Binoculars


Est-ce que vous pouvez nous raconter brièvement vos parcours musicaux ?

Thierry Chompré (batterie) : Très brièvement alors ! Les lecteurs iront voir mon biopic à la rentrée ! Parmi les trucs marquants, je suis très fier d’avoir bossé avec un groupe qui s’appelle Bed. C’est un projet piloté par Benoît Burello. Il y a eu trois albums depuis 1997, et le projet existe toujours ; il n’est pas très actif en ce moment mais… C’est le meilleur groupe français de tous les temps… avec Binoculars ! (rires)

Yann Louineau (guitare) : Bon, moi, c’est une très longue carrière ! (rires) Je suis de Rennes, j’ai pas mal joué là-bas et c’est là que j’ai rencontré Benoît de Bed. J’ai moi aussi participé au projet. J’ai eu pas mal de groupes à Rennes. On tournait un peu dans les bistrots, les petits clubs rennais… Après j’ai fait une petite pause et puis là, ça fait un an et demi que je joue avec les Binoculars.

Dan ?

Dan Salzmann (basse) : Quelques groupes à Boston, rien d’archi connu…

Et ensuite, les Binoculars : ton premier groupe français ?

Dan : Le seul en fait.

David Krutten (chant, guitare) : Pour moi, il n’y a rien eu de vraiment… concret, contrairement à Thierry. Pas de groupe signé, mais quelques petits projets par-ci, par-là. De la musique électronique… Depuis, c’est Binoculars. Enfin… ce qui par la suite est devenu Binoculars.

Comment est-ce que vous vous êtes rencontrés ?

David : En le faisant exprès, ou sans le faire exprès ?

Je sais pas… Il y a une ou deux explications ?

David : Il y en a deux. Une sans faire exprès, au concert de Robyn Hitchcock, à la Java, où il devait y avoir, je ne sais pas… quinze personnes ?

Thierry : T’exagères ! Une petite trentaine !

David : …mais bien éparpillée ! En comptant les musiciens !

Thierry : Dan et David y étaient ensemble, et nous on y était ensemble. C’est a posteriori, en discutant de musique, qu’on s’est rendu compte qu’on était tous les quatre au concert.

David et Dan, vous vous connaissiez déjà ?

Dan : De chez Kateline !

David : De chez Kateline, oui. C’est une ex-copine de Dan, une styliste. Moi je l’aidais pour un défilé, et Dan était là.

Yann : Vous essayiez des robes tous les deux ?

David : Mon taff, c’était de faire marcher les mannequins en rythme.

Yann : Et toi Dan, ton taff c’était quoi ?

Dan : Aider Kateline… Apporter ses vêtements… Pas grand chose en fait !

BINO14_TD« Mon taff, c’était de faire marcher les mannequins en rythme »

Donc le concert de Hitchcock, c’était la version « sans le faire exprès ». Et la version « en le faisant exprès » ?

David : Dan et moi, on avait mis une annonce dansAudiofanzine. On a eu un mail de Thierry…

Thierry : Je venais d’arriver à Paris, et j’avais envie de faire de la musique. Et puis j’ai cherché des groupes, j’ai écouté… Mais j’ai vachement ramé ! J’ai dû passer un nombre incroyable d’auditions, avec des groupes tous plus incroyables les uns que les autres. Et un jour, je suis tombé sur ces deux Ostrogoths là, et ça a tout de suite collé. Il y avait un guitariste finlandais très chouette qui était avec nous, et puis il est parti vers d’autres aventures. Donc j’ai ramené mon poto Yann. (rires)

Il fallait trouver un nouveau guitariste…

Thierry : Voilà, mais si tu veux, tu fais pas de la musique avec n’importe qui ! Déjà, tu ne couches pas avec n’importe qui !(rires) Bon, on ne couche pas ensemble, mais… Faire de la musique, c’est quand même… On passe vachement de temps ensemble. La sélection, c’est pas un casting. Il faut vraiment des gens avec qui tu sens quelque chose. Nous, on passe plus de temps à boire des coups et à jouer au baby-foot qu’à faire de la musique. Parce que la musique se prépare là ! Elle est dans ces moments-là. Après, ce qui se passe dans le local de répétitions, c’est l’aboutissement de ces moments de convivialité. Donc si c’est pas convivial, ça marche pas.

