« Je ne considère pas French Toast comme un label traditionnel »


C’est la magie des microcosmes virtuels : on peut s’y croiser sans jamais s’y rencontrer. French Toast est un collectif sympa, dont tout nous rapproche… mais que n’avions nous pas encore parlé à Stéphan Lipiansky, l’homme qui tient la boutique ? Cette interview n’est donc pas qu’un prétexte pour évoquer les dernières actus French Toast : nouvel album de Reza & nouveau single numérique, du même Reza, dans la collection French Toast Single Club. Elle est aussi un moyen de faire connaissance, en mode 21ème siècle, sous le regard attendri de nos lecteurs.

Comment t’est venue cette idée de créer et faire vivre French Toast ? Est-ce que tu as constaté qu’il y avait, de manière générale, un manque de promotion pour les groupes ?

Au départ, c’était une constatation assez simple. On était un certain nombre de groupes (je joue moi-même dans New Pretoria) à végéter sur la scène parisienne, à se croiser assez souvent, à jouer ensemble, à sympathiser mais on continuait à communiquer chacun de notre côté. Je trouvais que c’était un gâchis, du coup j’ai proposé à une dizaine de groupes de se regrouper sous une bannière commune. Ils ont dit oui et French Toast est né comme collectif autour de 2005/2006. Puis peu à peu, devant le manque d’intérêt des autres labels pour ces mêmes groupes, j’ai fait de French Toast un micro label à partir de 2007. Un certain nombre de ces groupes de départ sont toujours là aujourd’hui : Reza, Porco Rosso, New Pretoria, Pierre & Marie

French Toast logoMiam !

Combien êtes-vous au sein de French Toast ?

Je suis seul à m’occuper vraiment de la structure. Les autres, les membres de groupes contribuent à promouvoir nos projets, ce sont comme des militants. Et puis on a pas mal de sympathisants, qui donnent aussi des coups de main.

Comment fonctionnez-vous pour le choix des groupes ?

Par une double affinité. Musicale d’abord mais personnelle aussi. Je ne travaille pas avec des groupes qui ne sont pas un minimum des gens que j’apprécie dans la vie. Donc pour tous les groupes c’est une histoire de rencontre, d’échange, et puis de travail en commun. Parce que je ne considère pas French Toast comme un label traditionnel. Je n’ai pas du tout la capacité de gérer de A à Z une sortie d’album, de singles ou l’organisation et la promotion d’un concert. C’est un travail collectif.

Observes-tu une évolution depuis 2007 dans ton activité, dans la vie de French Toast, et dans la promotion de groupes en général ?

Oui. L’évolution la plus flagrante concerne Internet. Au tout début de mon parcours dans la musique, on va dire entre 2004 et 2008, Internet était la zone réservée aux indépendants, aux groupes autoproduits, aux microstructures comme nous. Quand mon groupe, New Pretoria, a sorti son premier EP en 2004, on a eu vraiment beaucoup de chroniques, les webzines nous relayaient alors que nous sortions vraiment de nulle part. J’avais juste envoyé des CD-Rs par courrier, sans relancer derrière. Aujourd’hui ça n’a rien à voir. Même les plus gros artistes comptent sur la promo web et trustent les places de choix sur les blogs et webzines. On a de la chance d’avoir une certaine relation de fidélité avec certains, qui fait que notre actu est relayée. Mais pour un tout petit groupe ça doit être dur. Il faut carrément avoir une double casquette musicien/attaché de presse pour arriver à faire parler de soi aujourd’hui. Après, il y a aussi l’évolution des ventes de disques, mais ça, ce n’est presque pas la peine d’en parler !

Est-ce facile de faire jouer des groupes sur Paris ?

