sérieusement qu’on allait chanter en français, ça ne nous est pas naturel. Et puis ce qu’on fait, en français, ça ne passerait pas. Mélodiquement, le français n’offre pas les mêmes possibilités.

Camille : C’est un autre choix. Pourtant, on fait très attention à nos paroles, mais on fait surtout très attention à ce que la mélodie des mots passe avant le choix des mots. Et puis c’est très différent de composer en anglais ou en français. En français, c’est comme raconter une histoire, et en anglais, c’est plus un patchwork de sensations.

Est ce que c’est une langue moins exigeante ?

Camille : En tout cas, nous, nous sommes très exigeantes avec nos paroles. Par rapport à nous-mêmes, et aussi l’une par rapport à l’autre.

Aude : C’est peut-être un peu de moi que ça vient, aussi, qu’il n’y ait pas de français. Même sous la douche ou en faisant la vaisselle je ne chante vraiment pas souvent en français.

Quels sont les sujets, les thèmes qui vous inspirent ?

Aude : On va faire d’abord parler de ce qui nous inspire, et après des thèmes qui reviennent souvent, sans qu’on le fasse exprès.

Camille : Tu verras, c’est rigolo.

Aude : Alors, les trucs qui nous inspirent… On est très influencées par notre univers immédiat, par le contexte dans lequel on écrit la chanson. Par exemple, nos premières chansons, on les a faites quand on était au Touquet, et elles parlent beaucoup d’arbres, de vent.

Et de golf.

(rires)

Camille : Il peut y avoir des touts petits éléments qui rentrent en compte. Une fois, Aude était venue répéter dans ma maison, et il y avait un truc cassé qui faisait un bruit vraiment gênant, alors Aude a fait une chanson sur un fantôme bruyant.

Aude : Et il y a par exemple une chanson qui est liée à au gyrophare orange d’un camion poubelle qui est passé pendant qu’on jouait.

Camille : Comme on improvise les paroles, on utilise tout ce qu’on voit ou qui nous passe par la tête. La chanson dont Aude parle, c’est “Burning House”, où il y a une maison en train de brûler, et Aude chante qu’il y a des reflets orange sur le mur.

Aude : Il y a aussi la chanson de la salle de bain, chez Camille. Il y a une fresque dans la salle de bain, sur le carrelage…une fresque ultra réaliste de style “tempête en Bretagne” avec le phare, les falaises, les vagues, et tout.

Camille : Et on ne s’en est pas rendu compte tout de suite, mais on a fait une chanson qui parle vraiment de tempête, moi je parle d’une fille qui attend le marin, et toi tu parles de descendre lentement sous l’océan… Et au bout d’un moment on s’est dit : “Aude ! Les carreaux de la salle de bain !”

Aude : Sur le coup, on s’était dit : « On est tellement en symbiose, on improvise du premier coup sur le même thème exactement.” « T’as des débuts de paroles ?  » « Bah ouais, je parle de la mer ». « Moi aussi je parle de la mer, c’est formidable, on a une connexion ». Non, c’était juste le carrelage.

Camille : Ca nous faisait rigoler, aussi, ça, donc on a appelé la chanson « Tiles and Tales ». “Tiles”, c’est les carreaux. Et “Tales”, c’est les histoires qu’on raconte. Voilà donc ce qui nous influence. Et maintenant : les thèmes qui nous inspirent !

Aude : Camille a une obsession marine.

Camille : Sous-marine. Je parle beaucoup de créatures sous-marines, aquatiques. Et Aude parle beaucoup de l’air, de sensations d’étouffement, de choses comme ça.

Aude : Ce n’est pas exprès.

C’est-à-dire que u n’es pas asthmatique ?

Aude : Je ne suis pas asthmatique.

Camille : Et je n’ai pas eu des parents poulpes. C’est juste que dans notre manière d’écrire, on utilise ce type de langage. Et aussi beaucoup de nature et beaucoup d’amour.

Aude : Pas tant d’amour que ça.

Camille : Aude, beaucoup de haine. (rires) Moi je parle beaucoup d’amour.

Est ce que d’après vous, les plus belles chansons sont des chansons tristes ?

Aude : Ah ! Les trucs tristes, je trouve ça souvent très beau, mais en même temps, j’adorerais savoir faire des trucs gais. Mais je crois que je ne sais pas trop. Ou alors il faudrait que je le fasse dans un contexte différent.

Camille : Moi j’ai souvent l’impression que les musiques que les gens trouvent tristes, je ne les trouve pas tristes du tout. Ça me calme, ça me rassure, ça me réconforte. Je n’associe pas forcément la lenteur à la mélancolie. J’associe plutôt ça à une forme de sérénité. Et je n’ai pas l’impression que ce qu’on fait, c’est triste. Il y a juste une vague tendance mélancolique.

