Binoculars


Il y a de très bons enregistrements live sur votre page myspace.

Thierry Chompré : Oui ! Franchement, il y a eu un live qu’on a eu beaucoup de plaisir à faire : c’est celui au Club, un squatt rue des bleuets. Ca n’existe plus malheureusement, mais on a eu l’occasion d’y faire un concert enregistré.

David Krutten : On a pris beaucoup de plaisir, mais les conditions étaient vraiment rudimentaires : il n’y avait pas de retour, tu cherchais ton son dans la façade…

Thierry : C’est presque notre meilleur concert je trouve ! Je crois que c’est celui que j’ai préféré.

Yann Louineau : Ah ouais !

David : Un des meilleurs, oui !

Dan Salzmann : Et en plus l’ambiance…

Thierry : L’ambiance squatt ! Les gens fumaient. C’était mixé en quadriphonie…

Yann : Et l’ingé-son ajoutait ses effets en temps réel. Il participait au truc. Et nous, on était au milieu, sans vraiment comprendre tout ce qui se passait. Du bricolage : des micros de grosse-caisse fabriqués avec des hauts-parleurs inversés…

Où s’est passé votre premier concert ?

David : A L’Union Bar.

Thierry : On a fait la tournée des endroits les plus underground de la ville, je crois bien !

David : Après ça, on a fait le PixBar.

Dan : Ah, le PixBar c’était exceptionnel !

David : Tout en carrelage ! Avec quelques statues SM.

(rires)

Thierry : Oui ! Avec une ambiance SM parce qu’il y a des soirées un peu … Faut le vivre ! Improbable !

Yann : Et on a gagné pas mal d’argent avec ce concert !

David : Deux euros je crois. (rires) C’est ça ? Et pourtant c’était plein ! C’était genre, la bière à 5 euros… Et tu ne pouvais pas remplir plus la salle ! Ils se sont foutu de notre gueule. Mais vraiment ! Mais bon, il faut bien se faire les dents quelque part. Ce n’est pas forcément à refaire mais…

Pour revenir à l’EP… Vous pouvez nous raconter l’enregistrement ?

David : C’était à Melodium, donc… Un petit studio vintage à Montreuil qui est principalement booké par le label Tricatel. Et les conditions étaient…

Yann : On n’avait pas beaucoup de temps…

David : C’était pas horrible non plus… Mais il y avait quand même pas mal de trucs qui déconnaient. Ca été sportif pour faire le mix : on s’est rendu compte que la basse saturait, que les guitares sonnaient (il se pince le nez) comme ça… et impossible de les éclaircir sans faire ressortir l’aspect agressif. Melodium, si tu as le temps et l’argent, c’est bien, mais pour nous c’était… En même temps, on est arrivé là-bas uniquement avec l’idée de faire une démo pour trouver des concerts en dehors de Paris.

Donc au départ, l’idée ce n’était pas de faire un EP ?

David : Non. Mais comme on nous demandait de temps en temps des disques, on s’est dit : autant faire un matériau à vendre en concert. Donc… autant avoir un livret et puis, finalement, autant mettre les paroles ! Et on s’est retrouvé avec le disque !

Thierry : Et la copine de Dan nous a fait un super beau livret, qu’il faut regarder religieusement !

David : Certains détestent le graphisme, d’autres adorent.

Thierry : Nous, on est fan. Tu aimes les films de gladiateurs ?

(rires)

BINO21_TD« Et on s’est retrouvé avec le disque ! »

Est-ce que j’aime les films de gladiateurs ? J’en ai pas vu beaucoup, des films de gladiateurs ! Parce que c’est un graphisme « gladiateur » ?

Thierry : Non pas du tout.

(rires)

Thierry : C’est de l’anti-gladiateur !

Comment est-ce que vous composez, en règle générale ?

Thierry : Souvent, David arrive avec une trame. Ca peut être un riff, ça peut être une série d’accords, un morceau déjà fini… Et on se retrouve en répétitions avec ce matériau qu’on travaille autour de l’improvisation. On va jouer jusqu’à ce qu’on sente qu’il se passe quelque chose à un endroit. Puis on isole cet endroit là. Ensuite on reprend, et on en isole un autre…

Yann : Parfois il y a des ébauches de chant…

Thierry : Et les répéts sont souvent enregistrées. On se fait circuler les mp3. On enregistre ces moments-là, on les ré-écoute, on revient dessus… On essaie une structure, et on re-découpe…

David  : C’est super classique en fait !

Thierry : Peut-être, oui. Certainement.

C’est drôle David, tu disais tout à l’heure que tu ne pouvais pas jouer tout seul. Et pourtant, c’est toi qui arrive seul avec une idée… Une fois que « l’idée » devient un morceau, tu ne peux plus la jouer seul !

David : Oui c’est vrai. C’est là où la confiance compte vachement pour moi ! Parce que quand je donne quelque chose, ça peut être assez abouti, mais ça peut être une simple idée : il faut être un pote et avoir la gentillesse d’écouter.

