Lepolair


Lepolair existe depuis quand ?

Pol Desmurs : Depuis 26 ans !

D’où le titre « Born In 84 » !

Pol : Exact. Le projet a réellement débuté il y a trois ans. Mais c’est un projet que j’ai en tête depuis plus longtemps, peut-être dix ans. Un projet dans lequel je voulais réunir toutes mes influences. Ca date du lycée, mais tout s’est concrétisé en arrivant à Lille.

Parce que tu n’es pas de Lille ?

Pol : Non, je viens de l’Essonne, dans la Beauce, entre Paris et Orléans … un petit village perdu dans la campagne.

Qu’est ce qui t’as amené à Lille ?

Pol : Mon ex-copine. Je ne voulais pas habiter en ville, mais Lille est la seule qui m’ait attiré de par son énergie, les gens qui y vivent, et sa scène musicale.

Tu es donc plutôt campagne … plutôt pâturage ?

Pol : (rires) Ouais !

Ce qui nous amène à parler de ton premier album.

Pol : Pâturage est sorti sur un label Lillois appelé Structure, qui s’occupe également du groupe L’Objet et de Tall Paul Grundy. Mon second album (Tears+Sun=) est un album issu de mes enregistrements live au cours d’une année. J’ai enregistré absolument tous mes live, et j’ai compilé ce qui me plaisait pour en faire un album.

Ta dernière date a eu lieu dans un club branché de Lille. Tu joues souvent dans des boîtes ?

Pol : Non ! Et c’était dur ! J’étais programmé dans une soirée festive (ndlr : soirée de la braderie de Lille) et les gens étaient venus pour danser. C’était très difficile pour moi d’être entier dans ma musique… Je me suis un peu prostitué en mettant des rythmiques binaires !

Tu préfères les rythmiques plus complexes ?

Pol : Pas forcément plus complexes, mais peut être moins systématiques !

Comment tu t’es retrouvé programmé dans une soirée DJ ?

Pol : C’est Charlie Lazer de Sexual Earthquake In Kobe qui m’a invité. Il aime beaucoup ce que je fais, et réciproquement, j’aime ce qu’il fait au sein de SEIK. C’est aussi quelqu’un que j’apprécie beaucoup. Bon, cette soirée n’était pas une erreur, mais je ne me sentais pas à ma place.

Tu utilisais les mêmes instruments et les mêmes machines que d’habitude ?

Pol : Non, moins du matos que d’habitude. Faute d’organisation et faute de place. Mais j’avais mon nouveau synthétiseur… pour ajouter au stress !

Des platines ?

Pol : Je n’utilise jamais de platine. Je crée tout dans l’instant avec des sons de synthèse.

Il y a pourtant un titre de ton album live (« Nuwa ») sur lequel on a l’impression d’entendre un scratch…

Pol : Oui, mais c’est de la synthèse, un jeu avec les filtres du synthé.

Pour parler d’un concert très différent, on pourrait évoquer celui que tu as joué à l’église St Eustache…

Pol : Jouer dans un pareil monument, c’était un vieux rêve d’enfant, et c’est probablement la plus belle expérience live que j’ai. Je pensais que ça n’arriverait jamais. J’ai reçu une proposition l’année dernière, ça semblait tomber du ciel.

Pourquoi un rêve d’enfant ?

Pol : C’est vraiment le lieu. Je ne suis pas croyant, mais j’ai toujours une fascination pour les édifices monumentaux. Sans parler de l’acoustique. Et c’était un concert qui commençait à sept heures du matin. J’étais programmé dans un festival qui s’étalait sur 36 heures non-stop. C’était la veille de la fête de la musique.

Quel public est venu à cette heure ?

Pol : Quelques amis et des personnes tombées là un peu par hasard. Mais j’étais content de voir qu’il y avait quarante, cinquante personnes. Et même s’il n’y avait eu personne, ça aurait été une espèce d’egotrip. Je me suis vraiment fait plaisir !

Comment gères-tu ta présence scénique… en étant seul ?!

Pol : C’est le plus gros problème… Au départ, je ne devais pas forcément faire de live, il s’agissait surtout de faire de la musique dans mon coin et éventuellement de la diffuser sur le Net. Bon, et je suis très timide… en plus tout seul derrière toutes ces machines, c’est chiant à mourir, faire des concerts était inconcevable à l’époque. J’ai ouvert un myspace et on m’a rapidement contacté pour un concert en Pologne, à Gdansk. J’ai d’abord refusé mais l’organisatrice a insisté, et j’ai fini par accepter. Je m’y suis rendu avec le chanteur qui chante sur le premier album, Martin James. Ca a été six mois de stress et tout est passé très vite, je n’ai rien maîtrisé. Comme dans un rêve. J’en ai conclu que les concerts, ça n’était pas pour moi. Évidemment, j’ai changé d’avis depuis. Mais pour revenir à l’essentiel : comment je gère ma présence scénique ? Je ne la gère pas du tout ! J’ai un peu l’impression d’être un autiste…

… caché derrière ses machines.

