Lepolair


Quelles sont tes autres influences ?

Pol Desmurs : À la base, tous les groupes dits de post rock, même si aujourd’hui ça ne veut plus dire grand-chose…

Et pourquoi selon toi ?

Pol : C’est comme dans tous les styles musicaux. Au début les fans ou les groupes définissent la musique comme telle, et puis il y a des déviances et des évolutions, de telle sorte que le style n’est plus une branche mais un arbre entier, avec un tas de ramifications. Et donc, je citerais A Silver Mt Zion, Godspeed You ! Black Emperor, Sigur Ros… même si, pour le coup, Sigur Ros fait partie d’une branche éloignée de l’arbre !

Tu parles d’autres influences plus surprenantes, comme celle de Steve Reich.

Pol : Oui, c’est plus récent. Je suis assez fainéant, j’aime un artiste et je l’écoute jusqu’au bout avant d’aller chercher ailleurs. Je n’avais pas aimé la première fois que j’avais écouté, il y a deux ans. Et puis j’ai réécouté, il y a maintenant un an, et ça a été une claque incroyable. Ca m’a vraiment épaté, je me suis dit qu’il restait encore des génies sur ce bas monde ! J’aime beaucoup les albums Eight Lines et Music For 18 Musicians, notamment pour son travail avec les marimbas et les six pianos.

Qu’est ce qui te plaît dans sa musique ?

Pol : Les émotions qu’il amène. On arrive à avoir quelque chose de similaire avec la musique classique, mais c’est amené différemment. Il y a toujours une phase de quasi-transe léthargique suivie par une note, une mélodie très soudaine qui vient briser la trame pour passer à un autre point de vibration.

Et toi, comment tu t’y prends pour bâtir l’architecture de tes morceaux ?

Pol : Alors je vais parler du live et de ce que je compose chez moi, puisque ce sont deux façons de procéder tout à fait différentes.

Donc deux petits paragraphes, vas-y.

Pol : Alors pour ce qui se passe à la maison c’est très variable. J’ai besoin que ce soit ludique. Je ne vais pas me forcer même si j’ai du temps libre. Je pars d’un son, que je bidouille avec le clavier. C’est plutôt le son qui m’amène vers la mélodie, je construis autour d’un son, d’une texture sonore, d’une rythmique, en kick/snare, jusqu’à obtenir la mélodie.

En quoi ?

Pol : Kick/snare ? C’est la grosse caisse et la caisse claire sur une boite à rythme. Bon, l’important c’est l’émotion. Ca vient quand ça vient. C’est comme une envie de chier ; il y a des fois où il faut vraiment que tu y ailles tout de suite, tu sais que ça va être bon !

La comparaison est parlante !

Pol : Mais plus le temps passe et moins je fonctionne à l’émotion. J’ai commencé à composer adolescent, à l’époque où on est torturé par 10 000 problèmes existentiels, de cœur, de société…, on est à fleur de peau et on compose vraiment dans le sentiment. Maintenant c’est fini, je ne suis plus torturé, tout va bien dans ma vie, alors je trouve l’inspiration ailleurs ; un ciel, une personne que j’ai rencontrée, une odeur… des petits détails qui nous montrent que la vie est belle. Même si tout n’est pas rose, j’ai envie de véhiculer ce message.

Certains titres de l’album sont très pop !

Pol : C’est toute la différence entre le live et le studio. L’album est construit de façon beaucoup plus pop. J’ai essayé de construire des titres qui attirent l’oreille, qui accrochent dès les premières notes et assez courts, jamais plus de six minutes. Je ne sais pas si j’ai réussi mais c’était mon but. Pour le live, tout se construit en longueur, c’est plus une performance au cours de la quelle je prends le temps…

Tu commences par quoi en live ?

Pol : Je commence généralement par le synthé, par une espèce de nappe qui vient du sol, un son qui remplit la pièce et qui plonge les gens dans un état second. Ca annonce la couleur directement, sans mentir, en balançant une réplique toute faite dès le départ. Quand on est invité chez des amis, on voit que les murs sont blancs, que le décor est comme ça, et on se dit qu’on va passer une bonne soirée… Je m’explique mal !

On pourrait parler de paysages sonores ou d’ambiances musicales…

Pol : Voilà, exactement. Et ça me déstresse, ça me plonge dans un état créatif. Je pars d’un accord à partir duquel je vais développer des variantes, des rythmiques.