Ce n’est pas tant dans la lenteur que dans les accords, les couleurs de gammes…

Aude : Ah mais le mineur, c’est mieux que le majeur ! Enfin ça dépend. Je ne sais pas, c’est compliqué comme question ! On va dire des conneries.

Antoine, du groupe Clint is Gone, avait une théorie sur ce qui faisait une bonne chanson. Il disait : « ça doit être instinctif ». Qu’en pensez-vous ?

Aude : Je ne pense pas qu’une bonne chanson doive forcément être instinctive.

Camille : Notre théorie, c’est de ne pas avoir de théorie sur la musique, donc…

Aude : Il y a tellement de manières différentes de faire !

Ça paraît quand même un peu paradoxal, que vous ayez une théorie de la non-théorie, mais qu’en même temps vous discutiez d’un peu de tout en amont ?

Camille : Non, on ne discute jamais en amont sur la musique ! La musique, on ne la discute pas, on la fait. On discute sur tout le reste, les projets, notre image…

Camille : Pour la musique, en général, on ne se dit même pas à l’avance : « tu sais, ce serait bien si pour une fois, dans la chanson, il y avait ça ». On essaye les choses, et on dit comment on les a senties. Jusqu’à ce qu’on soit convaincues. Donc on ne discute pas en amont, on discute en aval !

Aude, tu as d’autres projets musicaux ?

Aude : Je fais des chansons toute seule. Enfin, ce n’est pas un projet, c’est une activité. Je fais du piano dans ma chambre !(rires) Et je fais des chansons, que je n’arrive pas à jouer, pour l’instant, parce que… je suis toute seule. Mais j’y travaille beaucoup. Enfin, j’y travaille un peu. Pour réussir au moins à les enregistrer. Peut être à les jouer directement devant des gens.

Tu joues du piano et tu t’enregistres par dessus ?

Aude : Je joue du piano en chantant.

Je croyais que tu n’aimais pas…

Camille : Si, elle aime ça !

Aude : Ce n’est pas si désagréable, mais c’est dur de faire bien les deux en même temps.

Camille : Non ! Ça déboîte tout, ce qu’elle fait.

Ce projet porte un nom ?

Aude : Ce n’est pas un projet ! On verra. C’est en gestation. Mais un jour je le ferai ! Je suis obligée. Sinon je serai quand même triste de me dire que je ne les ai faites écouter à personne, ces chansons. Donc je vais le faire.

Et toi Camille, quelques mots sur La Demoiselle Inconnue ?

Camille : Eh bien, c’est un projet solo, chanté principalement en français, et très foutraque… (rires) Il se passe plein de trucs sur scène, avec plein d’objets ! J’essaye quand même que les objets aient une fonction et une utilité. Par exemple en ce moment j’ai très envie de ramener mon épée sur scène, et je cherche le moyen de jouer de la musique avec, pour pouvoir la mettre sur scène. Tu vois, ça vient comme ça : d’abord je me dis : je veux une épée ! Et après je cherche des solutions. Je fais presque uniquement des chansons d’amour… ça va aussi volontairement chercher dans le rigolo, ou dans la surprise. Bon, c’est un univers différent !

Et avec Lilt, vous avez des projets ? Récemment, vous avez sorti une vidéo.

Camille : Oui, on a un clip (“Burning House”) dont on est très heureuses ! Réalisé par le mirifique Pierre Mazingarbe. Ce jeune homme nous a très généreusement proposé de consacrer son projet de fin d’études, auxArts Déco, à nous faire un clip. On en a beaucoup discuté avec lui, puis il a fait sa vidéo très à sa manière, mais qu’on aime très fort.

Aude : Et on a aussi fait la musique d’un de ses courts-métrages, qui va sortir bientôt, et qui s’appelle « Les poissons préfèrent l’eau du bain ».

…qui a un rapport avec les fonds marins ?

Camille : Qui a un rapport avec l’avortement.

Aude : Et les fonds marins ! Enfin, et les poissons.

Camille : Ce sont trois filles qui vivent dans une baignoire, et du coup on a pu s’éclater sur les métaphores sous-marines, c’était bien. Et sinon, on prépare un petit EP.

Aude : C’est en train !

Camille : D’une forme Liltienne, puisqu’il y a six chansons plus une bonus.

Aude : Maintenant, on a le droit de faire ce qu’on veut, il n’y a plus de format, on s’en fout. On a six ou sept chansons, qui sont enregistrées, et qu’on va travailler un peu.

Camille : Si tout se passe bien, en décembre ce sera sorti.

Qu’est ce qui a primé, de faire un EP cohérent ?

Camille : Justement, non ! On a essayé de faire un EP qui ne soit pas TROP cohérent.

Aude : On a pris des chansons parmi les premières, d’autres plus récentes.

Camille : On a essayé de prendre les chansons qu’on aimait le mieux, et en même temps que l’EP soit un peu intéressant à écouter.

Pour la fin de l’année ?

Aude : On espère !

Interview par Nico Calibre et Nicolas Fait


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