David : C’est vrai que Dan et moi, on a joué pendant trois ans avec plein de gens et ça ne marchait pas trop… pour des raisons diverses et variées. Il y a eu des gens sympas mais qui n’avaient pas de temps… Moi, j’ai joué avec Emiko, la batteuse de Mami Chan Band. Mais bon, tu vois : trois gamins, cinq groupes, un mari… (rires) On faisait une répét’ par mois… quand on avait de la chance ! Avec d’autres gens, pareil. Si bien que Dan et moi, on ne pensait plus trouver des gens qui auraient vraiment le temps de s’investir dans un projet.

Quelle était votre idée de départ ? Est-ce que le groupe que vous vouliez monter ressemblait à ce qu’est devenu Binoculars aujourd’hui ?

David : Franchement, on n’avait pas d’objectif particulier, on voulait juste jouer de la musique… On avait quand même une petite démo faite avec une boîte à rythme, notre claviériste de l’époque, une amie, Dan et moi. C’était vraiment fait avec trois bouts de ficelles. Ca donnait une idée de la musique que l’on avait commencé à faire. Il y a d’ailleurs un des morceaux qui est sur l’EP, le dernier titre (« Intuition »), qui date de cette époque-là.

À quelle époque est-ce que vous vous rencontrez ?

David : C’était quoi… Septembre 2007 ? Donc ça va faire deux ans, là.

Ca s’est bien passé dès le début ?

Thierry : Oui, ça s’est fait naturellement. On s’est bien emboîté !

David : Il faut dire que contrairement à pas mal de musiciens avec qui on avait joué, Thierry est arrivé… non seulement il connaissait la structure des morceaux, mais il est arrivé aussi avec ses propres idées.

Yann : C’est Thierry Chompré, c’est pas un batteur !

David : C’est vrai que tout de suite, ça fait quand même bonne impression, tu vois ? Et puis, pour Yann…

Thierry : Ah, c’était déjà plus compliqué !

(rires)

David : Faut dire qu’il a eu de la chance, Yann, parce qu’il est passé juste derrière un autre guitariste…

Yann : … dont on taira le nom !

David : … dont on taire le nom, mais qui jouait avec des groupes connus — on ne va pas dire lesquels, mais des groupes bien connus ! Et il est arrivé avec la valise… Sa copine l’a ramené en voiture… pour une audition !

Dan : Trois étages de pédales ! C’était Pigalle à ses pieds !

David : Je lui montre les riffs : impossible ! On a halluciné. Si t’avais été là Yann, dans la pièce, au moment où il jouait, je pense que ça t’aurait fait flipper.

Yann : Ah ouais ?

David : C’était terrible ! Après ça, on voit Yann.. Je lui montre les trucs, ça rentre tout de suite ! Il avait capté la mécanique du jeu, qui n’est pas un jeu complètement classique.

Yann : David compose un peu de façon…

David : … comme quelqu’un qui ne sait pas jouer de la guitare !

Yann : Il ne joue pas de la guitare de façon normale.

Dan : Avec ses pieds !

(rires)

Yann : Il joue avec ses doigts, mais ça peut paraître un peu alambiqué… Mais c’est vrai qu’il n’a pas une façon classique de jouer.

David : Je joue beaucoup à un ou deux doigts, avec des accords ouverts. Comme je suis une brêle techniquement – enfin, je n’ai pas de dextérité — je suis vraiment obligé de m’appliquer pour jouer les parties. Je me suis amélioré avec le temps.

Yann : Là, il arrive à jouer « Let It Be » maintenant.

Thierry : « Stairway To Heaven », c’est pas encore ça…

(rires)

David : Donc ce mec-là, il arrive et … Impossible !

BINO18_TD« C’était Pigalle à ses pieds ! »

 

Comment il s’appelait déjà ?

Thierry : Et puis Yann est arrivé avec ses couleurs. Il joue de la guitare douze cordes, ce qui n’est quand même pas très banal dans ce genre de musique. Et il apporte des couleurs qui étaient très complémentaires au jeu « pierrafeu » de David.

(rires)

David : J’avais des amis qui suivaient un peu le groupe depuis le début, qui écoutaient les maquettes , les pré-maquettes… Ils ont tout de suite senti que Yann apportait vraiment quelque chose à l’esthétique du groupe : la douze cordes, son côté un peu Byrds/ Kinks… Contre toute attente, parce que pour répondre à la question que tu posais tout à l’heure, quelle esthétique musicale on projetait… je n’attendais absolument pas ça dans le groupe. C’était complètement inattendu ! Il y avait quelque chose qu’on savait qu’on ne voulait pas avec Dan, mais…

Yann : C’était quoi ? La douze cordes ?

