GRINDI MANBERG : INFLUENCES


Après une première interview qui consistait à mieux comprendre les origines du projet Grindi Manberg, nous poursuivons l’expérience en creusant cette fois-ci en direction des influences qui parsèment sa musique. Influences plus ou moins conscientes, d’abord musicales, puis visuelles. Grindi Manberg, c’est aussi un monde d’images que nous ne pouvions laisser de coté…

MUSICALES

Ta musique est souvent associée au courant New Wave. Trouves-tu ça juste ? Qu’est-ce qui selon toi définit au mieux ce courant ? Comment penses-tu le rôle des influences dans ta musique ? Comment parviens-tu à dépasser le simple clin d’œil à une époque révolue ?

Ah, les étiquettes musicales… ! Je ne sais pas définir un style donc encore moins le mien et, à vrai dire, ça ne m’intéresse pas. New Wave, ça sonne bien, ça me plaît, on y range des groupes que j’aime. S’il faut choisir une case, pourquoi pas celle-là. J’ai un rapport aux influences assez délicat pour ne pas dire conflictuel. Je suis très inhibé par tout ce qui peut me venir à l’esprit quand je compose. Je laisse de côté la majorité de que je joue spontanément et m’enferme constamment dans un travail de mineur pour aller creuser là où ça ne me rappelle rien. Je sais que je ne réinventerai pas la musique mais je ne veux pas que la référence soit consciente. Sauf, peut-être, quand la référence est telle que je continue quand même dans son sillon.

« J’ai un rapport aux influences assez délicat pour ne pas dire conflictuel »

Une des facilité les plus utilisées dans l’histoire de la musique contemporaine, c’est le découpage par décennie. Et tu es souvent associé à celle des 80’s, qui fourmille de groupes auxquels il est fait références dans les chroniques qui te sont consacrées : Talk Talk, Visage, The Smiths… même si on y trouve aussi Robert Wyatt. Es-tu un admirateur de ces groupes des 80’s ?

J’admire les Smiths, Talk Talk (sans avoir beaucoup écouté), les Cure (j’ai réécouté « Pornography » !)… Le rattachement à cette période vient surtout du fait que j’ai découvert les synthés, quelques dizaines d’années après d’autres et que j’utilise beaucoup le Juno dans mes chansons. Ses sonorités me plaisent et j’en nourris ma musique mais c’est amené à changer. Je tends vers quelque chose de plus brut en ce moment, moins synthétique. Ce qui est étrange, c’est que je n’ai pas le sentiment d’avoir beaucoup écouté la musique des années 80. Je découvre certains artistes après coup. Ceux par lesquels, selon certains journalistes, j’aurais été influencé.

Que penses-tu de l’argument de la circularité de la mode musicale : un retour au 70’s, puis un retour au 80’s, etc… ?

Je ne m’en préoccupe guère. Il y a des instruments qui sont très connotés années 80 comme le synthé que j’utilise, pour autant, je ne vais pas nécessairement puiser dans cette musique là. C’est un retour à moitié. Par l’instrument. Je pense qu’aujourd’hui, au vu de toutes les chansons déjà écrites et de tous les instruments existants, il est normal que la musique soit faite d’aller-retours. Tant que ce n’est pas qu’un retour et qu’on n’est pas uniquement dans la copie…

« Il est normal que la musique soit faite d’aller-retours. Tant que ce n’est pas qu’un retour et qu’on n’est pas uniquement dans la copie… »

Dans la chronique que tu as consacré à Nick Drake, on peut lire une déclaration un peu mystérieuse : « mes chansons se cachent derrière les siennes ». Es-tu un fan absolu de Nick Drake qui écrit des chansons dans le but unique de louer son idole ?

Non. Je suis subjugué par la sincérité et l’âme que je trouve dans beaucoup de ses chansons et par cette déclaration, je voulais dire qu’à côté, les miennes me semblent médiocres et pour certaines, préfabriquées, bricolées. Mais je ne suis pas un fan absolu de Nick Drake. Je suis par contre un fan absolu d’Elliott Smith dont j’aime toute l’œuvre.