Pas forcément facile, mais à force, on a un petit réseau qui nous permet de nous débrouiller. Il y a quand même pas mal d’endroits qui restent accessibles pour les groupes (je pense à des lieux comme l’International, l’Espace B , le Pop In, la Loge, la Java) et où ils peuvent jouer dans des conditions plutôt cool. Et pour des structures comme nous, ça se passe plutôt bien parce que les lieux nous font confiance. En plus, on a des partenaires qui co-organisent certains événements avec nous (en particulier les Balades Sonores). Après ce qui est plus dur c’est d’arriver à mobiliser le public à chaque fois. Parfois ça marche bien, et il y a deux cents personnes. Parfois, on se plante et les groupes jouent devant vingt personnes. Ce n’est pas une science exacte.

Si tu avais droit à une seule et unique chose pour développer ton activité, ce serait quoi ?

De l’argent ! French Toast est un hobby pour moi auquel je ne peux consacrer que peu de temps. Avec un peu plus d’argent, on pourrait avoir une personne à plein temps pour faire de la promo. Ce serait le plus utile. Donc, mécènes de tout bord, manifestez vous !

Le milieu te parait-il fermé ?

Oui et non. C’est quand même un milieu relativement ouvert dans le sens où c’est assez facile d’écrire ou de parler aux responsables de labels, journalistes, programmateurs de salle. Mais le milieu peut apparaître fermé dans le sens où toutes les sensibilités musicales n’ont pas forcément le même accueil. Par exemple, les artistes folk, acoustiques, ne sont pas forcément les plus recherchés par les programmateurs de concerts. Du coup, certains de nos artistes ont vraiment du mal à tourner dans des salles sympas, surtout en province.

Quelle est votre actualité ?

On a pas mal d’actualités en ce moment. Il y a deux disques qui sortent ces temps-ci : le nouvel album de Reza, Supermaan dans les bacs depuis quelques jours, et le nouvel EP de Pollyanna, Spring, qui sortira le 14 mai [disponible dès à présent à La Fabrique Balades Sonores, ndlr].

Reza Supermaan

Pollyanna Spring

A côté de ça, il y a le French Toast Single Club : un single numérique chaque mois.

Quelle est l’origine de ce projet ?

À l’origine, il y avait une constatation assez personnelle. Je me rendais compte que beaucoup de gens, dont moi, postaient des morceaux ou des disques sur les réseaux sociaux mais que personne n’avait vraiment le temps d’écouter un disque en entier juste parce qu’un ami en avait parlé. Du coup, j’ai eu l’idée de cette série de singles : deux titres de moins de 5 minutes, une belle pochette dans l’esprit des 45 tours, une promotion essentiellement Web et sur les réseaux sociaux. Et puis la volonté de promouvoir le partage en proposant des Mp3s gratuits à ceux qui le font. Je pense que c’est un format adapté à la consommation actuelle de la musique. Les gens écoutent beaucoup de choses, zappent pas mal. Moi le premier d’ailleurs.

Ta salle de concert préférée ?

J’aime beaucoup la Cigale, j’y ai vu de chouettes concerts et j’ai eu la chance d’y jouer. Dans les plus petites salles, j’aime aussi beaucoup la Loge où nous organisons des concerts de temps à autres. On avait notamment invité John Cunningham à venir y jouer et ce fut une très belle soirée.

Ton bar préféré ?

J’aime beaucoup le Motel mais en même temps j’aime beaucoup le Pop In, alors les deux !

Quelle est la dernière chose à faire lorsqu’on est ivre ?

Des promesses !

Quelle serait la chanson de cette présidentielle ?

Malheureusement, « Le 20.04.2005 » de Katerine, la chanson dont Marine le Pen est l’héroïne.

T’étais où pendant le règne de la Tecktonik ?

Il y a eu un règne de la Tecktonik ?

Un dernier mot pour la fin ?

Je ne vais pas être très original mais je tenais à remercier très sincèrement les blogs, webzines et les partenaires en général qui nous soutiennent dans nos différents projets parce que tous ces relais sont super importants pour nous. Moi personnellement, ça me motive à continuer tout ça !

Interview par Fabien Hellier

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