Thierry : Mais c’est vrai qu’il y a des trucs que l’on essaie et qui ne marchent pas du tout !

Yann : Je ne sais pas s’il y a un seul morceau que l’on ait créé en répèt, comme ça, en improvisant, sans qu’il n’y ait de base…

David : Si, par exemple celui qui s’appelle maintenant « Punctuate ».

Yann : Oui, mais il y avait déjà une ébauche, un peu.

Thierry : Il n’y a jamais d’acharnement. Il y a souvent des idées lancées. Il y a plus même, d’idées lancées que de produits finis. Souvent on essaie des trucs et ça ne fonctionne pas. Et curieusement, on le sent assez vite, ça. En plus, certains parmi nous ont d’autres projets musicaux de leur côté, donc il y a parfois une matière qui circule entre les différents projets.

Le choix de l’anglais pour le chant, ça s’est fait naturellement ?

David : Oui, oui ! Déjà, moi je n’écris pas les paroles. Pas pour l’instant. Je pense que j’écrirai des paroles un jour, mais tous ceux qui écrivent dans le groupe sont anglophones, natifs. Il y a Dan, il y a une amie de Chicago qui s’appelle Nicole, une amie du New Jersey qui s’appelle Julie, et peut-être bientôt d’autres personnes encore. L’anglais… C’est une culture musicale. Ca démarre par un fantasme. Basiquement, si tu as envie de faire du pain, tu vas vouloir faire un stage dans une boulangerie en France. Si tu fais de la pop, tu aurais aimé naître, je ne sais pas, à Londres ou à New York !

Dan : À Liverpool !

David : Ou à Liverpool. Donc, c’est pas naturel, mais…

Yann : … c’est évident.

BINO10_TD« Ca démarre par un fantasme »

Donc toi David, tu n’écris pas les paroles ?

David : Non. Sauf le yaourt que je sers aux autres…

Thierry : Il chante les chansons, mais il n’a pas les paroles. Mais il les chante ! Je trouve ça absolument incroyable !

Dan : C’est Ella Fitzgerald !

Yann : C’est incroyable ! Il arrive en répèt, avec un début de morceau et il chante comme s’il était en train de chanter un morceau ! Et moi, ça m’épate !

David : Et tu vois, Jim… C’est un des nouveaux paroliers qui va bosser avec nous. Il est galois. Je lui envoie le truc, il l’écoute et il me dit : « mais il y a déjà des paroles ! » Je lui dis que non non, que c’est du yaourt. Voilà, si tu fais pas attention, si tu écoutes ça comme ça, tu as l’impression qu’il y a des paroles.

Thierry : Et donc celui qui écrit part de ce matériau là. Parce que dans la pop, c’est la sonorité qui est importante. Je trouve ça assez logique.

David : Tout dépend plus ou moins de l’emplacement des consonnes, des voyelles. Ca donne le rythme du morceau.

David : Mais il y va de super textes. Des textes très différents. Comme j’espère il a y avoir des morceaux très différents, de plus en plus. Ca aussi, c’est un des points communs à beaucoup de groupes qu’on écoute : un répertoire vraiment large. Tu prends un album, il ne ressemble pas à une série de mode, dans un style. Douze morceaux calibrés. Si tu écoutes certains albums de Stereolab ou Yo La Tengo, ils passent de la bossa nova au krautrock ! Comme il n’y a plus de maison de disques, on ne va pas nous-mêmes se mettre des barrières. Il faut qu’il y ait une variété au niveau de l’approche et de l’écriture. Nicole est « dadaïste » et elle va plutôt travailler sur la sonorité : elle prend des mots, fait des schémas, des dessins. Parfois, elle passe quatre heures chez moi, je la vois faire des dessins. Elle va composer son texte de cette façon là, en travaillant plus sur les sonorités que sur le sens. Alors que Dan est beaucoup plus dans l’écriture. Même les thèmes abordés sont complètement différents. Mais tant mieux ! C’est marrant parce que je mets un certains temps à m’approprier les textes une fois que je les reçois. Déjà, parce que j’ai pris l’habitude du yaourt !

Et le yaourt c’est quoi ? « Na-na-na-na », ce genre ?

David : Ah non !

Il y a quand même quelques paroles ?

Yann : Oui, t’as quand même l’impression qu’il chante. Mais… Dan, ça doit te faire drôle d’entendre ça, non ?

Dan : Oui !

Yann : Parce qu’il y a des mots anglais dedans !

Dan : Ca sonne comme de l’anglais, mais il n’y a pas d’anglais ! C’est un peu comme Ella Fitzgerald quand elle fait du skat. Il y a aussi des moments, quand Old Dirty Bastard fait du rap, ce n’est pas le sens qui compte, mais les sonorités. Les sonorités et le rythme. Je trouve ça très intéressant.

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