(rires)

Dan : En fait, le danger qui arrive souvent quand il y a deux guitaristes, c’est que ça peut tomber dans un concours de dextérité… Donc on ne voulait pas ça, pas du Satriani, pas…

David : Pas du Red Hot Chili Peppers, même si on aime bien certains morceaux. Pour le batteur par exemple… On en a eu, des gars qui sont venus à l’audition, des mecs qui techniquement nous assommaient… Mais ils n’entendaient pas les morceaux, et c’est super dur pour le style de musique que l’on fait. Et je l’entend même dans d’autres groupes qui se présentent comme des groupes de pop ou de rock à Paris ! Les batteurs, putain, ils arrivent sur un truc qui est tout droit, et ils en font des tonnes… Franchement… il faut rester poli ! Parfois, une demi-heure d’audition, c’était très long !

Dan : Donc, pas de virtuosité gratuite, comme ça. On s’était dit : « peut-être qu’un guitariste country, ça peut fonctionner… mais pas un guitariste metal »

BINO19_TD« Pas du Satriani »

Donc chacun à sa place et on sait ce que l’on doit jouer.

Yann : C’est une musique assez simple. Le tout, c’est que tout ça s’emboîte bien.

David : Exactement ! Que ça s’emboîte ! Tu vois, parfois je suis chez des amis d’amis, il y a une guitare et on me demande : « vas-y, tu veux pas nous jouer un morceau du groupe ?  » Et bah c’est pas possible ! C’est pas possible !

(rires)

David : Premièrement parce que je suis un peu pudique par rapport à ça. Et puis, deuxièmement, les parties de guitare, toutes seules, elles ne veulent rien dire. Rien du tout ! Si je joue ma partie et que je chante dessus, c’est ridicule ! Par contre, les deux guitares ensemble, ça fait quelque chose. Et ça, ce n’était pas quelque chose qu’on recherchait activement, mais on s’est rendu compte, avec Dan, que ça existait dans tous les groupes qu’on aimait bien. Genre Wire… Tu prends une partie de guitare, comme ça, sans l’autre…

À vos débuts, vous étiez plutôt du genre « on commence, on voit ce que ça donne », ou bien vous vous êtes mis tout de suite à composer, à enregistrer… ?

Thierry : C’est parti assez vite, hein ? En fait, ces deux Ostrogoths avaient quand même bien travaillé avant et il y avait déjà pas mal de morceaux. Il y avait huit morceaux, je crois, ce qui permet déjà de pouvoir jouer, de faire des petits sets de quarante minutes. Nous nous sommes vite greffés sur cette base là, on a arrangé ça pour nous…

David : Il y avait le premier concert un mois et deux semaines après la première répétition. Là, depuis le printemps, c’est la première fois qu’on fait une pause pour faire de nouvelles choses. Avant ça, on le faisait entre les concerts, on glissait un morceau par-ci, par-là. Ca prenait du temps pour le bosser. Parce que mine de rien, on bosse tous à côté, donc on fait une ou deux répéts par semaine…

Dan : Là, on a un peu reculé de la scène pour nous concentrer vraiment sur des morceaux et faire un peu d’enregistrement.

Yann : Parce que même le EP, c’est un truc qu’on a fait en un jour, à Melodium. En live, six titres. C’était fait avec nos moyens de l’époque. Ce n’est pas produit. À part sur le premier morceau où il y a une guitare acoustique additionnelle, sinon c’est vraiment ce qui se passe en live.

Thierry : Oui, et puis c’était fidèle à ce que les gens pouvaient voir sur scène. Le but c’était ça. C’est un polaroïd de ce qu’on était capable de faire à ce moment-là. J’aime bien cette idée de polaroïd, je trouve que c’est vraiment ça, cet EP. On bosse actuellement des morceaux sur lesquels on a envie de travailler un peu plus, et sur lesquels on veut amener un aspect de production qu’on avait pas eu le temps d’apporter à ce maxi… qui est super, hein ! (rires) C’est le meilleur disque de l’année ! Tu l’as écouté ?

BINO25_TD« Je suis un peu pudique »

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