Les cordes fantomatiques d’un orchestre au début de « Lisbon », l’orgue lugubre de « Marine Has The Key », le synthé un peu inquiétant à la fin de « Mimosa Cure »… On trouve dans toutes tes chansons de longues plages synthétiques et légèrement dissonantes, des sonorités dures et froides. Quelle a été la genèse de ces sons très particuliers?

C’est difficile de l’expliquer. Ce sont des sons qui traduisent sans doute un état d’âme. A l’origine, « Marine Has The Key » a été composée à la guitare, je la joue encore ainsi en concert, mais j’aimais en studio la douceur froide de ces sons de clavier. Ce synthé à la fin de « Mimosa Cure » me faisait frémir mais je ne sais pourquoi je suis attiré par les sons détunés. Le son au début de « Lisbon » est un court sample d’une musique du film jouée par Madredeus. J’ai mis beaucoup de reverb sur ce sample et je l’ai bouclé. On a l’impression en effet d’entendre un orchestre s’accorder avant l’interprétation. J’adore ces moments d’ouverture des concerts orchestraux. Foutoir merveilleux.

VISUELLES

Tu revendiques assez clairement ta cinéphilie. Es-tu toi même réalisateur, acteur ou même monteur ? As-tu ce vieux rêve de faire un film ?

J’ai l’amour du cinéma, oui. Mais je suis très loin d’en connaître tous les classiques ! J’ai fait quelques court-métrages et j’ai mis en scène et monté le clip de Mimosa Cure. Ça s’arrête là pour l’instant. J’aimerais beaucoup réaliser un nouveau court-métrage, plus abouti, et dont je pourrais composer la musique. Ou composer pour les images d’un autre.

As-tu déjà des idées précises, un scénario, une ambiance… ?

Rien de précis. Des images floues. L’envie de tourner une séquence dans une salle de cinéma. Une scène violente et silencieuse.

Et les musiques de film : un genre à part selon toi ? Qu’est-ce qui fait une bonne BO ? Pourrais-tu nous en conseiller quelques unes ?

J’aime beaucoup certaines musiques de Philippe Sarde. Max et les ferrailleurs de Claude Sautet par exemple. Je trouve que Quentin Dupieux alias Mr Oizo compose de bonnes musiques de film comme on n’en fait plus trop. Il y a la BO de Twin Peaks évidemment, celle de Suspiria de Dario Argento par le groupe Goblin, les chansons merveilleuses de Paul Williams pour Phantom of the paradise et les thèmes inoubliables de Ryuichi Sakamoto dans Merry Christmas Mr Lawrence. Etc…

Une des photos qui circulent le plus lorsque qu’on te cherche sur le web, c’est celle qui est tirée du film Les Enchaînés. Sur le cliché original, Gary Grant embrasse Ingrid Bergman. D’où te vient cet amour d’Ingrid Bergman ?

Son image m’apaise. Pendant un temps, j’ai retrouvé en elle une personne que j’ai aimée et c’est ainsi que le projet est né. Toutes les chansons ne sont pas à son propos, d’ailleurs nous ne jouons plus Miss B., première chanson du projet, mais Grindi Manberg est hanté par son image. D’une manière générale, les actrices et les acteurs influencent ma musique.

 

Quels sont les films qui t’ont marqué récemment ?

Mystery Train et Only Lovers Left Alive de Jim Jarmusch.

Les nains aussi ont commencé petits de Werner Herzog.

Sonate d’automne d’Ingmar Bergman.

Le vent se lève de Hayao Miyazaki.

Et ceux qui constituent ton podium, toutes dates confondues ?

Je serais incapable aujourd’hui d’ériger un podium. Voici certains films que j’ai vus mais pas au cinéma et que je voudrais revoir dans une salle obscure :

Stalker d’Andreï Tarkovski

La Nuit des forains d’Ingmar Bergman

Mort à Venise de Luchino Visconti

 

Propos recueillis par Nicolas Fez et Atlas Ibiza

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