Sur l’album live tes morceaux sont généralement longs, tu travailles sur une seule mélodie par morceau ?

Pol : Oui, que j’étire dans tous les sens. Je travaille avec quatre boucleurs, les notes se répètent et vont m’amener à former une mélodie. Le seul problème, c’est que systématiquement les morceaux démarrent de très bas et se termine par une apogée. Donc le coté pop est impossible.

Pas de solutions ?

Pol : Pas en fonctionnant comme ça et en étant seul.

Impossible d’apporter un changement à la mélodie.

Pol : Pas avec les boucleurs.

Comment tu sépares tes titres en live ? Qu’est ce qui différencie un titre de son suivant ?

Pol : Les gammes et les rythmiques changent radicalement.

On va maintenant discuter de tes projets, si il y en a !

Pol : Plein !

Ca tombe bien.

Pol : Le premier serait de composer pour de la danse. Pour me permettre de me cacher derrière des danseurs. J’ai besoin d’un rapport visuel et de passer par d’autres médias. J’ai choisi la musique mais je peints et je sculpte aussi. J’adore aussi la photo et la danse, bien que je n’en fasse pas. J’ai choisi la musique parce que je suis quelqu’un qui ne parle pas beaucoup et que ça me permettait de sortir des sons. Donc le projet c’est d’accompagner une pièce de danse contemporaine. Pour le prochain album, Lepolair va devenir un groupe, avec un batteur et trois ou cinq chanteurs. Ce qui va me permettre d’amener le coté pop en live. L’impro en live, je commence à en avoir marre de tourner en rond, j’ai besoin de passer à autre chose.

Tu as déjà trouvé l’équipe ?

Pol : Plus ou moins.

Pourquoi trois chanteurs ?

Pol : Ca pourrait aller jusqu’à dix ! Il y a une base de trois, mais ça pourrait être cinq, c’est incertain pour l’instant. J’ai déjà composé des morceaux… J’attends de travailler avec les chanteurs pour réarranger des titres et leur laisser de la place. C’est le plus dur, de leur laisser de la place. Quand on est habitué à jouer seul, on remplit tous les espaces vides, il faut que tout soit dense. En tout cas c’est comme ça que je fonctionne. Il va donc falloir virer deux, trois synthés.

Comment tu t’y prends pour composer le chant ?

Pol : Je m’en remets à des gens à qui je fais confiance dans le domaine. Je suis incapable de chanter devant des gens et je parle très mal anglais.

Il y aura des paroles ?

Pol : Peut-être, mais pas forcément. Je prends l’exemple de Sigur Ros avec leur langue inventée : ça me plaît, ça laisse place à l’imagination.

Tu vas inventer ta propre langue ?

Pol : Non, quand même pas ! Pour les paroles, je laisse le champ libre aux membres du projet. J’ai envie de dire : je leur donne le thème d’une chanson, où de l’album, et ils se démerdent ! Par exemple, pour le premier test avec un des chanteurs… je ne sais pas si je dis de qui il s’agit ?

Comme tu veux !

Pol : Charly Lazer, de SEIK. Ce n’est pas tout à fait ce que je recherchais à la base. Les autres chanteurs ont un coté classique, lyrique, mais le coté déjanté de Charly me plaît vraiment. Je pense qu’il va ajouter une touche pop-rock à l’album.

Et quelles sont les échéances ?

Pol : Dans l’idéal avant la fin de l’année, mais je préfère ne pas me mettre la pression.

Une tournée à la clé ?

Pol : Oui, de préférence. J’aimerais trouver un label qui prenne ça en charge…

… qui ne serait pas Structure.

Pol : Sauf s’ils gagnent au loto. (rires) Il faut du temps, et quelqu’un qui puisse organiser les dates et trouver les bons lieux.

À bon entendeur !

Pol : Même si rien n’est encore fixé et que tout sera réarrangé, j’aime déjà assez ce que ça donne. Un peu comme ce qu’on vient d’écouter [« Ricochet » de Tangerine Dream, ndlr], une espèce de krautrock et de rock psyché des années 70 bourré de synthés, avec une énorme batterie au centre. Ca envoie le pâté, sauf quelques titres plus légers. Pour le coup, j’en ai foutu partout ! Avec le chant en plus, ça va être assez fourni.

Interview par Nicolas Fait


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