Karaocake


Alors maintenant, une question qu’on aime bien dans Subjective : vous pouvez nous raconter l’histoire d’une chanson ?

Camille : Il y a un morceau auquel je tiens encore plus que les autres, c’est « Medication ». Mais en fait je n’ai aucun souvenir du moment où je l’ai composé ! Des fois, je me souviens de l’endroit où j’étais quand j’ai fait le morceau. Mais « Medication », c’est un trou total ! J’ai aucune idée de comment ça m’est venu, dans quel état j’étais. Je sais très bien ce que je veux dire par cette chanson, mais… non, je ne sais pas du tout comment je l’ai faite.

Je sais que c’est un morceau que j’avais fait entre deux tournées, et que j’avais traîné avant de l’enregistrer… Je le jouais en concert, mais je ne l’avais pas mis sur mes petites démos. Pourtant il marchait bien sur scène. Un jour, à Portland, un type d’un groupe qui s’appelle Lake m’a proposé de venir chez lui, sur une toute petite île à côté de Seattle, pour enregistrer « Medication ». Il y avait les gens de Greenbelt Collective qui faisaient les chœurs… C’était vraiment touchant. Ensuite, on a essayé de l’enregistrer une première fois avec Stéphane, et on était partis sur une version hyper triste.

Stéphane : Une version catho, un peu.

Camille : Oui, catho, avec des espèces de chœurs de messe !

Stéphane : On n’avait pas mis des violons, aussi ?

Camille : Si, si, tu as fait plein de violon ! C’était hyper triste et hyper lent.

Stéphane : Si ça n’a pas marché au départ, c’est aussi par rapport à ce qu’on disait tout à l’heure : tout allait trop dans une seule direction. Au final, c’est un des morceaux les plus enjoués de l’album. Il est hyper énergique, ça fait un peu « on s’en fout, on y va ! », alors que les paroles sont à l’opposé de ça.

Camille : C’est un morceau qui a eu plusieurs vies, avec un blackout total au départ !

Et maintenant, quels sont les projets à l’horizon ?

Camille : On a un booker hyper cool, très efficace, donc on a plein de concerts prévus. On a des concerts quasiment tous les week-ends jusqu’au mois de mars. On enregistre aussi des nouveaux morceaux, qu’on va essayer de jouer très vite sur scène. Sinon, on a très envie d’aller jouer en Suède. On apprend le Suédois. Et puis, c’est marrant, quand j’ai dit à des suédois que j’allais enregistrer avec Stéphane de Domotic, ils répondaient : « avec Domotic, wow, ah ouais ! » Stéphane est hyper connu en Suède avec Domotic, grâce à une série de documentaires sur MTV Suède.

Stéphane : Ils faisaient des émissions d’une demi-heure sur des labels, et ils avaient fait un truc sur Active Suspension, donc ça nous avait fait une bonne pub. C’était grâce à ça qu’on avait tourné avec Karaocake, et puis on était diffusés à la radio… Je me souviens de ce concert hyper bizarre dans une toute petite ville, on jouait dans LA boîte de la ville, et le public c’était trois, quatre rangs de mecs à donf, qui chantaient avec nous (gros choc : « wah ! ils connaissent les paroles ! ») et derrière, des espèces de rednecks, les bûcherons du coin un peu fachos qui posaient leur bière sur les vinyles du stand marchandising… On s’est fait voler plein de trucs, ça se bastonnait… Des soirées comme ça, c’était mortel. Et puis de l’autre côté, on a eu des concerts en France où on a joué avec des groupes pourris, devant personne…

[Ensuite on parle un peu de chats, et on reprend du thé.]

Camille, tu as aussi travaillé à la radio, non ?

Camille : Oui, j’ai commencé très tard à faire de la musique. Le premier instrument que j’ai eu, c’était une guitare, quand j’avais quinze ans. Parce qu’évidemment, j’écoutais Nirvana… contrairement aux gens de mon école qui écoutaient tous des trucs super chelous, genre Daniel Balavoine. Mais la guitare, ça me faisait trop mal aux doigts, donc je n’ai jamais dépassé l’intro de « Come As You Are », et un morceau de Cat Power. Et encore, je pense qu’elle faisait des barrés, moi pas ! Donc finalement j’ai commencé mes premiers morceaux quand j’ai arrêté de faire de la radio. Oui, c’est quand j’ai arrêté la radio que j’ai commencé Karaocake.

Et depuis, tu as revendu ta guitare ?

Camille : Non, je l’ai donnée… Enfin, on ne me l’a jamais payée. C’est une fille du lycée, qui devait me l’acheter 80 Francs.

Un contre-vol, par rapport au livre de la bibliothèque ?

Camille : Eh oui ! C’est le Karma !

Après, je m’étais dit que j’allais faire du triangle. Ca a été un peu la blague pendant quatre, cinq ans, mais j’étais très sérieuse, je voulais jouer du triangle ! J’essayais désespérément de jouer du triangle dans des groupes au lycée, mais personne ne voulait de moi ! Une fois, je me souviens très bien, je suis rentrée dans un magasin de musique pour demander un triangle. Le type m’a regardée et il a appuyé sur une touche de synthé, réglée pour sonner comme un triangle, en me regardant comme une demeurée… Mais une fois, j’ai joué du triangle avec Piano Magic, un groupe de Londres. C’était mon heure de gloire.

Stéphane, Tom, vous faisiez quoi avant Karaocake ?

Stéphane : Je faisais de la musique tout seul. Maintenant, Domotic, c’est un peu en standby. Mais j’ai commencé en 2000, quelque chose comme ça. J’ai eu des groupes plus ou moins éphémères…

Camille : Tom, tu as commencé très jeune…

Tom : A faire de la musique tout seul ? Oui.

Camille : Il y a des enregistrements sur lesquels tu avais treize ans…

Tom : Oui.

Tu jouais quoi, à treize ans ?

Tom : Je m’enregistrais avec un dictaphone et je jouais de l’orgue Bontempi et du tourne disque, avec beaucoup de scratches .

Stéphane : En fait tu faisais déjà ce que tu fais maintenant !

(rires)

Camille : c’est trop mignon !

Tom : Et je chantais par-dessus des paroles surréalistes.

Camille : Il avait une revue de cinéma hyper pointue aussi…

Stéphane : Oui, une petite revue, genre Les Cahiers du Cinéma à treize ans !

Camille : Tu l’éditais toi-même, j’ai vu les exemplaires.

Stéphane : Tu en as fait pendant deux ans ?

Tom : Deux ans, avec soixante-dix abonnés, à la fin. J’étais un peu aidé par le service photocopie à côté de chez moi ! Ils avaient des abonnements et ils me faisaient les photocopies pour rien du tout.

Quelle serait la devise de Karaocake ?

Camille : La citation que j’aime bien, c’est celle de Mary Poppins : « everything you undertake becomes a piece of cake ». Sinon : « Thé, chats, et tricot ».

Tom : Moi c’est celle de Gene Kelly dans Singing in the rain : « Dignity, always dignity ».

Stéphane : Moi, je ne fais pas le poids ! « Pas de bilan ». C’est ça ma devise.

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