Fiodor Dream Dog (partie 1)


Ce mois-ci, on est obsédés par les mélodies de Fiodor Dream Dog, petites molécules mélancoliques appuyant tranquillou sur le bouton DANSE de ton cerveau.

Tu es avant tout batteuse, est-ce que tu abordes la composition par l’angle de la batterie ?

Il se trouve que je l’aborde par l’angle inverse. A part un morceau qui figure sur le nouvel album, aucun n’a été composé par le biais de la batterie. La batterie est en général ce qui vient en dernier, et j’ai l’impression que, même si c’est mon instrument, celui que je maîtrise le mieux (de loin), j’ai vraiment besoin de l’harmonie. Je compose avec une guitare, dont je joue moins bien, mais qui m’emmène là où la batterie, sûrement, ne m’emmène pas. En tout cas, le jour où je voudrai enregistrer un disque de batterie solo, je le ferai.

FIODOR11_DH« Là où, sûrement, la batterie ne m’emmène pas »

Tu dis qu’il y a un seul titre qui n’a pas été abordé par ce biais : lequel ?

« Dog Barks », le deuxième titre de l’album. Un jour, j’ai joué cette rythmique pendant une balance, et je l’ai enregistrée. J’aimais bien cette rythmique.

Est-ce qu’en prenant en exemple une chanson, tu peux nous parler de ton processus de composition, depuis le moment où l’idée germe dans ta tête, jusqu’à celui où elle arrive sur scène ou sur l’album ?

Ce dont je peux être sûre aujourd’hui, c’est qu’on ne peut pas établir de règle. Parfois j’écris d’abord un texte, parfois j’écris d’abord une musique. Parfois j’écris une musique, puis un texte, et je finis par effacer tout le texte pour en réécrire un autre texte par dessus. Parfois, j’écris un bout de musique, puis je commence à écrire une autre chanson, et finalement j’assemble les deux pour que ça fasse un morceau… En fait, il n’y a pas du tout de règle. Et pour l’enregistrement, c’est un peu la même chose, dans la mesure où j’ai pour maître-mot de m’auto-surprendre. J’arrive en général avec des idées relativement précises de ce que je veux faire en studio, mais dans quatre-vingt dix pour cent des cas, je fais tout à fait autre chose.

D’autres musiciens ou arrangeurs interviennent dans le processus ?

D’autres arrangeurs, sûrement pas. J’ai vraiment envie de faire ça, j’adore arranger les morceaux, éventuellement ceux des autres. Donc les arrangements, je les fais. Mais il y avait quelques invités sur le premier disque et quelques-uns sur celui-ci, qui interviennent dans deux morceaux : « Sorry For The Lashes », et « Twenty Push Ups For Mr B. ». Pour les autres morceaux, je joue les instruments moi-même.

En revanche, j’ai tenu à ce que les deux morceaux en question soient joués par des gens avec qui je joue sur scène, parce que j’avais envie de faire, à peu de choses près, ces versions-là. Je voulais qu’on joue, clac, d’un coup, tout le monde dans la même pièce. On n’a pas fait de prises séparées, on a joué live, directement.

On sent sur A Second Of Joy — j’ai l’impression encore plus que pour le premier album — que tu t’es vraiment amusée avec les arrangements : c’est très inventif, parfois surprenant…

Les choses se sont passées de la même façon : avec empirisme.

Mais y-t- il eu une différence, pour toi, entre le premier et le deuxième album ?

Ah, mais ces albums sont très différents ! Les morceaux ne sont pas du tout les mêmes ! J’ai évité de mettre les mêmes morceaux sur le deuxième… donc il y a au moins dix différences ! Pour ce qui est de ma façon de procéder, je fonctionne par essais. Sur le premier album, j’ai joué tous les instruments, j’avais quelques invités par ci par là… Mais j’étais accompagnée de mon amie de l’époque, qui tenait un peu les manettes de la table de mixage, et qui m’aidait à me tempérer légèrement.  Cette fois-ci, il s’est passé la même chose, sauf que c’était quelqu’un avec qui je ne sortait pas ! (rires) Il y avait à mes côtés une fille qu’on connait en tant que musicienne, qu’on ne connait pas du tout en tant qu’ingénieur du son, et qui s’avère être une excellente ingénieur du son : c’est Katel. C’est elle qui était aux manettes du deuxième album, et qui a évité que trop de choses ne se retrouvent à la poubelle !

