Fiodor Dream Dog présente ‘Second Of Joy’


Fiodor Dream Dog Second Of Joy

Il arrive qu’on s’approche du monde douteux qui nous entourait, et qu’on découvre que les pixels qui le composent sont en réalité faits de citrons, de Rubik’s cubes, et de visages qu’on a aimés, il y a longtemps. Pas de panique, vous êtes simplement en train d’écouter Second Of Joy, le deuxième album de Fiodor Dream Dog.

On a demandé à la créature qui l’a composé de nous raconter quelque chose sur chacune des chansons qui composent ce fantastique disque, que vous seriez bien avisés d’acheter en vinyle chez Les Boutiques Sonores.

01. « Matis/ Hege »

L’album débute par un morceau de piano très court (je vois qu’il fait 1 minute 11 !) . J’avais envie d’une espèce d’ouverture, comme on le dit très pompeusement pour la musique classique ou l’opéra. J’avais envie de me la péter un petit peu… pour créer de la déception, dès le deuxième morceau (rires). Au départ je voulais écrire un morceau pour quatuor à cordes, j’ai donc commencé à travailler dessus, sauf que la mélodie qui m’est venue m’a semblée beaucoup plus judicieuse au piano. Mattis et Hege, ce sont les personnages d’un livre qui s’appelle Les Oiseaux, par le Norvégien Tarjei Vesaas, un chefd’oeuvre selon moi. C’est un livre qui m’a énormément marquée. Je trouvais que ce son de piano (joué par moi, donc de façon légèrement bancale) retranscrivait assez bien cette ambiance neigeuse, cette sensation de danger imminent, qui se trouve dans le livre.

02. « Dog Barks »

Que te dire sur ce morceau ? Il est question d’un chien, on l’aura compris, qui aboie. Peut-être dans une cour de ferme, on ne sait pas. Et il s’adresse à Dieu… Je ne suis pas du tout croyante, mais lui apparemment, il l’est ! (rires) Il s’adresse à Dieu donc, et il lui dit qu’il aurait voulu être un homme, mais dans une seconde partie, il continue de s’adresser à Dieu et il lui dit de se rappeler que lui aussi aimerait bien être un homme. De ne pas l’oublier. Voilà… (rires)

03. « To Make It For Pleasure »

Sur le disque il y a une erreur dans l’ordre des morceaux. En fait l’ordre de la pochette, c’est le bon, et l’ordre du disque ce n’est pas le bon. Évidemment je suis ravie de ça… Le troisième morceau s’appelle « To Make It For Pleasure ». C’est un morceau motown, puisque la batterie, c’est ça : (elle claque des doigts). En revanche, même sans batterie, ça doit être l’un des morceaux les plus rythmiques du disque. Il y a une espèce de thème de piano , qui est un genre d’invective à faire les choses uniquement pour et par le plaisir.

04. « 20 Push Ups for Mr B. »

Ensuite on a ce tube bien connu de chacun (rires) qui s’appelle « 20 Push Ups For Mr. B », ce qui veut dire : vingt pompes pour Monsieur B. Elle fait partie des chansons dont j’ai écrit le texte avant la musique. Je l’ai écrit il y a assez longtemps (3 ou 4 ans), et j’avais d’abord fait dessus une autre musique, qui m’ennuyait pas mal. Il est question dans ce texte de quelqu’un qui est confiné dans une petite pièce avec pour seul décor un rubik’s cube et… lui-même. Vient le matin, quelqu’un ouvre la lourde porte et toi tu te tiens là et tu dis « vingt pompes pour Mr B. » Dit comme ça c’est assez horrible ! Je ne sais pas si c’est une chanson sur le syndrôme de Stockholm… je ne sais pas !! Je ne pense pas !! En tout cas, quelqu’un est bien sequestré dans une pièce. C’est pas de ma faute, quelqu’un m’a ordonné d’écrire ça… Je suis désolée. Désolée pour cette personne, je tiens à m’en excuser publiquement.
On a enregistré ce morceau avec le groupe et on a fait UNE prise, celle qui figure sur le disque. Et j’aime bien ça, il y a des morceaux qui ont fait l’objet de cinquante mille effacements, mais celle-là, clac, comme ça.

05. « I Loved A White Horse »

Ce qui veut dire : j’aimais un cheval blanc. Et en effet, j’ai monté à cheval très longtemps, et j’ai aimé très fort un cheval blanc. Le rapport avec la réalité s’arrête là puisqu’il est dit, dans cette chanson: « Tu sais que j’ai aimé un cheval blanc, fais bien attention… Sur son dos, je reviendrai bientôt. » Et il y a quelqu’un qui traverse une forêt, et dans cette forêt, les bouleaux forment une arche. Et puis ça finit par dire: « Être un loup est plus simple. » C’est un constat. (rires) Parce que j’ai été un loup, aussi.