Pol : Oui… et comme j’improvise toujours sur scène, ça demande beaucoup de concentration.

Tu ne joues jamais tes compositions ?

Pol : Jamais. Je l’ai fait une fois, à Gdansk, et je n’ai pas trouvé ça honnête de balancer du playback avec quelques effets. Beaucoup le font, moi, la démarche me déplait… même si ça fonctionne avec le public. J’ai l’impression de lui mentir. Je préfère partager un moment unique.

Toujours sur le thème de la présence scénique, quelles ont été tes collaborations ?

Pol : J’ai collaboré avec Denden Mushi, un Video Jockey. C’était un copain de ma voisine, on a très vite sympathisé. L’idée de collaborer ensemble me plaisait parce qu’il pouvait combler une demande du public avec cet apport visuel. On a donc joué ensemble au festival des Paysages Electroniques — un festival Lillois qui a lieu au Tri Postal. Il y a beaucoup de moyens, on avait cinq vidéo-projecteurs, une scène assez grosse. C’était chouette. Il a tout de suite compris mon univers.

L’aventure continue ?

Pol : Non, il a déménagé assez loin.

Et le chanteur James Martin ?

Pol : Idem. J’ai du mal à fonctionner avec quelqu’un d’autre. C’était mon projet et je me voyais musicalement célibataire.

D’autres collaborations ?

Pol : Oui, avec l’illustratrice Typoun (Aurélie Dooghe) qui a réalisé la pochette du second album (tears+sun=). Je lui ai passé commande en lui laissant carte blanche. Ce que je n’avais pas fait sur Pâturage : j’avais été exigeant sans être trop sûr de moi, je n’avais pas réussi à faire confiance au graphiste. Avec Typoun, je savais que son univers me plaisait.

Et le label Structure, ça marche toujours ?

Pol : Oui, le second album est aussi labélisé Structure, même si je n’ai pas eu de moyen venant d’eux. J’ai voulu continuer parce que je les apprécie beaucoup.

C’est eux qui sont venus vers toi ?

Pol : Non. J’avais enregistré pour eux en tant qu’ingé son.

Tu étais ingé son avant d’être musicien ?

Pol : Non. C’est ma passion pour la musique qui m’a amené à cette formation professionnelle.

Tu joues des instruments ?

Pol : Guitare, basse, piano. Un peu touche à tout, pas très bon techniquement. Je pourrais avoir cinquante instruments, je pourrais tous les essayer comme un gosse. J’ai besoin d’un rapport ludique et pas forcément technique aux instruments. J’ai appris la guitare très jeune sans connaitre les accords.

Autodidacte, donc ?

Pol : Oui. Même si un ami m’a aidé et montré deux, trois trucs. Et il m’a proposé de jouer de la basse dans son groupe.

C’était quoi ce groupe ?

Pol : Ouh la ! Un groupe de collège, j’avais quatorze ans. On reprenait tout ce qui s’écoutait à cet âge : Manson, Garbage, Nirvana… Je m’en suis lassé, je voulais composer, donc j’ai arrêté cette aventure.

Et tu n’as jamais intégré des instruments plus « classiques » à ton projet ?

Pol : Je l’ai fait avant Lepolair. Je dois avoir une trentaine de morceaux. J’ai écouté récemment et j’ai un peu honte ! C’est très adolescent. L’orientation 100% numérique est plus simple à gérer, il n’y a pas de prise acoustique, il y a un coté « instantané ». Même si il y a toute une recherche sonore au préalable. Et on peut jouer au casque, sans emmerder les voisins. Pour tout dire, c’est aussi suite à une découverte musicale : Aoki Takamasa. C’est un artiste qui m’a beaucoup influencé, j’ai essayé de reproduire son son pendant deux ou trois ans.

Tu continues de t’en inspirer ?

Pol : Oui, après avoir composé un morceau, je vais toujours écouter Aoki pour comparer le groove, la production. Je ne le copie pas, c’est plutôt un père spirituel — l’homme qui a le plus influencé Lepolair !

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