Est-ce que tu peux nous parler des gens qui gravitent autour de Fiodor Dream Dog, que ce soit sur scène ou dans l’album ? Ça varie un peu ?

Il y a quand même un noyau dur. Il y a le gros groupe : on est six . Il y a donc Katel, qui chante, mais qui joue maintenant aussi de la guitare et de la basse. Il y a un type fantastique qui s’appelle Vincent Mougel, qui joue de la guitare et de la basse dans le groupe, mais qui est aussi un pianiste fabuleux, un chanteur exceptionnel. Il y a ce fameux Thibault Frisoni qui a écrit « Crossing Over », avec qui je joue aux côtés de Bertrand Belin, qui est un compagnon de longue date, un musicien fantastique. Et il y a deux chanteuses, qui s’appellent Nathalie Réaux et Diane Sorel : elles « jouent » vraiment des parties de chant, des parties écrites pour être « jouées » avec cet espèce d’instrument à deux voix.

Mais il y a aussi d’autres versions de ton groupe de scène ?

Il arrive qu’on ne soit que quatre ou cinq. Et puis il y a aussi une version à deux, avec quelqu’un qui n’appartient pas au « gros groupe » : Mocke. C’est un guitariste qui s’est notamment illustré dans Holden, un groupe assez culte, assez inclassable. En temps normal je joue de la batterie, mais dans la formule « duo » avec Mocke on joue tous les deux de la guitare.

Donc il y a beaucoup de variations, mais la formation ne change pas non plus à chaque concert…

Non, la formation ne change pas à chaque concert, mais par contre tout est ouvert, c’est à dire que dans mes fantasmes les plus fous, des versions, il y en a soixante-dix. Si j’ai envie de jouer avec mes fameux quarante trombones, je le ferai !

FIODOR10_DH« Dans mes fantasmes les plus fous, des versions, il y en a soixante-dix… »

Tu n’es donc pas attachée à une version figée des chansons, comme elles seraient sur l’album? Les chansons sont comme une base avec laquelle tu peux t’amuser ?

Oui, et même pour l’album… ça a la particularité de figer les choses à un instant t, et donc pour terminer les choses et pour les graver, il faut en être satisfait, mais j’estime qu’il faut en être satisfait sur le moment, et que si je devais réenregistrer ce disque aujourd’hui, les versions seraient probablement tout à fait différentes. J’aime bien ce principe de volatilité . Et pour la scène, c’est pareil. Évidemment, on fait des arrangements particuliers pour la scène et, surtout quand on est six, on ne peut pas tout chambouler à chaque fois, parce qu’il faut quand même que ce soit cohérent, musical. Par contre, on change quand même souvent des détails, et j’aime l’idée que chacun puisse se défaire de certaines obligations d’arrangements pour prendre sa liberté.

Tu veux dire que sur scène, il y a une place possible pour l’improvisation ?

Oui, bien sûr. Je tiens pas mal à ça. C’est pas évident, puisqu’on est nombreux. Il ne faut pas qu’on se monte dessus, il faut qu’il y ait du silence. Il faut qu’il y ait la place pour du silence… et pour une chanson, éventuellement ! (rires) Si un musicien me dit « je fais n’importe quoi, c’est pas du tout ça qu’il faut faire », je m’en fous. Ce que je veux, c’est qu’il y ait la bonne intention. Que ce soit exactement la note choisie au départ, j’en ai vraiment rien à carrer, en fait.

Du coup, comment ça se passe en répétition ? C’est toi qui initie les lignes mélodiques que vont prendre les musiciens ?

Oui. Simplement, comme on a affaire à de super musiciens, tout est ouvert. Et bien entendu, leurs propositions sont plus que bienvenues.

FIODOR37_RA« Vraiment rien à carrer »

Tu arrives donc avec les chansons, comprenant des lignes directrices de ce que les musiciens doivent jouer ?

Oui. On va bientôt jouer les titres de ce deuxième album. Je vais leur faire écouter le disque, mais je tiens vraiment à ce qu’on fasse autre chose sur scène. On va essayer, on va voir ce qui est possible pour permettre à la chanson de conserver son caractère initial, tout en donnant à chacun une place qui le mette en valeur et qui le galvanise. Que chacun ait le plus d’amusement possible.

Interview par Camille Hardouin


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