06. « Sorry For The Lashes »

C’est-à-dire : désolée pour les cils.
C’est une chanson plutôt plus « sonore » que les autres, où l’on joue plus en force que sur les autres. Le texte est un peu plus adolescent… J’allais dire « je l’ai écrit il y a longtemps », mais pas non plus à l’adolescence, et c’est ça qui me chagrine… (rires) Ce n’est pas le texte que je préfère, mais c’est comme ça. Et ça finit quand même par des mots d’excuses, donc encore une fois, je vais arrêter de m’excuser.
Dans ce morceau, sur le disque et sur scène, arrive un moment instrumental où les choristes se mettent à crier simultanément en faisant la même note, on dirait qu’il n’y a qu’une seule voix qui passe de droite à gauche. C’est quelque chose que je leur ai suggéré de faire en m’inspirant fortement des chants de transe gnawa. J’ai eu la chance de jouer de la musique gnawa ; ce sont des chants de femmes qui jouent des percussions et qui chantent en même temps, avec une formule rythmique qui revient souvent. À voir sur scène c’est extrèmement impressionnant, ça dégage une espèce de puissance saisissante, qui fait un peu peur, mais qui prend vraiment… Moi en tout cas, ça me touche beaucoup, c’est une musique que j’ai adoré jouer.

07. « Boy To You »

Ce qui veut dire : garçon pour toi. Ça, c’est un petit peu une chanson d’amour dédiée à quelqu’un de vraiment existant. (rires) Voilà. C’est tout.

08. « Lemon In The Mouth »

Il y a cette image, donc, du citron dans la bouche, qui nous fait faire hhhhhhsssssssssshhhhhhhh… Mais aussi l’approche de quelque chose qui pourrait arriver, qui nous ferait faire ça aussi : hhhhhhhsssssshhhhhh…. Voilà, c’est l’ambiance du texte en tout cas ! C’est un texte assez sombre, voire triste, avec ce bruit, hhhshh, comme ça. Par contre, la musique est assez joyeuse et assez pop. Je fais les trompettes à la voix.

09. « Wax Or The Habbits »

Ce qui veut dire : cire ou les habitudes. C’est une chanson que j’ai écrite pendant que je participais, l’année dernière, à l’enregistrement de l’album d’un garçon qui s’appelle Alan Corbel. Je crois qu’il est en passe de sortir, ce disque, en ce moment. C’est un très beau disque de folk, dont je suis assez fière. C’est Bertrand Belin qui a réalisé l’album, qui a fait un peu les arrangements. On a enregistré ce disque à trois, Alan, Bertrand et moi, dans un endroit merveilleux qui s’appelle le Hameau : un studio d’enregistrement au milieu de la campagne, dans une ancienne batisse. On était logés là-bas, et c’était un moment tout à fait gracieux.
On y a passé une semaine. Je ne connaissais pas les chansons en arrivant, j’avais entendu une vague maquette, et pendant cette semaine la grâce a fonctionné entre nous, on a enregistré les morceaux les uns après les autres, avec une espèce d’évidence d’arrangements. On était si bien dans cet endroit… J’avais une chambre charmante. Et j’ai écrit cette chanson dans cette chambre, en empruntant des guitares. J’étais vraiment inspirée par le lieu puisque la chanson dit : « ça suffit, qu’est ce qu’il se passe encore, encore une fois dans cette maison toutes les portes et toutes les fenêtres se sont changées en moineaux. » Evidemment, ce n’est pas arrivé en vrai, je le précise.

10. « Crossing Over »

Nous arrivons au dernier morceau, que je n’ai pas écrit : « Crossing Over », qui veut dire Traverser. En l’occurence, il a été écrit par Thibault Frisoni, un guitariste d’exception qui travaille avec moi et Bertrand. Cette chanson avait à l’origine une forme hyper folk, avec un très beau picking de guitare — une chanson assez sourde. Le texte a été écrit par Bénedicte Ober, la femme de Thibault. C’est vraiment un texte magnifique, j’ai toujours aimé cette chanson. On lui a fait plusieurs sorts : elle a connu plein de versions, encore plus sombres que tout ce qu’on peut imaginer, encore plus tristes, mais très belles aussi.
J’ai eu énormément de mal avec cette chanson pendant l’enregistrement, parce qu’on voulait absolument l’enregistrer avec tout le monde, mais ça ne convenait pas. Même si j’aimais beaucoup, et j’aime toujours, la version qu’on fait sur scène, je n’avais pas envie de ça sur le disque, ça me chagrinait. J’ai été jusqu’à l’enlever du disque, jusqu’à ce que, revenant sur cette décision (parce que vraiment ça me rendait trop triste), j’aie l’idée de mettre ces trombonnes qui ressemblent un peu aux voix dans « Sorry For The Lashes » : une espèce de chose physique, droite-gauche, droite-gauche, comme ça. Et quand j’ai trouvé ce truc, j’ai éprouvé cette chose physique et je me suis dit : « Bon Sang! Mais c’est bien-sûr ! C’est ça! »
Je suis très contente qu’elle soit sur le disque. C’est aussi une façon de saluer cette collaboration avec Thibault.

Interview par Camille Hardouin


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